Les développements récents du problème noir aux Etats-Unis - article ; n°3 ; vol.16, pg 515-544
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1964 - Volume 16 - Numéro 3 - Pages 515-544
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Pierre Lassale
Les développements récents du problème noir aux Etats-Unis
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 16 N°3, Juillet-septembre 1964. pp. 515-544.
Citer ce document / Cite this document :
Lassale Jean-Pierre. Les développements récents du problème noir aux Etats-Unis. In: Revue internationale de droit comparé.
Vol. 16 N°3, Juillet-septembre 1964. pp. 515-544.
doi : 10.3406/ridc.1964.14268
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1964_num_16_3_14268LES DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS
DU PROBLÈME NOIR AUX ÉTATS-UNIS
par
Jean-Pierre LASSALE
Chargé de cours à la Faculté de droit et des sciences économiques de Lyon
" Le plus redoutable de tous les maux qui menac
ent l'avenir des Etats-Unis naît de la présence des
Noirs sur leur sol. "
A. de Tocqueville (1850).
Les problèmes posés par la décolonisation ne sont pas, à l'époque
contemporaine, l'apanage exclusif des pays du Vieux Continent. Les
Etats-Unis, sur leur propre territoire, ont eux aussi un problème sens
iblement analogue à résoudre : ils doivent procéder à la décolonisation
interne d'une partie de leur population, et cette entreprise se heurte,
chez ceux qu'elle menace, à des résistances d'autant plus violentes qu'elle
semble plus près d'aboutir. Par un processus qui nous est familier, la
mise en question, dans certaines parties de l'Union, de structures sociales
et mentales traditionnelles, suscite des réactions qui, loin de s'atténuer,
s'intensifient et s'amplifient avec le temps. On s'explique ainsi que ces
dernières années aient été marquées par une recrudescence des troubles
raciaux, et que ceux-ci se soient produits au moment même où la condi
tion du Noir américain semblait lentement s'améliorer.
Il faut certes se garder de l'illusion qui consiste à considérer le pro
blème noir aux Etats-Unis comme un problème régional, limité à cer
taines parties de l'Union. Comme l'a très bien noté M. Guérin, en Amér
ique « le préjugé racial n'est pas enfermé dans les limites géographiques
du vieux Sud » (1). Il sévit, au contraire, à des degrés divers dans tous
les Etats, et il ne constitue qu'un aspect particulier d'une sorte de racisme
américain, qui tend à exclure de la communauté nationale les éléments
jugés inassimilables (2). Certes, la ségrégation légale n'existe pas dans
(1) D. Guérin, Décolonisation du Noir américain, Les Editions de Minuit, 1968, p. 57.
(2) Les Mexicains au Texas, les Chinois et les Japonais en Californie, les Porto-Ricains
à New York ont été tour à tour victimes de discriminations raciales, qui expriment les
résistances du milieu devant l'intrusion d'éléments « étrangers ». 516 LES DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS DU PROBLÈME NOIR AUX ÉTATS-UNIS
les Etats du Nord, et elle y est même proscrite par de nombreuses légi
slations locales. Mais la discrimination raciale, pour ne pas s'y avouer
ouvertement, ne s'en exerce pas moins sous des formes diverses qui ten
dent à faire du Noir américain un citoyen de seconde zone. Dans les Etats
du Nord, ce sont les discriminations en matière de logement et d'emploi
qui constituent les principaux obstacles auxquels se heurte l'émancipa
tion de la communauté noire. Confinés en fait dans certaines zones rés
identielles, et victimes de la discrimination économique pratiquée par les
syndicats ouvriers, les Noirs qui vivent dans les Etats du Nord ne sont
pas, pour la plupart, réellement intégrés dans la société américaine et,
comme le prolétariat jadis décrit par Péguy, ils continuent à camper
« aux portes de la cité » (3). Il faut noter, d'ailleurs, comme l'a fait récem
ment M. Cadoux (4), que, depuis quelques années, le problème noir s'est
en quelque sorte « nationalisé », en raison des courants migratoires qui
déplacent de plus en plus les gens de couleur, à partir des Etats du Sud
vers les autres Etats (5). Les tensions raciales tendent ainsi à se géné
raliser sur l'ensemble de l'Union, partout où d'importantes communautés
noires coexistent avec la population blanche, et il est possible que dans
l'avenir les affrontements décisifs et les crises les plus violentes se pro
duisent ailleurs que dans le Sud.
Mais s'il faut éviter de faire du problème noir une question pure
ment sudiste, on doit cependant constater qu'en l'état actuel des choses
c'est encore dans les Etats du Sud, et singulièrement dans ceux du « Sud
profond », que l'intégration raciale soulève les remous les plus graves.
C'est dans ces Etats que se produisent les troubles et les scènes de vio
lence qui, périodiquement, rappellent à l'opinion mondiale l'existence
d'une question noire spécifiquement américaine. Les accès de fièvre qui
depuis trois ans ont secoué les Etats du Sud sont, à cet égard, encore
(3) L'écrivain noir, J. Baldwin, dans une interview récente, traduisait en ces termes
la condition des Noirs dans les Etats du Nord : «... Dans le Nord, le Noir se sent beaucoup
plus démoralisé que dans le Sud... Là-haut, il n'existe pas de signes manifestes, d'interdits
signifiés en toutes lettres... Il faut se débrouiller entièrement au jugé : il peut toujours arri
ver qu'au restaurant on vous colle à une table derrière le poêle, ou qu'on vous flanque à
la porte du restaurant, ou encore que vous vous fassiez descendre... Quand cherchez
un appartement, on ne vous dira pas : « Fiche-moi le camp, sale nègre ». On vous dira que
l'appartement n'est plus à louer ; et quand vous êtes à la recherche d'un travail, c'est la
même chose, et c'est à devenir fou. Et, dans le Nord, il arrive aux Noirs dé devenir fous,
justement pour cette raison. C'est pourquoi, dans la situation où nous nous trouvons actuel
lement, notre espoir réel, si le Sud arrive à surmonter ce cauchemar, c'est plutôt dans le
Sud que nous le plaçons... C'est le Sud qui à cet égard peut prendre la tête du pays. »,
Preuves, octobre 1963, p. 10.
(4) Ch. Cadoux, Tension raciale aux Etats-Unis en 1963, in Revue de faction populaire,
septembre- octobre 1963, p. 955 et s.
(5) Quelques exemples montreront l'importance du courant migratoire. C'est ainsi
que l'Etat de New York, d'après le recensement de 1960, possède près de 1 500 000 Noirs.
Dans la seule ville de New York, les Noirs représentent 14 % de la population totale, et
leur nombre dépasse le million. En 1960, la Californie comportait 883 000 Noirs, soit un
accroissement de 90 % par rapport aux chiffres de 1950. L'Illinois a aujourd'hui plus d'un
million de Noirs, soit une augmentation de plus de 60 % par rapport à 1950. Dans la ville
de Washington, la population noire a augmenté de près de 60 % par rapport à 1950 alors
que, dans le même temps, la population blanche ne s'accroissait que de 19 %. V. L. Lomax,
La révolte noire, Editions du Seuil, 1963, p. 62. DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS DU PROBLÈME NOIR AUX ÉTATS-UNIS 517 LES
présents dans toutes les mémoires : en mai 1961, c'était le périple entre
pris de la Virginie au Mississippi par de jeunes intégrationnistes, blancs
et noirs, qui se terminait par de très graves émeutes ; un an plus tard,
c'était l'admission d'un étudiant noir, J. Meredith, à l'Université d'Ox
ford (Mississippi) qui s'accompagnait de tragiques scènes de violence ;
enfin, l'année dernière, en 1963, c'était au tour d'une ville de 1' Alabama,
Birmingham, d'être le foyer de troubles raciaux dont la presse mondiale
tout entière se fit l'écho. Si ces explosions sporadiques ne doivent pas
faire oublier les faits quotidiens de la ségrégation, elles méritent cepen
dant d'être examinées attentivement car elles ont, en quelque sorte,
valeur de symbole. Elles illustrent tout d'abord avec une parfaite clarté
les données permanentes du problème de l'intégration raciale, et elles
soulignent les difficultés auxquelles se heurte l'action des autorités fédér
ales, lorsqu'elles tentent de trouver une solution à ce problème. Certes,
on ne peut mettre en doute le désir du gouvernement américain de tran
cher la question au fond et de faire dispar

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