Les langues comme moyen d expression du droit international - article ; n°1 ; vol.16, pg 256-274
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Description

Annuaire français de droit international - Année 1970 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 256-274
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Lazar Focsaneanu
Les langues comme moyen d'expression du droit international
In: Annuaire français de droit international, volume 16, 1970. pp. 256-274.
Citer ce document / Cite this document :
Focsaneanu Lazar. Les langues comme moyen d'expression du droit international. In: Annuaire français de droit international,
volume 16, 1970. pp. 256-274.
doi : 10.3406/afdi.1970.1593
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1970_num_16_1_1593LANGUES COMME MOYEN D'EXPRESSION LES
DU DROIT INTERNATIONAL
Lazar FOCSANEANU
I. — INTRODUCTION -
1. Règle juridique et langue. — Dès 1921, le doyen François Geny préconisait
l'élaboration d'une linguistique juridique (1). H est surprenant de constater que,
malgré les progrès spectaculaires de la linguistique générale, une branche spéciale
de cette science, consacrée à l'étude de la langue du droit, n'ait pas encore vu
le jour.
En effet, toute règle juridique s'exprime nécessairement dans une langue qui
en devient, de ce fait, un élément essentiel. L'interprétation et l'application de la
règle exigent un examen critique de son énoncé linguistique. Cet examen doit
porter sur les aspects lexicaux, morphologiques, syntaxiques et sémantiques du
texte à interpréter.
Des normes d'origine romaine (2), reprises aux articles 1156 à 1164 du code
civil français et dans des textes analogues d'autres systèmes de droit interne ont
traditionnellement régi et régissent encore l'interprétation juridique. Elles ne pa
raissent plus suffisantes à la lumière des progrès de la linguistique et de la logique
modernes.
2. Rôle prépondérant de la linguistique dans la pensée contemporaine. — Au
cours des dernières décennies les problèmes du langage et des langues ont pris une
importance prépondérante dans les sciences sociales, la philosophie, la littérature
et les arts. Dans tous ces domaines, comme dans celui des sciences exactes, les
problèmes linguistiques occupent actuellement une place privilégiée. Le nombre
d'ouvrages originaux et de traduction publiés en France, au cours des dernières
années, sur les problèmes du langage, est considérable. Une bibliographie sommaire
en sera donnée à la fin de cette étude.
Plusieurs circonstances paraissent expliquer le rôle de pilote que joue actuel
lement la linguistique à l'égard des autres sciences humaines :
(*) Lazar Focsaneanu, Professeur à l'Institut d'Etudes politiques d'Aix-Marseille,
auteur de divers articles dans cet Annuaire.
(1) Voir François Geny, Science et technique en droit privé positif, III» partie, Paris, Sirey
(1921), p. 448 et n°« 256 et 257. Voir ausi Ph. Malaurœ, Le droit français et la diversité des
langues, Journal du Droit international, 1965, pp. 565-590.
(2) Les préoccupations de sémantique juridique des jurisconsultes romains sont remarq
uables. Rappelons que le titre XVI du livre L du Digeste porte la rubrique c De verborum
significatione >. •
LANGUES ET DROIT INTERNATIONAL 257
1°) Le langage est pour l'homme le médiateur de toutes les expériences que
son savoir peut fixer, comparer ou échanger (3)."
2°) La multiplication des contacts entre cultures, entre régimes sociaux, polit
iques et économiques différents appelle l'attention sur la diversité des langues et
crée un problème généralisé et permanent de traduction.
3°) La spécialisation croissante des connaissances et des activités sociales donne
lieu à l'apparition de langages techniques multiples au sein de chacune des langues
et crée un besoin de communication et d'harmonisation entre ces multiples systè
mes d'expression (4) .
4°) Le courant philosophique structuraliste est dans une large mesure axé sur
les problèmes du langage.
3. Langue courante et langages techniques. — Chaque communauté linguist
ique pratique une langue courante ou «naturelle», née spontanément du jeu des
échanges humains, et possède en outre une série de langages techniques spécialisés,
dont fait partie le langage juridique.
La création des langages techniques a été rendue nécessaire par le manque
de précision et l'ambiguïté de la langue courante. L'imprécision de celle-ci est due
à plusieurs causes et notamment aux faits de polysémie et de synonymie, aux
connotations et aux glissements sémantiques.
On désigne par polysémie l'existence de plusieurs sens pour un même mot.
Il suffit de consulter un dictionnaire pour se convaincre que certains mots comme
« faire », « homme » ou « être » comportent jusqu'à cinquante ou soixante sens
différents (5) . La copule «est» peut désigner indifféremment une relation d'ident
ité (par ex. «Molière est l'auteur de l'Avare»), une relation de. sujet à prédicat
(par ex. « Molière est un auteur classique ») ; une d'inclusion (par ex.
« le théâtre est un genre littéraire ») (6) , etc. Il est évident que la polysémie
obscurcit le rapport du signifiant (mot) au signifié (sens) et rend nécessaire le
recours au contexte ou à d'autres procédés destinés à rendre clair ce rapport.
A l'inverse de la polysémie, la synonymie désigne l'existence de plusieurs mots
ayant le même sens.
Les « connotations » ou « valeurs stylistiques » sont des associations extra
sémantiques, plus ou moins lâches, qui, sans altérer le sens du mot, le colorent (7).
Il en sera plus amplement question ci-après (v. n° 4 ci-après).
Enfin, l'imprécision de la langue courante est due aussi à son instabilité sé
mantique. Toutes les langues varient dans le temps pour s'adapter aux besoins
changeants de la communauté linguistique.
Les langages techniques tendent à purifier leur lexique, leur syntaxe et leur
sémantique de manière à réaliser des énoncés dénués d'équivoque. Elles essayent
d'y arriver en remplaçant les mots intuitifs et imagés de la langue courante par
des termes abstraits et rigoureusement : définis, qui excluent toute ambiguïté. Le
langage technique le plus parfait est celui des mathématiques. Par son caractère
axiomatique et symbolique, il permet la transmission exacte de la pensée en évitant
la confusion des significations.
(3) Voir Mouloud, op. cit., p. 6.
(4)Lefebvbe, op. pp. 9-10.
(5) Voir Guiraud, op.' cit., pp. 30-31.
(6)Heinz Wagner et Karl Haag, Die Moderne Logik in der Rechtswissenschaft, éd.
Gehlen, Bad Homburg, Berlin et Zurich (1970) , p. 13.
(7) Voir Guiraud, op. cit., pp. 31 à 36. 258 LANGUES ET DROIT INTERNATIONAL
Le langage technique du droit n'est pas arrivé à un degré d'abstraction et de
formalisation comparable à celui des mathématiques. Il conserve des liens étroits
avec la langue courante et participe, dans une large mesure, à l'ambiguïté de celle-
ci. Par ailleurs, le caractère normatif du droit s'adapte mal à la logique formelle
et au calcul logique, conçus plutôt pour des jugements d'existence que pour des
normes, qui, en elles-mêmes, ne sont ni vraies, ni fausses (8).
Le rôle important de la langue courante dans les énoncés juridiques est un ." fait lourd de conséquences (9)
4. Les « connotations » ou « valeurs stylistiques » des mots de la langue cou
rante. — L'un des mérites de la linguistique moderne est d'avoir mis en lumière,
le fait que la langue vivante d'une civilisation communique des significations et
des valeurs qu'elle ne formule pas expressément; elle « témoigne » d'un fond de
significations n'expose pas littéralement, mais qui marquent cependant • son
vocabulaire et même sa syntaxe (10) . Les mots dirigent les interlocuteurs vers une
sphère de significations non formulées, mais présupposées (11) .
Ces non formulées constituent les « connotations » ou « valeurs
stylistiques » des mots. Ce sont les résonances affectives ou intellectuelles (12) , les
associations extra-notionnelles que ces mots évoquent et qui les colorent (13) •
Le rôle des techniques de l'exégèse consiste justement à « dissiper les mythes
qui animent nos mots », « à rendre audible la part de silence que tout discours
emporte avec soi lorsqu'il s'énonce » (14) .
5. Dépendance des mots de l'état d'

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