Le droit commun a-t-il été l héritier du droit romain? - article ; n°1 ; vol.142, pg 283-292
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1998 - Volume 142 - Numéro 1 - Pages 283-292
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 32
Langue Français

Extrait

Monsieur André Gouron
Le droit commun a-t-il été l'héritier du droit romain?
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 1, 1998. pp. 283-
292.
Citer ce document / Cite this document :
Gouron André. Le droit commun a-t-il été l'héritier du droit romain?. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 1, 1998. pp. 283-292.
doi : 10.3406/crai.1998.15860
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1998_num_142_1_15860NOTE D'INFORMATION
LE DROIT COMMUN A-T-IL ÉTÉ L'HÉRITIER DU DROIT ROMAIN?,
PAR M. ANDRÉ GOURON, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE
Voici déjà plus d'un demi-siècle que Francesco Calasso enta
mait avec éclat la publication d'une série d'études consacrées au
« droit commun », entendu comme l'un des concepts essentiels
de la science juridique médiévale1 : un concept donnant au droit
romain, tel que transmis par les compilations de Justinien, valeur
de système juridique européen de nature à dominer les jura pro
pria, c'est-à-dire aussi bien les législations monarchiques ou prin-
cières que les droits d'origine coutumière, écrits ou oraux, ou que
les statuts, urbains ou non.
De nos jours, l'accent ainsi posé sur l'emprise, à l'échelle conti
nentale, de cet héritage, n'est pas loin de se transformer en véri
table mode ; une mode qu'illustrent les intitulés que portent trois
périodiques de haut niveau scientifique — en Allemagne, puis en
Italie et en Espagne — , sans compter un grand nombre de travaux
dus à la plume d'historiens du droit, et dont certains sont de pre
mier plan. Par une forme d'accord implicite, il semble admis à peu
près partout que, dès l'aube de la science juridique, l'expression
jus commune a servi de symbole à la construction d'un ordonnan
cement supérieur.
Il n'est certes question de nier ici, ni la portée universelle que
les glossateurs croyaient pouvoir accorder à leur enseignement, ni
l'effet largement unificateur qu'a entraîné la diffusion de ce droit
— comme celle du droit canonique — sur les pratiques juridi
ques ; d'innombrables travaux récents ont démontré l'une comme
l'autre. Apparaît néanmoins un danger de perspective, contre
lequel les pages qui suivent visent à mettre en garde. En doctrine,
le jus commune n'a longtemps été identifié, ni avec le droit romain
1. De Calasso, on se bornera à citer d'abord « II concetto di " diritto comune "», Archivio
Giuridico 111, 1934, et surtout la célèbre Introduzione al diritto comune, Milan, 1951, où se
trouvent réédités l'étude précédente comme nombre d'essais postérieurs ; cet auteur liant
étroitement le concept de souveraineté à celui de « droit commun », il faut également lire
Iglossatori e la teoria délia sovranità, 3e éd., Milan, 1957. On ne saurait enfin négliger — tant
les positions adoptées au regard du jus commune s'y retrouvent — son Media evo del diritto I,
Milan, 1954. 284 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
en général, ni, a fortiori, avec les tendances universalistes des doc
teurs ; dans la pratique, il s'en faut de beaucoup pour que le « droit
commun » ait partout pris cette acception.
*
• *
Le maniement du concept de jus commune, tel qu'on le trouvait
utilisé au Corpus juris civilis, était, pour les glossateurs, tout sauf
facile. Plusieurs juristes classiques, dont Ulpien et Gaius, respect
ivement au D. 1. 1. 6. pr. et au fragment 9 du même titre, en fa
isaient l'équivalent du jus naturale velgentium, par opposition au jus
proprium [civile) de chaque peuple. Beaucoup plus souvent, néan
moins, le jus commune désignait la règle juridique générale, à
laquelle dérogeait telle ou telle disposition d'exception : ainsi
l'entendaient Papinien au D. 38. 4. 11, ou encore les auteurs de
diverses constitutions, par exemple au C. 1. 5. 22 {sive communi jure,
sive militari). Bien qu'aucun texte n'opposât nettement l'un à
l'autre, ce jus commune constituait en fait l'antithèse du jus singu-
lare, norme d'exception ainsi définie par Julien au D. 29. 7. 2. 2
(droit particulier aux codicilles) ou encore par Javolenus au D. 41.
2. 23. 1 (perte de possession subie par le citoyen tombé aux mains
de l'ennemi). Un seul passage offrait clairement l'antithèse, et
donc autorisait le jeu du sic et non, ce qui explique son extraordi
naire succès chez les docteurs : au C. 3. 28. 37. 1 e, le privilegium
conféré au testament du soldat in castrense peculio se trouvait
opposé ru jus commune, autrement dit aux dispositions générales
régissant l'expression des dernières volontés.
Avec Irnerius, le fondateur de l'école bolonaise, un premier pas
se trouve franchi : \ejus commune est opposé au jus spéciale2 — on
dira plutôt, par la suite, jus singulare3 — chaque fois qu'un principe
trouve une exception. Avec Bulgarus, successeur du précédent,
l'accent se trouve porté sur le privilège : \aprivilegiata voluntas mili-
tis déroge au jus commune, si l'on en croit des gloses postérieures
dont le contenu, à vrai dire, n'est pas toujours clair4.
A partir de ce tronc commun, deux tendances doctrinales se
font jour. L'une, qu'illustrent des écrits français, anglais et rhé
nans, se met en devoir d'opposer le jus commune au privilège,
2. Voir L. Loschiavo, Summa Codicis BeroUnensis, Francfort-sur-le-Main, 1996 (lus Com
mune, Sonderherft 89), p. 91.
3. Cf. V. Piano Mortari, « lus singulare e privilegium nel pensiero dei glossatori », Rivista
italiana per le Scienze giuridiche 92, 1957-1958, p. 271 sq.
4. On en trouvera l'examen détaillé dans E. Cortese, La norma giuridica, Spunti teorici nel
diritto comune classico II, Milan, 1964, p. 47, n. 19. DROIT COMMUN ET DROIT ROMAIN 285
considéré comme une lexprivata : on assiste là à ce type de tentat
ive, fort courant dans les écrits précités, qui vise à combiner des
emprunts au droit romain avec des définitions d'origine cano
nique. La définition du privilège comme lexprivata, issue desEty-
mologies d'Isidore de Séville, avait été en effet introduite par Gra-
tien dans son Décret. De cette tendance, l'écho retentit aussi bien
dans la France méridionale, avec le Libellas de verbis legalibus d'Au-
bert de Béziers5 que dans la moitié septentrionale du royaume,
comme en témoigne YEpitome «Exactis regibus»6; quant au Brachy-
logusjuris civilis, des années soixante ou soixante-dix du XIIe siècle,
et donc contemporain du précédent, son auteur inconnu se montre
plus proche des Bolonais en caractérisant le privilège comme un
jus singulare contra jus commune introductum1 .
Incontestablement, le jus commune, pour les rédacteurs de ces
œuvres d'origine mal déterminée, n'est pas autre chose que la
règle générale ; comme l'écrit le canoniste de formation pari
sienne à qui l'on doit la Somme au Décret dite Coloniensis, le pri
vilège « prive » de leur généralité les leges communes*.
A une notable exception près, les milieux des civilistes étrangers
à l'Italie ne sont guère allés au-delà de ces positions de principe,
dont les conséquences pratiques les ont peu préoccupés, sauf à
classer les monopoles parmi les quasi-privilèges. Il est vrai que les
produits de ces mêmes milieux sont, pour la plupart, tombés dans
l'oubli dès le début du XIIIe siècle. Au contraire, les Bolonais, dont
l'ascendant tourne du reste à une domination sans partage au
même moment, sauront exploiter brillamment l'antithèse entre jus
commune et jus singulare.
L'influence de la théorie bulgarienne apparaît avec éclat dans la
Summa Trecensis, cette Somme au Gode qui, pour être l'œuvre du
maître provençal Géraud, n'en constitue pas moins le reflet des
conceptions bolonaises vers le milieu du siècle. Ici, plus clair
ement encore que chez Bulgarus, le jus commune s'oppose au privi
lège, non seulement parce que ce dernier forme brèche à la règle,
mais aussi et surtout en raison d'une définition selon laquelle, par
hypothèse, ce même privilège suppose une concession contra jus
commune. Plus pr&#

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