Critique diplomatique, commandement des actes et psychologie des souverains du Moyen Age - article ; n°1 ; vol.122, pg 8-26
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1978 - Volume 122 - Numéro 1 - Pages 8-26
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Robert-Henri Bautier
Critique diplomatique, commandement des actes et psychologie
des souverains du Moyen Age
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 122e année, N. 1, 1978. pp. 8-26.
Citer ce document / Cite this document :
Bautier Robert-Henri. Critique diplomatique, commandement des actes et psychologie des souverains du Moyen Age. In:
Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 122e année, N. 1, 1978. pp. 8-26.
doi : 10.3406/crai.1978.13428
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1978_num_122_1_13428COMPTES RENDUS DE L ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
COMMUNICATION
CRITIQUE DIPLOMATIQUE,
COMMANDEMENT DES ACTES ET PSYCHOLOGIE
DES SOUVERAINS DU MOYEN ÂGE,
PAR M. ROBERT-HENRI BAUTIER, MEMBRE DE L' ACADÉMIE.
Longtemps la diplomatique a été considérée comme un instrument
pour déterminer le degré de sincérité des actes et aujourd'hui encore,
aux yeux de bien des historiens, elle demeure une technique un peu
ésotérique pour établir le discrimen falsi aut veri cher aux Bénédictins,
valable surtout pour la période où les falsifications ont été les plus
nombreuses, c'est-à-dire le haut Moyen Âge. Son domaine s'est
pourtant considérablement élargi puisqu'elle revendique pour siennes
non seulement la tradition des actes et l'étude de leurs formes,
externes et internes, mais aussi leur genèsev autrement dit toute la
filière par laquelle passe un document quelconque depuis l'instant où
il a été sollicité jusqu'à celui où il a été mis en condition d'être
exécutoire.
Les recherches sur la forme des actes, plus précisément de leur
formulation, ont donné lieu ces dernières années, dans le cadre de
l'histoire des mentalités, à des travaux fructueux, spécialement ceux
de l'École de Vienne1, dont le directeur le Pr. Heinrich Fichtenau
a tiré des enseignements utiles de l'examen des préambules2 et,
avec le Pr. Herwig Wolfram, de Yintitulatio, de l'invocation et des
formules de dévotion accompagnant la titulature ou la formule de
datation3. Ce type de recherche a produit des résultats suffisamment
convaincants pour qu'on soit en droit d'estimer que l'étude atten
tive des formules autorise des conclusions sur les modes de pensée
d'une époque ou d'une cour donnée. Toutefois trop de ces formules
sont stéréotypées et n'expriment que des poncifs dont l'apparence
seule varie sans cesse dans l'ordre ou le choix des mots par suite d'un
1. Sur cette orientation, cf. Heinrich Fichtenau, La situation actuelle des études
de diplomatique en Autriche, dans Bibl. Éc. des Ch., CXIX, 1961, p. 5-20, spéc.
17-19.
2. H. Fichtenau, Arenga. Spâtantike und Mittelalter im Spiegel von Urkun-
denformeln, Graz-Koln, 1957.
3. Herwig Wolfram, Intitulatio I. Lateinische Kônigs- und Fùrstentitel bis
zum Ende des 8. Jhts ; — II. Id. im neunten und zehnten Jht., Wien-Kôln-Graz,
1967 et 1973 (Mitteilungen des Instituts fur osterreichische Geschichtsforschung.
Ergànzungsband XXI et XXIV). Voir notamment dans le vol. II, H. Fichtenau,
« Politische » Datierungen des friihen Mittlealters. Parmi les travaux antérieurs,
voir notamment Léo Santifaller, Vber die Verbal- Invokation in den àlteren
Papsturkunden, in Rômische Mitteilungen, 3, 1960, p. 18 sq. CRITIQUE DIPLOMATIQUE 9
recours constant à la rhétorique et il faut une maîtrise particulière
pour manier avec subtilité ce type de documentation.
Plutôt que source de l'histoire des mentalités, il me semble que la
critique diplomatique doive être tenue pour un élément fondamental
de la connaissance de la personnalité des auteurs des actes, de leur
psychologie. L'un des buts de la diplomatique n'est-il pas de dégager
les conditions dans lesquelles l'acte a été voulu, conçu, commandé et
exprimé par écrit ? Autrement dit, l'étude du commandement des
actes me paraît être une des contributions potentielles les plus impor
tantes de la diplomatie à l'histoire. Plus que reflet de la psychologie
collective de groupes sociaux, l'acte royal, par exemple, est représen
tation de la personnalité du souverain dès lors qu'il est possible de
déterminer la part réelle que lui-même a prise dans la conception
et le commandement de l'acte.
Cet aspect de la diplomatique est d'autant plus intéressant que
les autres sources sont souvent muettes sur la personnalité du roi, à
moins qu'elles ne répondent à des préoccupations qu'on pourrait
qualifier d'hagiographiques en soulignant la piété, la bonté, la bien
veillance, bref les vertus classiques du souverain.
De même, la plupart des historiens modernes parlent du règne ou
du gouvernement de tel ou tel souverain comme d'un bloc, sans
s'interroger sur la part personnelle qu'il a été amené à prendre dans
les grandes décisions, sans rechercher son individualité propre. Il
y a quelques semaines, ouvrant le Congrès international de dipl
omatique et prenant en exemple le règne de Philippe le Bel4, j'ai
souligné les jugements absolument contradictoires portés par les
historiens sur un roi dont on pourrait pourtant penser que le nombre
des sources contemporaines devraient autoriser à porter un jugement
fondé. C'est que l'histoire aujourd'hui ne s'intéresse plus guère aux
individus, même sur ceux qui ont créé l'événement ; mais c'est aussi
par un sentiment de résignation né de la nature des sources médié
vales : Ch.-V. Langlois n'a-t-il pas affirmé : « II n'y a rien à faire avec
les documents diplomatiques. Nous n'avons pas le moyen de distin
guer ce qui est du roi, ce qui est des ministres »5 ?
C'est précisément l'opinion inverse que je voudrais soutenir ici et
démontrer que les observations faites sur les documents diploma
tiques de presque toutes les époques nous permettent une approche
de la psychologie du roi et, plus généralement, de l'auteur des actes.
4. Conférence de la séance d'ouverture du Ve Congrès international de diplo
matique, Paris, 1977 ; Diplomatique et histoire politique: ce que la critique
matique nous apprend sur la personnalité de Philippe le Bel, Revue historique,
CCLIX, 1, 1977, p. 3-27.
5. Charles- Victor Langlois, Saint Louis, Philippe le Bel, les derniers Capétiens
directs, dans E. Lavisse, Histoire de France, t. III, 2, Paris, 1901, p. 120. COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 10
II convient tout d'abord d'éliminer tout ce qui, par définition, ne
peut être le fait du roi. L'établissement d'un itinéraire critique du
souverain permet de laisser de côté tous les actes qui ont été datés
d'un lieu différent de celui où se trouvait alors le roi et qui par consé
quent ont été commandés hors de sa présence. En effet, à partir
du moment où se sont installées à Paris les institutions administ
ratives centrales du royaume, c'est-à-dire dans la seconde moitié
du xme siècle ou les premières années du xive siècle, un nombre
considérable d'actes ont été expédiés à l'initiative des cours, des
services ou des officiers établis dans la capitale : Parlement, gens des
Comptes et du Trésor, des Eaux et Forêts et, un peu plus tard, des
Monnaies puis des Aides. Sans parler d'une fraction du Conseil du roi
qui se trouvait fréquemment à Paris avec une large délégation de
pouvoirs, et surtout du chancelier lui-même dont la principale fonc
tion consistait à coordonner l'action gouvernementale en une inces
sante navette entre Paris et l'entourage royal, ce dernier en perpétuel
mouvement à travers villes et campagnes et de châteaux en monast
ères. Bien que tous les actes continuent à être expédiés sous le nom
du roi et même qu'un certain nombre de sentences soient prononcées
fictivement par sa bouche, il ne faut créditer le souverain d'aucune
mesure prise hors de sa présence réelle, à moins que le texte de l'acte
ou une mention hors teneur, de règle en ce cas, n'indique expressé
ment qu'il y a eu un ordre du roi communiqué par mandement
spécial ou par lettres closes : « Per vos, de mandato domini régis per
litteras clausas vobis directas » ou une formule équivalent

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