Allégorie et préciosité - article ; n°1 ; vol.28, pg 103-116
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Allégorie et préciosité - article ; n°1 ; vol.28, pg 103-116

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 103-116
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 38
Langue Français

Extrait

Professeur Jean-Pierre Collinet
Allégorie et préciosité
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 103-116.
Citer ce document / Cite this document :
Collinet Jean-Pierre. Allégorie et préciosité. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp.
103-116.
doi : 10.3406/caief.1976.1109
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1976_num_28_1_1109ALLÉGORIE ET PRÉCIOSITÉ
Communication de M. Jean-Pierre COLLINET
(Dijon)
au XXVIIe Congrès de l'Association, le 28 juillet 1975.
« Chacun n'aime pas les Fables mystérieuses, ny les
Figures significatives », fait dire Charles Sorel au voyageur
Periandre, dans une lettre au sage Egemon, le guide de
la ville des portraits. « Toutefois il n'y a que les Personnes
du Commun qui veulent de simples railleries, sans se plaire
aux agréables Inventions d'esprit. » Dans la mesure même
où ils prétendent se distinguer, les Précieux se devaient
donc d'aimer l'allégorie, prolongement naturel de la méta
phore filée qui leur est chère. La Carte de Tendre, au début
de la Clélie, scelle avec éclat l'alliance entre allégorie et
préciosité.
Auparavant déjà, il est vrai, l'allégorie n'était pas
absente de quelques poèmes dus à des familiers de la
Chambre bleue. Mais Le Temple de la Mort, de Philippe
Habert, se présente surtout comme une élégie, et sa Suite
achève de s'infléchir vers l'églogue. On écartera de même
Le Temple de la Gloire, consacré à l'apothéose de Condé.
De ces sanctuaires allégoriques, ne relèvera guère de la
préciosité que Le Temple de la Paresse, en prose mêlée
de vers, justement restitué depuis peu par M. Hubert à
Pellisson, et qui ne sera pas indigne de servir d'exemple
à La Fontaine pour le Chapitre premier du Songe de Vaux.
La métamorphose, elle aussi, pourrait, devrait même
apparaître comme une allégorie à l'état naissant et saisie
dans son devenir. Mais il suffit de se reporter à la plus
célèbre, celle des Yeux de Phylis en astres, de Germain
Habert, pour constater que la transformation ne se pro- JEAN-PIERRE COLLINET IO4
duit, comme chez Ovide, qu'à l'extrême fin d'un long récit.
En outre, une telle assomption renverse le mouvement
naturel de l'allégorie, qui tire au contraire les abstractions
du ciel des idées pour les incarner.
Les guerres allégoriques, telles que le Dulot vaincu ou
la défaite des bouts-rimés de Sarasin, valent qu'on s'y arrête
un peu davantage. Cette variété d'allégorie fournit aux
polémiques des grammairiens et des lettrés une affabula
tion commode, utilisée notamment par Furetière dans sa
Nouvelle allégorique, puis à sa suite par Sorel dans sa Relaveritable de ce qui s'est passé au Royaume de Sophie.
Mais on s'en sert aussi chez les mondains pour parler chif
fons, en l'appliquant à la grande affaire de la mode. C'est
ainsi qu'on verra paraître L' Ori gine et le Pro grès des Rubans;
leur défaite par les Princesses Jarretières ; et leur Réta
blissement en suite, fantaisie qui ne manque pas d'ingé
niosité, comme on peut s'en convaincre par cette ruée des
Rubans à l'assaut d'un costume digne d'être porté par
Mascarille : « Enfin les Rubans s'avancèrent jusques à la
contr' escarpe des Pochettes, et en quelques endroits ils
tirèrent deux Lignes aux deux costez de ces Forts. Ils bor
dèrent aussi par en haut la circonvallation des Chausses ;
et s'épandant partout comme Enfans perdus, ils entou
rèrent les bordures des Gands et les Cordons des Chapeaux,
où ils se logèrent comme en des Redoutes, demies Lunes
et Ouvrages à Cornes » (i).
Viendra ensuite La Révolte des Passemens, provoquée
par l'édit contre le luxe. Les dentelles de Flandre, qui gar
nissaient les dessous féminins, sont consternées de quitter
« un poste si avantageux », où « elles se croyaient à l'abry
des insultes et des insolences des Hommes ». Pour les bro
deries, c'est l'exil : « Tous les Poincts résolurent de s'en
retourner en leur Païs, excepté le Point d'Aurillac, qui fit
plus de difficulté que les autres, craignant qu'aussi tost
que l'on le verroit de retour, on ne l'employast à passer
(i) Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps, Première
Partie, Paris, Charles de Sercy, 1659 (première édition : 1658), p. 34. ALLÉGORIE ET PRÉCIOSITÉ Ю5
les Formages d'Auvergne, dont la senteur luy estoit insu-
portable, après avoir gousté le Civette, le Musc et l'Eau
de fleurs d'Orange, dont il estoit arrosé tous les matins
dans Paris. » Ce mécontentement se transforme en une
Fronde, non pas guerre en dentelles, mais guerre des dent
elles, fomentée comme il se devait par cette guipure bon
marché qu'on appelle la gueuse. Leur quartier général est
chez Perdrigeon, le mercier en renom. Leur artillerie se
compose de « trois cens paires de Canons à Passement,
tous chargez de Rondache, et de chaisnettes de Ruban
figuré, ce qui devoit faire un fracas effroyable ». Leur caval
erie est formée de « deux cens Cravates volontaires » qui,
semblables à ces Croates de funeste mémoire, « tenoient
la campagne et ne recherchoient partout qu'à faire le coup
de pistolet » (2). On pourra juger faciles ces turlupinades.
De surcroît, alors que l'allégorie procède en général de
l'abstrait vers le concret, ici, en revanche, des accessoires
usuels de la toilette se voient promus, burlesquement,
héros d'une épopée parodique. Nous voici encore une fois
loin du véritable esprit précieux.
Reste donc, pour nous y ramener, la Carte de Tendre.
Qu'on le veuille ou non, les chemins de la préciosité all
égorique passent, comme par leur centre, par ce jeu de
l'oie à l'usage d'une coterie férue de subtilités sentiment
ales, dont la configuration mériterait d'intéresser le psy
chanalyste. On a contesté à l'illustre Sapho le mérite de
l'invention. La priorité a été revendiquée pour une Carte
du Royaume des Pretieuses attribuée au Comte de Maulé-
vrier. Mais on soupçonne cet embarquement brusqué pour
une Cythère décevante, débouchant inopinément, par-delà
les Montagnes de Minauderies et celle de Preuderie, sur le
Lac d'abandon, de n'être qu'un condensé ironique de la
Carte de Tendre, revue et corrigée sous l'influence de
l'abbé d'Aubignac et de son Histoire du temps ou Rela
tion du Royaume de Coqueterie.
Comme cette dernière allégorie a paru après le premier
(2) Ibtd., Quatriesme Partie, 1661, pp. 349, 350, 372. JEAN-PIERRE COLLINET IO6
volume de la Clélie, son auteur, pour se défendre contre
l'accusation de plagiat, a dû invoquer à son tour l'arg
ument de l'antériorité par rapport à Mlle de Scudéry. Il
s'en est expliqué, longuement, dans une dissertation
pédante qui, sous la forme d'une Lettre d'Ariste à Cleonte,
constitue l'exposé doctrinal le plus complet sur l'allégorie
à l'époque de la préciosité. De « ce bel art [ . . . ] qui sçait
peindre la raison, et philosopher par signes, qui rend les
pensées corporelles et contraint les choses les plus spiri
tuelles d'entrer en commerce avec les sens », le docte Abbé
retrace d'abord à grands traits l'historique. Remontant
aux origines, il n'oublie ni l'Ancien Testament, ni le Nou
veau, et voit dans la bête de l'Apocalypse une image de
« la Coqueterie, dans le plus haut point de son orgueil et
de sa mollesse ». Il passe en revue le monde antique, de
l'Inde à l'Egypte et de la Grèce à Rome, cite, pour le Moyen
Age, le Roman de la Rose, « allégorie continuelle d'amour
ette et de Coqueterie », parcourt l'Europe moderne de
l'Italie à l'Angleterre pour aboutir aux allégories compos
ées de son temps, parmi lesquelles on relèvera le Charti-
ludium ou jeu de cartes de Balesdens, Le Pays de l'Igno
rance de Le Pailleur et sa Paresse tirée du Berni, la lettre
de la Carpe au Brochet, dans Voiture, et La Doctrine des
mœurs

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents