Beaumarchais en scène - article ; n°1 ; vol.42, pg 151-164
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1990 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 151-164
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 24
Langue Français

Extrait

Gabriel Conesa
Beaumarchais en scène
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1990, N°42. pp. 151-164.
Citer ce document / Cite this document :
Conesa Gabriel. Beaumarchais en scène. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1990, N°42. pp.
151-164.
doi : 10.3406/caief.1990.1735
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1990_num_42_1_1735BEAUMARCHAIS EN SCÈNE
Communication de M. Gabriel CONESA
(Paris-Sorbonne)
au XLIe Congrès de Г Association, le 25 juillet 1989
On me couperait le cou, Monsieur,
que je ne saurais m'en taire.
Lettre modérée.
Beaumarchais, on le sait, est un homme d'action qui
s'engage avec la dernière énergie dans tout ce qu'il
entreprend et qui surtout ne désarme jamais face à un
adversaire ou un ennemi. Ainsi, loin d'être abattu par
l'échec du Barbier de Seville, qui tombe le vendredi, il
retravaille sa pièce en hâte, retranche, raccorde et obtient
le dimanche le succès que l'on sait. Inventeur d'un
mécanisme d'horlogerie original, dont on tente de le
déposséder, il déclenche une polémique dans le Mercure
de France et adresse un Mémoire à l'Académie, jusqu'à ce
que justice lui soit rendue. Agacé par les éternels conflits
qui divisent les dramaturges et les comédiens, il règle le
problème en créant la Société des Auteurs. Dans les
affaires Goëzman et Kornman, on le voit se déchaîner,
écrire des libelles, des lettres ouvertes, des Mémoires à
consulter et entreprendre mille démarches jusqu'à ce
qu'on reconnaisse son bon droit. En un mot, il est ce que 152 GABRIEL CONESA
nous appellerions aujourd'hui un battant, qui donne toute
sa mesure dans les situations conflictuelles.
Une telle personnalité ne saurait s'accommoder du ton
traditionnellement modeste et humble de l'auteur qui
présente son œuvre dans une préface, ni se contenter des
quelques lignes mesurées qu'autorise l'usage. En effet,
Beaumarchais y engage un véritable combat. Tout comme
dans les différentes situations que je viens d'évoquer, il
prend la plume pour se lancer, sous les yeux du lecteur
amusé, dans une longue dispute qu'il entreprend contre
ses ennemis et détracteurs, dont il reprend par le menu
tous les griefs pour y répondre point par point. Et cette
situation de parole conflictuelle convient si bien à sa
nature combative qu'il se produit, très rapidement, cer
tains glissements, de sorte que notre auteur est en fait
bien loin de correspondre à l'image qu'il nous présente,
non sans malice, en exergue de la lettre modérée, celle de
«l'auteur, vêtu modestement et courbé, présentant sa
pièce au lecteur ».
Certes, Beaumarchais ne néglige pas, dans les discours
liminaires de la trilogie, Le Barbier de Seville, Le Mariage
de Figaro et La Mère coupable, à laquelle je limiterai cette
étude, la finalité première et traditionnelle de la préface,
qui consiste souvent à débattre de choix esthétiques, dans
la mesure où ils ont pu susciter la réticence des doctes ou
du public, ce que font naturellement tous les grands
dramaturges du siècle précédent. Beaumarchais expose
ainsi les conditions qui, à ses yeux, permettent d'obtenir
au théâtre un grand pathétique, une profonde moralité ou
un « bon et vrai comique » au moyen de situations fortes ;
il se défend d'avoir écrit une œuvre immorale et blâ
mable, avec Le Mariage de Figaro. Il indique sans mystère
le parti qu'il a choisi de «faire entrer [dans sa pièce] la
critique d'une foule d'abus qui désolent la société (1)»,
(1) Préface du Manage de Figaro, p. 361. BEAUMARCHAIS EN SCÈNE 153
cela pour amuser en instruisant. Quelles que soient la
nature et la nouveauté de ces choix théoriques, il est
parfaitement naturel que l'auteur en debate dans une
préface, aussi n'est-ce pas sur cet aspect que je me
pencherai.
Plus intéressante me paraît être l'attitude que Beaumarc
hais y adopte en mettant dans le ton de cette profession
de foi théorique une chaleur et même une passion tout à
fait singulières. Il semble, en effet, entretenir avec son
œuvre une sorte de lien charnel qui dépasse de beaucoup
l'attachement légitime qu'un dramaturge peut ressentir
pour sa pièce :
Les ouvrages de théâtre, Monsieur, sont comme les enfants des
femmes : conçus avec volupté, menés à terme avec fatigue,
enfantés avec douleur et vivant rarement assez pour payer les
parents de leurs soins, ils coûtent plus de chagrins qu'ils ne
donnent de plaisirs. Suivez-les dans leur carrière: à peine ils
voient le jour que, sous prétexte d'enflure, on leur applique les
censeurs ; plusieurs en sont restés en chartre. Au heu de jouer
doucement avec eux, le cruel parterre les rudoie et les fait
tomber. Souvent, en les berçant, le comédien les estropie. Les
perdez-vous un instant de vue, on les retrouve, hélas ! traînant
partout, mais dépenaillés, défigurés, rongés d'extraits et couv
erts de critiques [...] (2).
Gardons-nous de ne voir là qu'une comparaison amus
ante; elle est des plus révélatrices, nous le verrons plus
bas, pour qui connaît la personnalité de Beaumarchais.
Premier glissement. Ignorant purement et simplemennt
la réserve qui sied à l'auteur, il n'hésite pas à se
transformer en un pédagogue sévère, afin de bien montrer
à tous ceux qui n'ont pas su apprécier son théâtre qu'ils
ont eu tort. D'abord, il s'ingénie à répondre pied à pied à
tous les propos hostiles qu'il a pu entendre sur ses pièces.
(2) Lettre modérée sur la chute et la critique du Barbier de Seville, dans
Beaumarchais, Œuvres complètes, éd de Pierre Larthomas, Pans, Gallimard,
« Bibliothèque de la Pléiade », 1988, p. 272. GABRIEL CONESA 154
En témoignent les articulations, parfois un peu brutales,
de son discours :
Passerons-nous sous silence le reproche aigu qu'il fait [le
journal de Bouillon] [...]?
Reste à répondre aux observations dont [...].
Des connaisseurs ont remarqué que [...].
Entre autres critiques de la pièce, j'entendis dans une loge
[•••] (3).
D'autre part, en bon pédagogue, il se reporte constam
ment au texte, tantôt pour justifier l'emploi d'un procédé,
comme ici à propos de Chérubin :
Pour lui imprimer plus fortement le caractère de l'enfance, nous
le faisons exprès tutoyer par Figaro (4).
Tantôt pour attirer charitablement l'attention du crit
ique sur un point capital, dont ce dernier n'aura sans
doute pas apprécié l'importance :
Fixez ce léger aperçu, il peut vous mettre sur la voie ; ou plutôt
apprenez de lui que cet enfant n'est amené que pour ajouter à
la moralité de l'ouvrage (5).
Tantôt enfin pour se lancer, citation à l'appui, dans
une véritable «explication de texte». Il souligne ainsi,
dans l'extrait suivant, la piété filiale de Figaro :
« Tu connais donc ce tuteur », lui dit le comte au premier acte.
« Comme ma mère », répond Figaro. Un avare aurait dit :
« mes poches ». Un petit maître eût répondu : « Comme
moi-même ». Un ambitieux : « Comme le chemin de Versailles »,
et le journaliste de Bouillon : « Comme mon libraire », les
comparaisons de chacun se tirant toujours de l'objet intéres
sant. « Comme ma mère », a dit le fils tendre et respectueux
(6)!
Et ce « professeur », atterré par le gouffre d'ignorance
et l'insensibilité du cancre dont il vient de corriger la copie
(3) Lettre modérée, pp 280 et 282, et Préface du Mariage de Figaro, p. 358.
(4) Préface du Mariage de Figaro, p. 365.
(5) Ibid
(6) Lettre modérée, pp. 278-279. BEAUMARCHAIS EN SCÈNE 155
— j'ai nommé le critique du journal de Bouillon — ,
accumule ainsi les reproches sur Геп-tête de son devoir :
Qu'il n'ait point remarqué la manière dont [...] pas aperçu [...]
Qu'il n'ait pas dit un seul mot sur la scène de [...]
Passe encore qu'il n'ait pas entrevu [...]
Je veux bien ne lui soit pas venu à l'esprit que [...]
Mais comment n'a-t-il pas

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