Charles de Gaulle et André Malraux mémorialistes : espoirs, songes et réalités - article ; n°1 ; vol.40, pg 97-108
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1988 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 97-108
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 48
Langue Français

Extrait

Monsieur Jean-Claude Martin
Charles de Gaulle et André Malraux mémorialistes : espoirs,
songes et réalités
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1988, N°40. pp. 97-108.
Citer ce document / Cite this document :
Martin Jean-Claude. Charles de Gaulle et André Malraux mémorialistes : espoirs, songes et réalités. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1988, N°40. pp. 97-108.
doi : 10.3406/caief.1988.1681
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1988_num_40_1_1681CHARLES DE GAULLE ET ANDRÉ MALRAUX
MÉMORIALISTES : ESPOIRS, SONGES
ET RÉALITÉS
Communication de M. Jean-Claude MARTIN
(New York)
au XXXIXe Congrès de l'Association, le 21 juillet 1987
II était très tentant, dans le cadre d'une même com
munication, d'étudier et de comparer les Mémoires du
Général de Gaulle et les Antimémoires d'André Malraux,
deux contemporains, deux géants de notre siècle et deux
amis.
Nous avons finalement fait la part un peu trop belle à
de Gaulle, faute de temps, et les malruciens fervents en
seront peut-être déçus, mais nous nous souvenions que
notre Société avait consacré toute une journée à André
Malraux, il y a quelques années.
Nous avons fait ce choix également, pensant que de
Gaulle, plus que Malraux, avait besoin d'être ramené dans
le champ littéraire.
Et nous avons pensé que les thèmes de l'espoir, de la
méditation et du réel, thèmes qui sont communs aux deux
auteurs, nous permettraient de mieux observer les méca
nismes de leur œuvre de mémorialistes.
Dans ses Mémoires, le général de Gaulle nous présente
ses espoirs et ses songes ; il nous explique sa mission et
justifie sa politique. 98 JEAN-CLAUDE MARTIN
Se campant devant nous, il insiste souvent pour nous
montrer combien il a été, du moins au début de sa carrière
politique, très peu de chose. « Je n'étais rien, au départ »,
écrit-il dans L'Appel (1). Il se définit comme un officier
portant très peu d'étoiles ; il nous dit mener une « bien
petite barque sur l'océan de la guerre » (2). Il se rend
compte du peu de réalité de son entreprise : « ... Je
réapparaissais à moi-même, seul et démuni de tout comme
un homme au bord d'un océan qu'il prétendrait franchir
à la nage » (3). Dans cet immense dénuement moral et
matériel, l'espoir, l'espérance sont une nécessité vitale.
André Malraux l'a écrit : « Un monde sans espoir est
irrespirable ». C'est souvent sous la plume de de Gaulle
que nous trouvons les mots espoir et espérance. Dès
l'appel, si court pourtant, du 18 juin 1940, de Gaulle
s'adressant aux Français déclare : « Mais le dernier mot
est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? ». L'espérance
est comme une vertu ; elle l'est certainement pour de
Gaulle. A plusieurs reprises dans les Mémoires, de Gaulle
utilise les expressions : « Je suis bercé par l'espoir » ou
« je me berçais de l'espoir ». Lorsqu'il parcourt l'Afrique
pendant la guerre, il jauge la solidité des êtres et des
peuples en fonction de leurs espoirs : « Chacun assuré
maintenant dans sa foi et dans son espérance » (4). De
Gaulle et ses compagnons se sentent porteurs de l'espoir
des Français, ceci sera répété plusieurs fois et, lorsque le
moment des déceptions arrive, le choc est brutal pour
ceux qui n'ont que leur espoir, comme « un terrible coup
de hache » (5).
De Gaulle se rend clairement compte de son importance
très limitée en 1940, mais il ne voit personne qui, comme
lui, refuse la défaite et désire continuer le combat. Dans
(1) L'Appel, Livre de Poche, p. 89.
(2)p. 173.
(3)p. 87.
(4) L'Appel, p. 180.
(5)p. 100. DE GAULLE ET MALRAUX MÉMORIALISTES 99
une réflexion pour ainsi dire mystique, sa vocation lui
apparaît : « Devant le vide effrayant du renoncement
général, ma mission m'apparut, d'un seul coup, claire et
terrible. En ce moment, le pire de son histoire, c'était à
moi d'assumer la France » (6). De Gaulle ne cesse d'ex
pliquer et de justifier son attitude. Une seule chose compte,
la grandeur de la France et son retour à la première place
dans le concert des grandes nations à la fin de la guerre.
La France est une grande puissance, ne cesse de répéter
de Gaulle ; est-ce un rêve, est-ce un espoir, est-ce un songe,
est-ce la réalité ? Ce serait plutôt un postulat, un acte de
foi. De Gaulle ne cesse de le proclamer ; prenant congé
de Anthony Eden en mai 1943 avant de se rendre à Alger,
de Gaulle nous brosse ce petit tableau : « Comme nous
évoquions les multiples affaires que le Gouvernement
britannique avait traitées avec moi : « Savez-vous, me dit
M. Eden avec bonne humeur, que vous nous avez causé
plus de difficultés que tous nos alliés d'Europe ?» — « Je
n'en doute pas », répondis-je, en souriant, moi aussi. « La
France est une grande puissance » (7). Une seule chose
compte pour de Gaulle, le rang de la France, sa dignité à
retrouver. Nous avons utilisé le mot mystique tout à
l'heure ; en effet, chez de Gaulle, la vision de la France
est une croyance religieuse, une foi. Si, au premier para
graphe de V Appel, de Gaulle écrit : « Toute ma vie, je me
suis fait une certaine idée de la France », et plus loin :
«... mon esprit me convainc que la n'est réellement
elle-même qu'au premier rang... », et plus loin encore :
« ... à mon sens la France ne peut être la France sans la
grandeur... », il nous précise à la première phrase du
second paragraphe : « Cette foi a grandi en même temps
que moi dans le milieu où je suis né ». De Gaulle utilise
lui-même le mot « mystique » lorsqu'il écrit dans le Salut :
(6) L'Appel, p. 94.
(7) L'Unité, Livre de Poche, p. 123. JEAN-CLAUDE MARTIN 100
« La mystique avait inspiré les élans de la France Libre »
(8). De Gaulle se rend compte des conséquences éventuelles
de la deuxième guerre mondiale et il écrit : « A mes yeux,
il est clair que l'enjeu du conflit, c'est non seulement le
sort des nations et des Etats, mais aussi la condition
humaine » (9). La France, nous dit de Gaulle, n'est pas
une princesse endormie mais une captive dans un cachot.
La seule chose qui compte, c'est l'intérêt de la France. La
souveraineté et la dignité d'une grande nation sont des
choses intangibles ; de Gaulle se considérait comme ayant
la charge de la souveraineté et de la dignité de la France.
Etant aussi démuni qu'il l'est, de Gaulle ne peut être
qu'inflexible et intransigeant dans son attitude. « C'est en
épousant, sans ménager rien, la cause du salut national
que je pourrais trouver l'autorité. C'est en agissant comme
un champion inflexible de la nation et de l'Etat qu'il me
serait possible de grouper, parmi les Français, les
consentements, voire les enthousiasmes, et d'obtenir des
étrangers respect et considération. Les gens qui, tout au
long du drame, s'offusquèrent de cette intransigeance ne
voulurent pas voir que, pour moi, tendu à refouler d'i
nnombrables pressions contraires, le moindre fléchissement
eût entraîné l'effondrement » (10). A plusieurs reprises
au long de ses Mémoires, de Gaulle se justifiera de cette
mauvaise réputation ; il n'avait pas d'autre choix, il ne
s'agissait pas de ce que désirait le Général de Gaulle, mais
de ce que la situation et le destin de la France exigeaient.
A l'occasion de son voyage aux Etats-Unis en juillet 1944
et à propos d'une lettre de Roosevelt mentionnant la
susceptibilité et l'égoïsme du partenaire français, de Gaulle
écrit : « Je ne saurai jamais si Franklin Roosevelt a pensé
que, dans les affaires concernant la France, Charles de
Gaulle était égoïste pour la France ou bien pour lui » (1 1).
(8) Le Salut, Livre de Poche, p. 15.
(9) Id., Op. cit., p. 115.
(10) L'Appel, p. 89.
(11) L'Unité, p. 285. DE GAULLE ET MALRAUX MÉMORIALISTES 101
Dès lors, de Gaulle est le guide qui montre les cimes

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