De Baudelaire à Rimbaud : le chemin de la voyance - article ; n°1 ; vol.36, pg 239-251
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1984 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 239-251
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

Professeur Mario Matucci
De Baudelaire à Rimbaud : le chemin de la voyance
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1984, N°36. pp. 239-251.
Citer ce document / Cite this document :
Matucci Mario. De Baudelaire à Rimbaud : le chemin de la voyance. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1984, N°36. pp. 239-251.
doi : 10.3406/caief.1984.1934
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1984_num_36_1_1934DE BAUDELAIRE A RIMBAUD :
LE CHEMIN DE LA VOYANCE
Communication de M. Mario MATUCCI
{Pisé)
au XXXVe Congrès de l'Association, le 22 juillet 1983.
Marcel Raymond, cherchant à mettre en évidence la ligne
de force qui « commandait le mouvement poétique depuis le
romantisme », présentait l'auteur des Fleurs du Mal comme la
source de deux filières essentielles ; l'une d'entre elles, celle
des Voyants, « conduirait de Baudelaire à Rimbaud » (1).
C'est peut-être à cette perspective suggestive que s'est référé
Marel Ruff en intitulant l'un de ses articles La filiation de
Baudelaire à Rimbaud (2). Mais ce titre ne doit pas induire
en erreur : l'article contient en réalité une sorte de refus de
cette filiation et veut démontrer minutieusement à quel point
Rimbaud s'est éloigné de Ja voie tracée par le poète pari
sien (3). Toutes les remarques de Marcel Ruff qui vont dans
ce sens sont parfaitement justes, mais elles deviennent tout à
(1) « Une première filière, celle des artistes, conduirait de Baudelaire à
Mallarmé, puis à Valéry ; une autre filière, celle des voyants, de
à Rimbaud, puis aux derniers venus des chercheurs d'aventures » (Marcel
Raymond, De Baudelaire au Surréalisme, éd. nouv., Paris, 1947, p. 11).
(2) Marcel A. Ruff, La filiation de Baudelaire à Rimbaud, in Etudes
littéraires, t. I, avril 1968.
(3) Ainsi, la modernité de l'un serait différente de celle de l'autre, le
Sonnet des voyelles ne serait pas une application du principe des Corres
pondances, et la théorie du Voyant chez Rimbaud ne serait plus ce qu'elle
est chez Baudelaire, etc. MARIO MATUCCI 240
fait discutables si l'on change de perspective : les divergences
qu'il a découvertes se rattachent indirectement à une tentative
d'identification vouée dès le départ à l'échec. Sinon, Rimbaud
n'aurait pas été Rimbaud, avec l'originalité de ses idées et Ja
puissance tragique de sa personnalité.
Il est vrai que, dans le livre qui suivait de peu l'article
en question, Marcel Ruff parlait d'une empreinte d'un autre
ordre que nous avions nous-même signalée. Il jugeait les rap
prochements que nous avions établis entre Les Paradis artifi
ciels et certaines Illuminations « indubitablement curieux et
pleins d'intérêt », et il en concluait qu'« il se peut fort bien
qu'une fois de plus passe sur l'œuvre de Rimbaud l'ombre de
Baudelaire » (4). A vrai dire, c'est bien plus que l'ombre, c'est
l'essence même de certains textes baudelairiens qui paraît
nourrir une partie fondamentale de l'œuvre rimbaldienne et
établir cette mystérieuse cohérence dont parlait Marcel Ray
mond ; et les rapprochements auxquels faisait allusion Marcel
Ruff étaient le résultat d'une tentative d'adhésion totale de
notre part aux textes rimbaldiens, dont les éditions,
chez Sansoni, d'Illuminations et d'Une Saison en Enfer furent
le témoignage (5).
Nous nous proposions alors une analyse systématique de
chaque texte, avec une rigueur absolue, même en ce qui con
cerne certaines Illuminations qui semblaient jusqu'alors ne
pouvoir être expliquées (6). Au-delà du mythe, le poète,
oublieux de sa condition et de la limite de ses forces, nous est
apparu projeté dans un paradis artificiel comme un « buveur
de haschish » baudelairien qui, après avoir absorbé la dose
nécessaire, pénètre dans un monde d'exaltation et d'ivresse,
pour revenir ensuite à sa condition de départ « avec un devoir
à chercher et la réalité rugueuse à étreindre ».
(4) Marcel A. Ruff, Rimbaud, Paris, Hatier, 1968, p. 220.
(5) A. Rimbaud, Illuminations, Biblioteca Sansoniana, Florence, 1952 ;
Une Saison en Enfer, Biblioteca Sansoniana, Florence, 1955. Voir aussi
notre article Su alcuni motivi di Baudelaire nell'opera di Rimbaud, in
Studi sulla letteratura dell'ottocento, Naples, 1959, et Riflussi baudelairiani
nell'opera di Rimbaud, Bologna, 1981.
(6) E. Delahaye, Les * Illuminations » et « Une Saison en Enfer » de
Rimbaud, Paris, Messein, 1927, p. 111 et suiv., et aussi M. Eigeldinger et
A. Gendre, Delahaye témoin de Rimbaud, Neuchâtel, A la Baconnière, 1974. DE BAUDELAIRE A RIMBAUD 241
C'est déjà dans cette perspective que nous avions tenté de
signaler, en présentant ces éditions, tous les rapprochements
possibles avec l'œuvre de Baudelaire. Nous nous efforcions
alors de préciser une influence qui avait déjà été reconnue, à
partir de G. Kahn, surtout en ce qui concerne les rapports
Voyage-Bateau Ivre et les rapports entre Correspondances,
dans leurs composantes swedenborgiennes, et Voyelles ou
l'univers analogique de Délires II (7).
Par la suite, l'influence de Bénédiction et du Reniement de
Saint-Pierre, au niveau du rythme et des images, a été mention
née par Yves Bonnefoy (8) et confirmée par Marcel Ruff (9)
qui signale également des réminiscences baudelairiennes dans
les Etrennes des Orphelins. Cependant, quand on parle de rap
port entre les deux poètes, le problème n'est pas de retrouver
l'écho de l'un dans la poésie de l'autre, mais de voir de quelle
façon l'univers baudelairien peut avoir marqué l'univers rim-
baldien. Dans ce sens, l'enquête ne peut se limiter aux poésies
de l'adolescent de Charleville, elle doit être élargie à la partie
la plus authentique de son œuvre qui va, à notre avis, des
Derniers Vers aux Illuminations et à Une Saison en Enfer.
C'est justement à ces écrits que nous avions appliqué notre
enquête, sollicitant Baudelaire lorsque l'hermétisme de l'e
xpression semblait total.
Le résultat se révéla d'autant plus intéressant qu'il nous
fut possible de démontrer combien la présence du poète pari
sien est peu signifiante pour ce qui est des Fleurs du mal, mais
très importante par contre en ce qui concerne les écrits théo
riques, La Fanfarlo et surtout les Paradis artificiels que nous
avons fini par considérer presque comme une « toile de fond »
à cette partie de l'œuvre rimbaldienne : toutes les Illumina
tions du cycle du Génie entrent dans l'atmosphère de VHom-
<7) Voir G. Kahn, Symbolistes et Décadents, Genève, Slatkine Reprints,
1977. Kahn est le premier à avoir reconnu l'importance du Voyage, à consi
dérer les Paradis artificiels comme « l'idée première du fond des Illumi
nations », et à indiquer l'influence prépondérante du poète parisien sur
l'adolescent de Charleville (notamment p. 248-249). Sur le rapprochement
entre Le Voyage et Le Bateau ivre, voir aussi l'essai de C.A. Hackett,
Autour de Rimbaud, Paris, 1967, p. 17 et suiv.
(8) Y. Bonnefoy, Rimbaud par lui-même, Paris, 1961, p. 4346.
(9) Marcel A. Ruff, Rimbaud, p. 22 et suiv.
16 242 MARIO MATUCCI
me-Dieu, l'inexplicable « rire des enfants » et l'impression gla
ciale qui se dégage de Matinée d'ivresse correspondent à la
description de la première phase de l'ivresse alors que, dans
la lettre du Voyant, l'idée de l'homme s'implantant et se culti
vant des verrues sur le visage vient directement de La Fanfár-
lo. On pourrait multiplier les rapprochements et les éditions
que nous avons publiées le prouvent, mais, ce qui enrobe et
détermine l'univers de la prose rimbaldienne, c'est surtout
l'atmosphère des Paradis, caractérisée par l'orchestration cho
rale des éléments analogiques et par l'extraordinaire « acuité »
des sens. Le passage suivant constitue un témoignage suggestif :
La seconde phase s'annonce par une sensation de fraîcheur
aux extrémités, une grande faiblesse ; vous avez, comme on dit,
des mains de beurre, une lourdeur de tête et une stupéfaction
générale dans tout votre être. Vos yeux s'a

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