L autographe du Salon de 1767 - article ; n°1 ; vol.13, pg 331-338
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1961 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 331-338
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 43
Langue Français

Extrait

Professeur Jean Seznec
L'autographe du Salon de 1767
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1961, N°13. pp. 331-338.
Citer ce document / Cite this document :
Seznec Jean. L'autographe du Salon de 1767. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1961, N°13. pp.
331-338.
doi : 10.3406/caief.1961.2207
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1961_num_13_1_2207L'AUTOGRAPHE DU SALON DE 1767
Communication de M. Jean SEZNEC
au XIIe Congrès de V Association, le 26 juillet i960.
Je m'excuse d'abord, dans un Congrès où sont évoqués
tant d'aspects majeurs de la pensée de Diderot, de vous pro
poser un sujet aussi restreint que : l'autographe du Salon de
1767.
Peut-être ai-je cédé, en vous le proposant, au désir d'ex
citer votre sympathie ; car il est cruel pour un éditeur de dé
couvrir un autographe, et de le reperdre sitôt après l'avoir
découvert.
Cette mésaventure m'était arrivée déjà avec le Salon de
1761. J'avais réussi à retrouver la trace du manuscrit auto
graphe de ce Salon, vendu à Paris en 1938. J'étais remonté
jusqu'au libraire qui l'avait acheté ; mais la personne à l
aquelle il l'avait revendu à son tour avait interdit qu'on la
fasse connaître. Pour 1767, je suis ailé plus loin. Cette fois-ci
c'était Herbert Dieckmann qui m'avait mis sur la piste.
Après des démarches dont je vous épargne le détail, j'ai été
admis, dans les conditions les plus humiliantes, à voir le man
uscrit. J'ai même été autorisé à l'étudier, ce que j'ai fait
sans relâche pendant deux jours. Après quoi, sans autre expli
cation, le manuscrit m'a été retiré ; et tous mes efforts pour y
avoir accès de nouveau sont demeurés inutiles.
J'ai été soumis en somme au supplice de Tantale. Mais je
n'a pas l'intention de vous fatiguer de mes récriminations.
Ce que je me propose de faire, c'est de donner une des- 332 JEAN SEZNEC
cription de ce manuscrit entrevu, et un aperçu des problèmes
qu'il soulève.
Le manuscrit, entièrement de la main de Diderot, comporte
206 pages, écrites au recto et au verso, mais numérotées au
recto seulement. Le Salon proprement dit va jusqu'à la
page 197 ; viennent ensuite deux appendices : le Traité de la
manière (pages 198-201) et Les deux Académies (p. 201-206).
Une particularité : tout le très long passage relatif à Vernet
porte une double pagination : une pagination normale, selon
sa place dans le corps du manuscrit ; et une pagination com
mençant à 1, comme si ce passage constituait un épisode
séparé et détachable.
Ce qui frappe tout de suite dans l'aspect du manuscrit,
ce sont deux caractères contradictoires. D'une part, il est
extrêmement soigné, d'une lisibilité parfaite ; d'autre part,
il est plein d'additions : des phrases, quelquefois des para
graphes entiers ont été ajoutés fréquemment en interligne
ou en marge (car il y a une marge, et ce point a son import
ance). Ces additions donneraient à penser qu'il s'agit du
premier jet, de la version primitive du Salon de 1767. Diderot
écrit, au courant de la plume ; puis il lui vient une autre
idée, un détail complémentaire, une réflexion, et il les insère
ça et là. Voici un exemple. Diderot décrit un tableau de La
Grenée, le chaste Joseph :
On voit à gauche la femme adultère toute nue, assise sur le bord
de sa couche ; elle est belle, très belle de visage et de toute sa per
sonne ; belles formes, belle peau, belles cuisses, belle gorge, belles
chairs, beaux bras, beaux pieds, mains, de la jeunesse, de la
fraîcheur, de la noblesse Je ne sais, pour moi, ce qu'il fallait au fils
de Jacob ; je n'en aurais pas demandé davantage ; et je me suis
quelquefois contenté de moins.
En marge : il est vrai que je n'ai pas l'honneur d'être le fils d'un
patriarche.
Voilà, semble-t-il, un exemple typique de remarque venue
après coup ; c'est le genre d'addition que l'on trouve norma
lement dans un brouillon.
Et pourtant, notre manuscrit n'est pas un brouillon, ni un
premier état. Bien au contraire. l'autographe du salon de 1767 333
Les brouillons de Diderot sont indéchiffrables ; c'est lui-
même qui nous en avertit en propres termes, dans une lettre
à Sophie Volland du 23 août 1769. « Celui qui en fait des
copies pour Grimm, dit-il, m'aura l'obligation de la perte de
ses yeux. » Le Salon de 1767, destiné à la Correspondance litté
raire, est justement un de ceux sur lesquels les copistes de
Grimm ont dû se crever les yeux, d'autant plus qu'il a été
rédigé (c'est encore Diderot lui-même qui nous le signale) à
la hâte, et au milieu des importuns.
Or, je le répète, notre manuscrit est d'une écriture extr
êmement soignée ; les ajoutés eux-mêmes, soigneusement in
diqués par des renvois, sont aussi nets que le corps du texte.
Aucune trace de hâte, ni d'improvisation. Bref, on a le sent
iment qu'il s'agit d'une copie exécutée par l'auteur, non du
manuscrit original. Ce qui confirme ce sentiment, c'est le
fait que Diderot a laissé des marges. Or, il n'en réserve d'or
dinaire que pour ses copies, non pour ses manuscrits origi
naux, qui occupent toute la page.
Mais alors, comment expliquer les additions ?
Il faut se rappeler les conditions dans lesquelles Diderot a
écrit son Salon. Au mois de septembre 1767, il avait fait de
fréquentes visites à l'Exposition, en prenant des notes ; fin
septembre, au Grandval, il avait commencé la rédaction.
Cette rédaction s'est continuée pendant plus d'un an ; il n'a
mis le point final qu'en novembre 1768.
Au fur et à mesure, il envoyait son texte à la boutique de
Grimm, pour être reproduit par les copistes et distribué avec
les livraisons bimensuelles de la Correspondance littéraire.
Du moins est-ce ainsi que les choses se passaient d'ordinaire :
les Salons étaient, pour ainsi dire, débités en feuilletons. Mais
cette année-là, Grimm, effaré par l'abondance de la copie que
lui envoyait Diderot (le Salon de 1767 est le plus long de tous)
avait décidé d'attendre la fin de ces envois, et de réunir le
tout en volume qui formerait comme un Supplément de la
Correspondance littéraire. C'est ce qu'il explique aux abonnés
dans une note qui précède le Salon, dans la copie de
Stockholm, dans celle de Gotha, et dans celle de la Natio
nale : « Je prends le parti, dit-il, de détacher cette fois-ci le JEAN SEZNEC 334
travail de M. Diderot du corps de la Correspondance litté
raire et de l'expédier séparément. Il pourra former un
ouvrage à part qu'on ajoutera à la littéraire
de l'année 1767. »
Diderot, donc, continue d'écrire pendant plusieurs mois ;
mais durant cette période il revient aussi sur ce qu'il a
écrit. Il complète, il élabore ; il introduit une digression, il
place un développement. Le tout vient se greffer sur le texte
déjà rédigé, et déjà expédié à Grimm. Tout ceci est conforme
à ce que nous savons de sa manière de travailler, telle qu'il
nous l'a exposée lui-même dans le fragment retrouvé en
Russie par Tourneux.
Lorsque ma tête est épuisée, dit-il, je me repose ; je donne le
temps aux idées de repousser ; c'est ce que j'ai appelé quelquefois
ma recoupe, d'une métaphore empruntée d'un des travaux de la
campagne. Cela fait, je reprends ces réclames d'idées tumultueuses
et décousues et je les ordonne, parfois en les chiffrant.
Autrement dit, Diderot jette sur des bouts de papier les
idées qui lui viennent après la première rédaction d'un écrit.
Mais en dehors de cette recoupe, Diderot a aussi sa réserve,
son garde-manger comme disait Balzac. Il a coutume de
noter des pensées détachées, des idées qui lui viennent sur tel
ou tel sujet (Dieckmann a publié plusieurs de ces notes dans
son Inventaire). Il ne leur assigne pas de place d'avance ;
mais il se trouve que lors de la rédaction d'un nouvel écrit,
telle d'entre elles vient tout naturellement se placer, s'insérer
dans le fil de son disco

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