La Littérature maghrébine francophone - article ; n°1 ; vol.44, pg 67-80
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1992 - Volume 44 - Numéro 1 - Pages 67-80
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 113
Langue Français

Extrait

Marie-Thérèse Bet
La Littérature maghrébine francophone
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1992, N°44. pp. 67-80.
Citer ce document / Cite this document :
Bet Marie-Thérèse. La Littérature maghrébine francophone. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1992, N°44. pp. 67-80.
doi : 10.3406/caief.1992.1779
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1992_num_44_1_1779LA LITTÉRATURE MAGHREBINE
FRANCOPHONE
Communication de Mme Marie-Thérèse BET
(Tournus)
au XLIIP Congrès de l'Association, le 22 juillet 1991
Aux yeux du lecteur intéressé par la littérature ma
ghrébine francophone, un thème vient s'imposer avec
insistance, celui de la révolte non plus dirigée contre le
colonialisme qui appartient aux grands auteurs du passé,
mais contre la société maghrébine elle-même, soit ar
chaïque soit moderne, à travers l'oppression familiale, le
pouvoir des pères, les poids des traditions, la servitude
des femmes, l'emprise de l'administration.
Cette communication sera donc consacrée à trois
ouvrages illustrant le même thème : celui de la condition
de la femme et des enfants placés sous l'autorité du père,
appuyée par la tradition et la religion. Ces trois ouvrages
sont par ordre chronologique :
— Le Passé simple de Driss Chraïbi, paru en 1954;
Dirss Chraïbi est un auteur marocain fort connu.
— La Répudiation, livre de 1969 écrit par Rachid
Boudjedra, auteur algérien tout aussi célèbre.
— Harrouda, écrit en 1973 par Tahar Ben Jelloun,
auteur qu'il n'est pas besoin de présenter.
Ces trois livres comportent de grandes ressemblances
de thème et d'écriture, mais aussi quelques différences de
tonalité. MARIE-THÉRÈSE BET 68
I. Le Passé Simple. Etude des thèmes et de quelques
aspects du style
Le Passé Simple. La première signification qui vient à
l'esprit est celle, grammaticale, du temps de l'indicatif.
Mais si cette signification n'est pas erronée, elle n'en est
pas moins seconde et corollaire. La signification première
est donnée par Driss Chraïbi lui-même ; il faut prendre
les termes du titre un par un et littéralement. Le mot
passé désigne son propre passé et simple le qualifie. Voici
la phrase qui éclaire ce titre :
Pas un gramme de mon passé ne m'échappe, il défile il est
simple : j'ai joué, j'ai gagné (p. 272).
Mais à cette signification s'ajoute la valeur du passé
simple considéré comme temps des actions qui n'ont plus
aucun rapport avec le présent. Ainsi ce titre est un non-
bilan. Sur le point de quitter le Maroc, Driss Chraïbi
enclôt son passé dans une rétrospective et une qualifica
tion. C'est un cri de victoire. Ce cri de victoire s'explique
par l'allusion à la partie de poker qu'il vient de livrer
avec son père et qui, en définitive, se solde par son départ.
Non pas un départ humilié et honteux, mais un départ
pour lui triomphal parce que riche d'une duperie, d'une
intention : partir en France, se doter des armes de l'in
struction et prendre sa revanche plus tard.
Ce roman est paru en même temps que la Boîte à
merveilles d'Ahmed Sefrioui, en 1954. Alors que ce dernier
roman montre toute la poésie d'une enfance traditionnelle
et en fait percevoir la suavité et la douceur, Driss Chraïbi
offre au contraire au lecteur le récit d'une enfance mass
acrée, d'une adolescence écrasée par l'autorité religieuse,
patriarcale et féodale du père. Tous les fils de ce père,
baptisé «le Seigneur», vivent dans la terreur. Le père
exerce une violence à la fois intellectuelle et physique sur LA LITTÉRATURE MAGHREBINE 69
sa famille. La mère prostrée, réduite à l'inexistence la
plus complète, se réfugie dans un rêve de suicide, implore
continuellement les saints de toutes les religions de lui
accorder la faveur de la mort, finit par se supprimer en
se lançant dans le vide depuis le haut d'une terrasse. La
mort de la mère est le résultat de la violence du père, qui
chasse le narrateur de la maison et tue son plus jeune fils
en le punissant lourdement pour lui avoir désobéi. A
cette violence la famille réagit diversement. Les fils autres
que le narrateur, qui n'ont pas été choisis par le père
pour entrer dans le monde de l'école européenne néces
saire à la maîtrise du négoce, sont stupéfiés et paralysés
par la peur — ce qui ne les empêche pas de reporter leur
violence non exprimée sur le narrateur qu'ils craignent et
détestent à la fois. L'aîné échappe à l'autorité du père et
s'adonne à la boisson. Le narrateur, quant à lui, tout en
respectant en apparence les règles de vie édictées par le
père, se réfugie dans un rêve de meurtre.
Beaucoup d'autres thèmes sont abordés dans ce livre :
thème du Ramadan, avec ses jeûnes, ses fêtes nocturnes,
les mosquées, les allures festives, le soir; thème de l'e
nterrement avec ses rites ; thème des mendiants accompagné
du thème de l'avarice et de l'hypocrisie de la société;
thème de la rue, thème de la ville sainte, thème de l'école
coranique avec ses violences et ses ambiguïtés sexuelles ;
thème de l'animal — le chat — objet de cruauté et d'in
différence et qui subit lui aussi les répercussions de ce
monde où prédominent la méchanceté et l'écrasement
des êtres. La mort du chat pris sous les décombres et
achevé à coups de pierres n'est que l'illustration d'une
vie faite de tensions extrêmes où les plus forts écrasent
les faibles de toutes leurs forces et de toute leur volonté.
A ces thèmes fort sombres s'opposent cependant quelques
passages de tendresse : tendresse de la mère pour ses fils
et en particulier pour le narrateur ; tendresse du narrateur
pour son plus jeune frère Hamid, pour qui il suscite les 70 MARIE-THÉRÈSE BET
images des fêtes européennes et à qui il tente d'inculquer
un peu de son savoir.
Mais du début à la fin court le thème de la révolte
contre le père, du meurtre du père par le couteau au
début, par le revolver plus tard, puis finalement par la
duperie jugée comme supérieure à la révolte. C'est un
roman exclusivement citadin, consacré à la vie dans la
maison familiale, où la nature n'apparaît pratiquement
pas. Seules quelques lignes lui sont consacrées, dans un
passage où l'auteur complètement déformé par l'autorité
paternelle s'émerveille de pouvoir être encore sensible
aux spectacles de la nature: «Oui, couchers de soleil,
levers de lune, vents, tempêtes, chaleurs épaisses d'août,
j'étais encore réceptif à tout cela et ce fond prépubère de
joies premières vivait toujours en moi, que nulle lecture,
nulle souffrance, nul dogme n'avaient réussi à étouffer »
(p. 106).
La société entière semble ne tenir que par des liens de
forme et se décomposer sous l'autoritarisme. Par opposit
ion, le monde occidental semble plein de promesses.
Mais, réalité ou manigances du père, lorsque le narrateur
s'efforce d'y pénétrer, il ne rencontre que déception.
A un roman aussi révolutionnaire par son contenu, ne
pouvait correspondre qu'un écriture elle aussi révolu
tionnaire. Le style s'organise autour de trois types de
phrases :
— la petite phrase courte presque minimale ;
— la phrase immense faite de noms sans déterminants ;
— une que l'on pourrait appeler phrase mosaïque,
faite de fragments de pensées et d'emprunts au style direct.
Ajoutons à cela l'absence de clôture de l'énumération
et fréquemment l'élision d'un pronom personnel que l'on
pourrait juger redondant.
Il est plusieurs façon de poser un procès. On peut
imbriquer les différentes affirmations ou négations en
une phrase réunificatrice. Cette imbrication des éléments LA LITTÉRATURE MAGHREBINE 7 1
de la pensée conduit à une phrase plus ou moins complexe
qui tra

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