Le génie chansonnier de la Nation Française d après l  « Anthologie » de Jean Monnet (1765) - article ; n°1 ; vol.28, pg 145-166
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Le génie chansonnier de la Nation Française d'après l' « Anthologie » de Jean Monnet (1765) - article ; n°1 ; vol.28, pg 145-166

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 145-166
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Yves Giraud
Le génie chansonnier de la Nation Française d'après l' «
Anthologie » de Jean Monnet (1765)
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 145-166.
Citer ce document / Cite this document :
Giraud Yves. Le génie chansonnier de la Nation Française d'après l' « Anthologie » de Jean Monnet (1765). In: Cahiers de
l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 145-166.
doi : 10.3406/caief.1976.1113
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1976_num_28_1_1113té
LE GÉNIE CHANSONNIER
DE LA NATION FRANÇAISE
D'APRÈS L' « ANTHOLOGIE »
DE JEAN MONNET (1765)
Communication de M. Yves GIRAUD
(Fribourg)
au XXVIIe Congrès de V Association, le 29 juillet 1975.
Au début de l'année 1765, un prospectus fut distribué par
divers libraires de la capitale et dans les milieux lettrés (1).
Il annonçait la publication prochaine d'un recueil offert
aux souscripteurs, dont la curiosité ou l'intérêt devaient
être piqués par une entreprise « agréable à la Nation » (2).
L'auteur, Jean Monnet, « ancien directeur de l'Opéra
Comique », s'était en effet proposé de rassembler « tout ce
que le génie chansonnier de la France a produit de plus
galant, de plus délicat, de plus plaisant et de plus gai, d'âge
en âge, depuis les commencemens de notre Poésie jusqu'à
ce temps ». Le projet était nouveau : montrer, par l'exemple,
« les progrès de la chanson française dans ses divers âges
et dans toutes ses variétés », et l'étudier, pour la première
fois, dans un mémoire historique écrit par Meusnier de
Querlon. Ainsi, les trois volumes de l'Anthologie françoise
ou Chansons choisies depuis le 13e siècle jusqu'à présent,
(1) Nous n'en avons pas rencontré d'exemplaire. Mais son texte a été
largement reproduit par Fréron {Année Littéraire, 1765, I, p 128-134).
On y voit que les souscriptions (30 livres Гех ) étaient reçues chez Ballard,
Barbou, Duchesne, Panckoucke, Delormel, Le Menu, et aux bureaux du
Mercure.
(2) Fréron, op. cit., p. 129.
10 I46 YVES GIRAUD
publiés comme prévu en avril 1765, allaient marquer une
date importante dans l'histoire de la chanson (3).
« On peut dire, sans flatterie, que personne n'était plus
en état que M. Monnet de former un pareil Recueil au gré
des connaisseurs. Un attrait décidé pour les chansons et né,
pour ainsi dire, avec lui, l'a porté, depuis près de trente
ans, à faire en ce genre des recherches continuelles » (4).
Quant à Meusnier, c'était un érudit de classe et un très
fin critique (5) . On pouvait donc être assuré que l'ouvrage
serait « curieux et bien fait » (6). Et les amateurs décou
vrirent en effet un ensemble important et intéressant,
qui se distinguait des recueils du temps, plus volontiers
consacrés à la production contemporaine, de cette « mul
titude infinie de compilations, faites la plupart sans esprit,
sans intelligence, sans discernement et sans goût » (6). En
étudiant ce premier jalon dans l'histoire du genre litté
raire et musical de la chanson, nous nous attacherons à
y relever les éléments d'une définition comparés à ceux
que nous offrent d'autres textes, puis à apprécier les étapes
de l'évolution historique exposée par Meusnier, avant de
regarder d'un peu plus près le choix des œuvres établi par
Monnet, pour conclure sur l'aspect spécifiquement « fran
çais » de la chanson.
Les deux collaborateurs sont les véritables pionniers
en ce domaine : avant eux, on ne trouve que quelques
écrivains pour s'intéresser à des périodes limitées. A com
mencer par Louis Jouard de La Nauze, qui présenta à
l'Académie des Inscriptions en 1736 deux Mémoires sur
(3) 3 v°l- in-8°, s. 1, 1765, 318 -f- 317 + 320 p. (Ouvrage daté par
erreur de 1705 dans le catalogue de la B.N.) Un 4e vol et supplément
parut en 1777 chez la Vve Duchesne. Le t. I est précédé du Mémoire
historique sur la chanson en général et en particulier sur la chanson franç
aise, de Meusnier de Querlon (64 p , pagination séparée).
(4) Inconnu du Dictionnaire des Lettres et de Cioranesco, Monnet a
été l'objet d'une biographie d'A. Heulhard (Pans, 1884) et d'une notice
récente, mais médiocre, de Marie Briquet, dans Musik in Geschichte und
Gegenwart
(5) Protégé par l'abbé Sallier, gardien des manuscrits de la bibli
othèque royale, huit ans employé dans cette bibliothèque, Meusnier put
y étudier de nombreux manuscrits anciens.
(6) Fréron, op. cit., p. 131. LE GÉNIE CHANSONNIER DE LA NATION FRANÇAISE I47
les Chansons de l'ancienne Grèce (7) ; puis Levesque de
La Ravalière, éditeur en 1742 des Poésies du Roy de
Navarre (8), précédées d'un discours sur l'ancienneté des
chansons françaises et de cinq lettres sur les chansons de
Thibault et de quelques autres trouvères. On pouvait
glaner des vues générales dans l'Histoire de la Poesie fran-
çoise de l'abbé Massieu (1739) ou dans l'Essai sur la Poésie
rhythmique de Mathieu- Ant. de Bouchaud (1763). Meusnier
se fera d'ailleurs un devoir de citer ses devanciers, dont
il aura vite fait le tour.
L'auteur du mémoire va d'abord s'efforcer de définir
ce qu'est une chanson. On sait de reste qu'auprès des
théoriciens de l'art poétique comme des historiens de la
littérature, la chanson n'a pas bonne presse. Si une petite
place lui est faite, c'est avec condescendance, comme s'il
s'agissait d'un genre d'infra-littérature, d'une variété
de poésie fugitive. Du Bellay la rangeait même au nombre
des « épisseries » dégoûtantes et propres seulement à « por
ter témoignage de notre ignorance ». Après tout, la langue
familière n'assimile-t-elle pas chanson et « pure bagatelle,
menterie, chose de rien, fausse, apocryphe et inventée à
plaisir, sottise, niaiserie, fadaise » (9) ? Il est curieux en
outre de relever que les mêmes théoriciens qui proclame
ront l'excellence, la supériorité des Français en la matière,
ravalent la chanson au niveau des œuvrettes insignifiantes.
Peut-être faut-il y voir un aveu d'impuissance, car comment
définir un genre fourre-tout ou touche-à-tout ? Rappelons
que la chanson peut s'envisager comme une pièce de vers
strophique, sans dimensions fixes, possédant ou non un
refrain ; la seule règle est l'exigence de strophes ident
iquement construites (mètre, disposition des rimes, pro
sodie), afin que toutes s'adaptent à la même mélodie.
Quant aux sujets, Sébillet remarquait déjà que « les Musi-
(7) Dans l'Histoire de l'Académie Royale... avec les Mémoires de Litté
rature, Pans, Impr Royale, 1736, t. IX, p. 320-346 et 347-359.
(8)Guérin, 1742, 2 vol.
(9) Leroux, Dictionnaire comique [...], 1718. YVES GIRAUD I48
ciens et Chantres font de tout ce qu'ils trouvent, voient et
oient, Musique et Chanson » (10). L'esthétique du genre
fait appel à quelques qualités fondamentales : l'aisance,
la facilité ou le naturel, et l'esprit joint à la naïveté.
La chanson amoureuse, affable et naturelle,
Sans rien sentir de l'Art, comme une villanelle,
Marche parmy le peuple, aux danses, aux festins,
Et raconte aux carfours les gestes des humains (11).
Mais, en insistant sur le caractère naïf de la chanson, on
tend à la réduire à la seule chanson populaire, dont les
mérites n'ont échappé ni à Montaigne (12), ni à Molière,
qui sait y voir :
que cela vaut bien mieux
Que ces colifichets dont le bon sens murmure,
Et que la passion parle là toute pure (13).
Si elle veut se hausser au niveau littéraire, il lui faudra
allier spontanéité et recherche, ce que rappelait Boileau
dans un vers bien connu :
II faut, même en chansons, du bon sens et de l'art (14).
A ceux qui prétendent que la chanson n'est qu'une
œuvre sans importance, aussitôt oubliée qu'entendue,
d'autres répondent, avec Meusnier, qu'une chanson e

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