Le lyrisme en rond. Esthétique et séduction des poèmes à forme fixe au Moyen-Age - article ; n°1 ; vol.32, pg 71-90
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1980 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 71-90
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 79
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Michel ZINK
Le lyrisme en rond. Esthétique et séduction des poèmes à forme
fixe au Moyen-Age
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1980, N°32. pp. 71-90.
Citer ce document / Cite this document :
ZINK Michel. Le lyrisme en rond. Esthétique et séduction des poèmes à forme fixe au Moyen-Age. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1980, N°32. pp. 71-90.
doi : 10.3406/caief.1980.1209
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1980_num_32_1_1209LE LYRISME EN ROND.
ESTHÉTIQUE ET SÉDUCTION DES POÈMES
A FORME FIXE AU MOYEN AGE
Communication de M. Michel ZINK
{Toulouse)
au XXXP Congrès de l'Association, le 25 juillet 1979
Dans Suzanne et le Pacifique, Giraudoux fait dire à Toulet
que le troubadour Bertrand de Born est un poète admirable,
parce qu'on ne trouve dans toute son œuvre qu'une seule
métaphore. En réalité, chacune de ses chansons en contient
plusieurs. En outre, Bertrand de Born n'a pas composé de
poèmes à forme fixe. Toulet a donc tort, et c'est un double
tort que de mentionner hors de propos son opinion erronée.
Il a tort, mais son erreur est fondée sur une impression
juste, car le langage poétique des troubadours, malgré sa
recherche et sa difficulté, exprime sans détours ce qu'il a à
dire. Le troubadour, par exemple, ne manque presque jamais,
dès les premiers vers, de souligner qu'il entreprend de
composer un poème et d'expliquer pourquoi, le plus souvent
à cause de l'accord, ou au contraire du contraste, entre les
circonstances extérieures et ses sentiments ; puis il désigne
ceux-ci, il les décrit, il les justifie. Mais, objectera-t-on, la
poésie des troubadours n'est-elle pas souvent obscure, voire
hermétique ? Sans doute, mais cette obscurité tient essen
tiellement à la syntaxe, qui est soit contournée soit elliptique.
Autrement dit, la transparence que les conventions mêmes de
cette poésie lui imposent est troublée par la syntaxe, comme
si celle-ci avait à charge de faire naître la tension, la comp
lexité, la part d'incertitude propres au langage poétique. 72 MICHEL ZINK
Mais, à d'autres époques du Moyen Age et dans d'autres
domaines de la poésie, le rôle que joue la syntaxe dans le
grand chant courtois (1) a pu être tenu, successivement,
simultanément ou tour à tour, par d'autres éléments : l'allé
gorie, les jeux verbaux, ceux, enfin, du mètre, de la rime et,
éventuellement, de la mélodie. Ce sont ces derniers qui défi
nissent les genres à forme fixe. Le langage poétique du Moyen
Age, à la recherche d'une épaisseur et d'une spécificité, a
essayé un certain nombre de formes et de procédés, parmi
lesquels figurent les contraintes des formes métriques fixes.
On rendrait ainsi au moins partiellement compte du succès
des genres à forme fixe dans la poésie savante, d'une part là
où l'obscurité du trobar n'avait jamais été vraiment recher
chée, c'est-à-dire en France du Nord, d'autre part dans le
moment même où le grand chant courtois disparaissait en
tant que tel, c'est-à-dire à la fin du хше siècle.
. Toutefois, cette schématisation purement chronologique est
insuffisante. Les formes fixes n'ont en effet pas attendu
d'être distinguées par la poésie savante pour avoir leur place
dans le lyrisme roman ; bien plus, elles en ont peut-être
constitué les premières manifestations, et elles accompagnaient
les danses du temps où troubadours et trouvères dédaignaient
de les faire servir à la célébration de la fin'amor. Or, une
chose est le statut des poèmes à forme fixe à l'époque où
toute la poésie que nous appelons lyrique mérite ce nom,
c'est-à-dire est chantée ; autre chose est leur statut à une
époque où ce n'est plus le cas, où eux-mêmes, qui ne le sont
plus nécessairement, restent cependant les pièces les plus
aptes à être mises en musique, et le sont souvent, à une
époque enfin où ils s'opposent à — et tout à la fois s'insèrent
dans une poésie récitée, le dit, qui apparaît comme le théâtre
du moi. Le lecteur moderne est enclin à assimiler étourdi-
ment cette poésie récitée à la poésie lyrique, avec laquelle
elle contraste en réalité, pour deux raisons, dont l'une est
mauvaise et l'autre bonne. La mauvaise raison est que poésie
(1) Cette formule de Roger Dragonetti a été reprise et la notion
qu'elle recouvre analysée par Paul Zumthor. LE LYRISME EN ROND 73
lyrique et poésie personnelle sont aujourd'hui synonymes, de
même que sont synonymes mise en scène poétique du je et
effusion de la subjectivité. La bonne raison est qu'au XIIe et
au début du xine siècle le grand chant courtois, qui, comme
son nom l'indique, est chanté, joue précisément vis-à-vis des
genres à forme fixe, dans l'équilibre d'ensemble de la poésie
lyrique, un rôle à certains égards analogue à celui que jouera
plus tard le dit. On voit donc se succéder, en coupes syn-
chroniques, deux systèmes poétiques, dont chacun confère aux
genres à forme fixe une place à la fois très différente et
comparable. En diachronie, apparaît un autre système, qui
évolue en préservant certaines constantes, en particulier la
tension, obtenue de façon variée, entre la transparence du
langage poétique et son brouillage. Cette double approche
justifie la progression chronologique de l'exposé qui suit.
Au xiie siècle, époque de l'essor du lyrisme roman, toute
la poésie est chantée. C'est dire que toute la poésie lyrique
est à forme fixe, ou à forme plus ou moins fixe. En effet, le
retour de la mélodie de strophe en strophe impose à celles-ci
la régularité. En outre, tous les genres imposent des règles
assez strictes touchant la structure générale des strophes et
leur nombre. Les seuls genres fondés sur une certaine irrégul
arité, le lai et le descort, tirent précisément leur succès
relatif du contraste qu'ils présentent avec le reste du lyrisme,
et ils n'en obéissent pas moins, d'ailleurs, à certaines lois.
D'autre part, les genres qui à la fin du Moyen Age consti
tueront les formes fixes les plus caractéristiques, comme le
rondeau ou le virelai, ne connaissent à cette époque que des
règles implicites et encore mal définies. Enfin, cette poésie
est une poésie formelle (2) qui dans tous les domaines, tire
ses effets, non de son originalité, mais de la démonstration
(2) Robert Guiette, D'une poésie formelle en France au Moyen Age,
dans Romanica Gandensia, VIII, 1960, p. 9-23, et dans Forme et Se-
nefiance, Genève, Droz, 1978, p. 1-15. Roger Dragonetti, La Technique
poétique des) Trouvères dans la chanson courtoise. Contribution à
l'étude de la rhétorique médiévale, Bruges. De Tempel, 1960. Paul
Zumthor. Langue et techniques poétiques à l'époque romane (XI*-
XIIIe siècles), Paris, Klincksieck, 1963, et Essai de poétique médiév
ale, Paris, Seuil, 1972. Hans-Robert Jauss, Littérature médiévale et
expérience esthétique, dans Poétique, 31, septembre 1977, p. 322-336. 74 MICHEL ZINK
qu'elle fait de sa maîtrise d'un code qu'elle applique minu
tieusement et qu'elle soumet à des transgressions calculées
et menues. Une poésie, en un mot, qui n'est rien d'autre qu'un *
jeu sur des formes fixes.
Faut-il donc spéculer sur l'ensemble de la poésie lyrique du
хие siècle et, sous prétexte qu'elle est tout entière une forme
fixe, renoncer à désigner et à définir des poèmes qui mérite
raient spécifiquement cette appellation ? Ce serait à la fois
un excès et une facilité. Il est bien vrai qu'une distinction,
d'ailleurs traditionnelle, s'impose, mais que cette distinction
ne se fonde pas essentiellement sur des critères de forme :
elle oppose la canso, ou encore le grand chant courtois, ex
pression conventionnelle de la fin'amor, à tout le reste, chan
sons satiriques, chansons dramatiques, chansons à danser,
généralement composées par les mêmes

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