Leconte de Lisle et l Hellénisme - article ; n°1 ; vol.10, pg 174-199
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1958 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 174-199
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Irving Putter
Leconte de Lisle et l'Hellénisme
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958, N°10. pp. 174-199.
Citer ce document / Cite this document :
Putter Irving. Leconte de Lisle et l'Hellénisme. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958, N°10. pp.
174-199.
doi : 10.3406/caief.1958.2130
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1958_num_10_1_2130DE LISLE ET L'HELLÉNISME LECONTE
Communication de M. Irving PUTTER
(University of California)
au IXe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1957
Qui voulait parler, au début du siècle, de froideur
hautaine en littérature, de séparation réfléchie et aga
çante entre le poète et ses vers, d'impeccabilité technique
d'où était exclu tout frisson du moi angoissé, qui disait
— pour lâcher le gros mot — « impassibilité », celui-là
trouvait en Leconte de Lisle son bouc émissaire. Dès
l'apparition des Poèmes Antiques, ce fervent adorateur
de la Vénus de Milo, marbre sacré dont la sérénité n'a
jamais été déparée par le rire ou le sanglot, se vit acca
blé d'une charge qui se colla tout de suite à lui comme
une seconde peau pour ne plus le lâcher avant sa mort.
« Essayez de repeupler les montagnes mythologiques »,.
s'écriait éloquemment un des critiques de l'époque,
ardent défenseur de la vie palpitante, « essayez de res
susciter dans leurs tombes glacées les divinités païennes,
de rebâtir un temple avec ces froids décombres... : vains
efforts ! vous ne rendrez pas la vie à ce qui est mort ;
vous ne rallumerez pas la flamme sacrée là où se refroi
dissent, depuis trente siècles, des cendres éteintes. »
(Pontmartin, 1854.) Un deuxième s'indigne comme qui
réagirait contre une injure personnelle : « On pense aus
sitôt devant ces fantômes : C'est nous qui vivons ! »
(Verdun, 1853). Et pendant des années la litanie conti
nua, aussi monotone et plus satisfaite que tout ce
qu'aurait pu imaginer de rebattu le disciple le plus
soumis des maîtres de l'antiquité. « Nul vivant ne passe PUTTER 175 IRVING
en ces lieux, disait-on ; aucun bruit de nos passions... ;
on se croirait au pays des morts. » (Lafenestre, 1861.)
Pour justifier la platitude écrasante de ses odes à la
locomotive, à la bobine, à la photographie et au chloro
forme personnifiés, Maxime du Camp s'en prenait aux
« imitations, aux plagiats, aux vieilleries, aux non-sens
et aux inutilités » de la poésie contemporaine. Il visait
ouvertement Leconte de Lisle dans la préface de ses
Chants modernes, dont le titre même semblait un ric
anement : « On découvre la vapeur, nous chantons Vénus,
fille de l'onde amère ; on découvre l'électricité, nous
chantons Bacchus, ami de la grappe vermeille. » Celui
qui tenait, par contre, à ne pas décourager un jeune
talent qui s'ingéniait malgré tout à arracher un nouvel
accord à la cithare antique, celui-là dosait sagement ses
censures de conseils pontificaux. « Le danger, enton
nait-on maintenant, n'est point de s'inspirer de l'anti
quité, de l'interroger même avec passion et de lui de
mander quelques-uns de ses secrets de la beauté, mais
de s'y absorber et de s'y perdre jusqu'à laisser périr en
soi le sentiment de l'homme moderne. » (Mazade, 1861.)
Il n'y avait pas jusqu'aux amis du poète qui ne se trou
vassent ébahis par ce retour agressif aux thèmes an
tiques. Même Flaubert, qui était pourtant loin de se
méprendre — et pour cause — sur le sens des tentatives
du poète, et qui éprouvait pour lui, du moins au début,
une vraie sympathie, même lui estimait qu'il « ne faut
pas revenir à l'antiquité, mais prendre ses procédés »
(6 avril 1853), tandis que Théophile Gautier, écrivant en
1867, faisait toujours remarquer : « Singulier phéno
mène à notre époque qu'une âme d'où toute idée mo
derne est absolument bannie. » {Les Progrès de la
poésie.)
Dans une assez large mesure, il faut bien l'avouer,
Leconte de Lisle lui-même incitait ses critiques aux
protestations et aux railleries. Le ton doctrinaire de ses
deux préfaces semblait lancer un défi à ses contempor
ains, trop absorbés, selon lui, par la polémique, la
prédication, la plaidoirie, ou les grands cris poussés au
sujet d'intérêts pressants mais éphémères. Depuis les
Grecs, la décadence et la barbarie avaient décidément
envahi l'esprit humain. Son premier recueil, par consé- IRVING PUTTER 176
quent, se détournerait résolument du présent pour
puiser son inspiration dans un passé lointain, vigoureux
et spontané, où la beauté vivait toujours d'une vie indé
pendante. « Les émotions personnelles n'y ont laissé
que peu de traces, dit-il carrément en 1852 ; les pas
sions et les faits contemporains n'y apparaissent point. »
Certes, Leconte de Lisle était loin d'être le seul de son
avis. D'autres poètes et penseurs partageaient avec lui
la même tendance et, pour ne citer qu'un des plus inté
ressants, Renan écrivait vers la même époque, faisant
écho presque textuellement aux affirmations avancées
dans la préface des Poèmes Antiques : « Les sources
poétiques du monde contemporain sont taries... La
poésie n'est plus que dans le passé, en sorte que les vrais
poètes de notre temps sont le critique et l'historien qui
vont l'y chercher. » (Essais, 1855.) Seulement, Leconte
de Lisle se trouve être celui qui, tant par ses propos
théoriques ou critiques que par ses propres œuvres,
formula l'expression la plus éclatante de cette théorie.
A plusieurs reprises, il revient à la charge dans sa prose.
En comparant son inspiration avec celle de Vigny, il
tient à souligner une distinction fondamentale. « Nous
sommes en présence de deux théories esthétiques oppos
ées, dit-il. L'une veut que le poète n'emprunte à l'his
toire ou à la légende des cadres plus intéressants
en eux-mêmes, où il développera les passions et les
espérances de son temps. » C'est là évidemment la
théorie de Vigny, ainsi que celle de Victor Hugo dans
La Légende des Siècles. « L'autre, au contraire, exige
que le créateur se transporte tout entier à l'époque
choisie et y revive exclusivement. » (Le Nain Jaune,
1864.) La constatation, on le voit, est on ne saurait plus
catégorique. Il ne faudrait pas songer à retrouver les
soucis du poète dans ses créations ; il s'est refait pour
l'occasion un cœur et un esprit, il s'obstine à penser et
à sentir comme un ancien.
De nos jours, il ne pourrait plus être question ni de
dresser un réquisitoire contre le poète, ni de le défendre
contre une erreur manifeste. L'intensité de son accent,
vibrant de colère, de désespoir, de lassitude ou d'amour,
ne saurait plus laisser d'équivoque, chez ceux qui se
donnent la peine de lire autre chose que les pièces d'an- PUTTER 177 IRVING
thoiogie, sur le profond romantisme qui est à la base de
toute sa création. Des poèmes tels que Le Vent froid de
la nuit, Les Spectres, Ultra Coelos et L'Illusion suprême,
sans parler de L'Anathème ou du sonnet grinçant Aux
Modernes, ont été suffisamment mis en évidence pour
qu'on n'ait plus besoin de donner un démenti aux niai
series des critiques myopes.
Pourtant, dans toute cette polémique, il semble bien
rester une catégorie de l'œuvre qui tient ferme, et c'est,
si je ne m'abuse, précisément ces poèmes helléniques
qui ont déclenché toute la discussion. Dans une thèse
présentée naguère en Sorbonně et consacrée au problème
du subjectivisme dans le Parnasse, je ne relève que
trois ou quatre allusions aux pièces grecques de Leconte
de Lisle, et encore n'est-ce que pour démontrer de nou
veau son culte de la beauté (Z. Rosenberg, La Persistance
du subjectivisme, 1939). D'autre part, dans une étude
sur Le Génie du paganisme (1926), Charly Clerc ne veut
voir dans le goût antique du parnassien

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