Les néologismes chez les Burlesques du XVIIe siècle - article ; n°1 ; vol.25, pg 45-58
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1973 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 45-58
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 47
Langue Français

Extrait

Professeur Francis Bar
Les néologismes chez les Burlesques du XVIIe siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1973, N°25. pp. 45-58.
Citer ce document / Cite this document :
Bar Francis. Les néologismes chez les Burlesques du XVIIe siècle. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1973, N°25. pp. 45-58.
doi : 10.3406/caief.1973.1022
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1973_num_25_1_1022LES NÉOLOGISMES CHEZ LES BURLESQUES
DU XVIIe SIÈCLE
Communication de M. Francis BAR
(Caen)
au XXIVe Congrès de l'Association, le 24 juillet 1972.
Le style burlesque pratiqué au xvne siècle se définit
par un système de procédés d'ordres divers, qui présente
par rapport à la langue courante — autant que nous pou
vons en juger — et, a fortiori, par rapport au style noble,
le maximum d'écarts (1). Ces procédés concernent, non
pas exclusivement, mais tout particulièrement, l'emploi
d'un vocabulaire très composite : mots pris à tous les
registres, familier et bas notamment, termes techniques,
quelquefois mots étrangers, et encore archaïsmes (2).
Cela était donné aux auteurs, qu'il fallût cher
cher ses ressources un peu partout ; ils ne s'en sont pas
contentés et se sont plu à ces innovations, plus ou moins
marquées, que constituent les mots forgés (3).
Signalons d'abord ce que l'on peut appeler des néolo-
gismes de syntagme : ils consistent à construire, comme
on ferait un nom simple, un substantif déjà déterminé,
voire une proposition entière ; dans l'un et l'autre cas,
c'est souvent une formule usuelle qui sert d'élément à une
(1) « ... c'est trop peu de dire que le burlesque échappe à la règle, il
est fait contre la règle » . F. Brunot, Hist, de la L. Fr., t. III, 1909, p. 76.
(2) F. Bar, Fins et moyens de l'archaïsme ch. les Burl, du XVIIe siècle,
ds. Cahiers de l'Association, 19, 1967, pp. 39-58.
(3) Vaugelas, au moins en principe, y était, comme Malherbe avant
lui, tout à fait opposé : « II n'est jamais permis de faire des mots ». (Rem.,
I» 35. cité par Brunot, H.L., III, p. 196 ; pour Malherbe, v. ibid., pp. 4-5). 6 FRANCIS BAR 4
construction insolite. On s'amuse à rapporter au style
indirect des expressions de politesse, et le même raccourcis
sement peut servir à montrer les gestes qui les accompag
nent :
J'estois leur топ-coeur, leur mon-maistre (4).
Puis, aux bras dessus bras dessous,
Aux, comment donc vous portez-vous ?
La troupe des dieux et des déesses.
Lui vinrent faire des caresses (5).
De même, un infinitif précisé par un adverbe garde ce
dernier, tout en étant substantive :
... Et n'avez (peur du courre sus)
Que des sommes interrompus (6).
Ailleurs encore, un nom garde le complément qui aurait
convenu au verbe ; les boulangers sont ainsi désignés
par la périphrase
... les appresteurs de quoi mordre (7),
étant donné qu'ils préparent la nourriture essentielle des
Français !
Une seconde catégorie est celle des néologismes d'emp
loi : des noms plus ou moins courants reçoivent un sens
inusité. Dans l'exemple qui suit, l'effet obtenu est celui de
la bizarrerie ; en effet
... la noble chevalerie (8)
désigne une course de chevaux. Un second cas est plus
plaisant ; on le relève à la fin de l'épître dédicatoire de
Scarron à la chienne de sa sœur (9) :
... je demeureray... De Vostre Chiennerie, Le Très affec
tionné serviteur, Scarron.
(4) St- Amant, Poëte Crotté, éd. Livet, ï, p. 219. •
(5) Scarron, Typh., IV, Oeuy., éd, 1786, T.V., pp. 462-463.
(6) Moreau, Choix de Mazarinades, I, p. 312.
(7) Ibid., II, p. 140, en note.
(8) Scarron, Vir g. Tr., V, Oeuv., t. IV, p. 314.
(9) Id., Poés. div., éd. Cauchie, I, p. 287. NÉOLOGISMES CHEZ LES BURLESQUES 47 LES
II est permis de penser que c'est une trouvaille d'avoir
obtenu le contraste d'un mot « bas » et d'un tour presque
solennel.
Généralement, il y a moins d'inattendu dans les pro
cédés de formation de néologismes proprement dits : la
dérivation et la composition de la plupart des mots forgés
se font au moyen des éléments grammaticaux ordinaires
et à partir de vocables pris à la langue, au sens saussurien
du terme (10). Il arrive toutefois que le résultat soit —
volontairement — étrange, ainsi quand les Harpyies mythol
ogiques sont appelées
Les trois goinfr esses... (11),
et plus encore lorsque rabat-joie, employé adjectivement,
reçoit un féminin formé comme s'il s'agissait d'un mot en
— ois :
II fait si bien qu'il apprivoise
Cette nature rabajoise (12).
D'autre part, certains préfixes ou suffixes peuvent
recevoir une valeur expressive dans un contexte donné :
ainsi, le préfixe dé- ou dés- permet d'exprimer un chan
gement brusque de situation, comme pour ce groupe de
personnes serrées les unes contre les autres dans l'obscur
ité, mais
... qui se decramponnèrent d'elles mêmes aussitôt que la
lumière parut (13).
L'effet peut être beaucoup plus violent ; l'auteur de
la Mazarinade menace le Ministre d'État en ces termes :
(10) II n'est pas possible de fournir ici des exemples de ces mots rel
ativement normaux ; nous nous permettons de renvoyer au ch. X de :
F. Bar, Le Genre Burlesque en France au XVIIe siècle. Étude de style,
d'Artrey, i960.
(11) Scarron, Vir g., III, p. 180. — Au témoignage de Furetière, la
langue familière disait : une chanson goinfre, une humeur goinfre, (Diet.
Untv., s.v.).
Í12) Scarron, Virg., III, p. 188.
(13) Rom. Com., éd. V. Fournel, I, p. 98. Francis bar
Ta carcasse des-entr aillée,
Par la canaille tiraillée,
Ensanglantera le pavé (14).
X Л. J.
souhaitée, la fin d'une métamorphose
Mais le Sommeil se déphorba
Sitôt que son homme tomba (15),
ou encore, un changement d'ordre moral :
Au bord du Tybre pacifique,
Mais qui se dépacifiqua (16).
Les suffixes de diminutifs sont à noter pour la valeur
dépréciative dont ils sont parfois la marque : c'est, bien
entendu, le cas du « héros » du Roman Comique, le fameux
Ragotin, et de la Sybillote que consulte Enée dans le
Virgile Travesti (17). Toujours chez Scarron, un jeu de
suffixes permet de relever, à vrai dire à quelques pages
de distance, comme des variations sur un même radical ;
il s'agit, dans le Typhon cette fois, soit de l'ensemble des
géants :
... Et décrivons bien la furie
De toute la gi ganterie (18),
soit de la personne même de l'un deux :
... Et comme il étoit député
Devers sa gigantosité... (19),
ce qui donne comme un écho ironiquement solennel à la
formule protocolaire « sa Majesté ».
(14) La Maz., Маг., II, p. 251.
(15) Se, Virg., V, p. 340 : On se souvient que le Sommeil, pour trom
per le pilote Palinure, avait pris l'aspect de son camarade Phorbas.
(16) Id., ibid., VIII, p. 477.
(17) Se, Virg,, VI p. 366.
(18) Id., Typh., I, p. 427.
(19)ibid., I, p. 433. — Nous ne parlerons pas ici de gigantin, qui
figure dans le Virgile Trav., et auparavant chez Saint-Amant : le mot
est attesté au xvie siècle, et il s'agit chez nos auteurs d'un archaïsme
parodique. LES NÉOLOGISMES CHEZ LES BURLESQUES 49
II faut accorder une mention aux dérivés des noms pro
pres. Ils peuvent être de formation traditionnelle ; c'est
le cas des dérivés en -ois, pour lesquels le procédé est
bien antérieur au XVIIe siècle (20). Il est assez plaisant de
voir tirer un nom de royaume de celui de la petite île
d'Ithaque ; un personnage de Scarron se présente en ces
termes :
Je suis d'Ithaque en Ithaquois (21).
Quant à la région parisienne, elle tirera son nom du
surnom peu obligeant de badaud donné (22) à ses habi
tants :
Dans le païs du Badaudois,
écrit le Normand Loret (23), et une mazarinade lui fait
écho :
Fait à Paris en Badaudois,
L'an que toute arme estoit fourbie (24).
Plus surprenant est le qualificatif donné à une dame
italienne :
Cette charmante ultramontoise... (25).
La rime y est vraisemblablement pour quelque chose,
mais y a-t-il dans cet exemple recherche du bizarre ? Il
semble que ce soit le cas lorsqu'une princesse d

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