Les Nouvelles françaises de Sorel et de Segrais - article ; n°1 ; vol.18, pg 31-40
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1966 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 31-40
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 54
Langue Français

Extrait

J. D. Hubert
Les Nouvelles françaises de Sorel et de Segrais
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1966, N°18. pp. 31-40.
Citer ce document / Cite this document :
Hubert J. D. Les Nouvelles françaises de Sorel et de Segrais. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1966, N°18. pp. 31-40.
doi : 10.3406/caief.1966.2301
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1966_num_18_1_2301LES NOUVELLES FRANÇAISES DE SOREL
ET DE SEGRAIS
Communication de M. J. D. HUBERT
(Los Angeles)
au XVIIe Congrès de l'Association, le 2$ juillet 1965.
Dans une thèse publiée il y a plus de trente ans, Las
« Novelas ejemplares » de Cervantes en France au XVIIe siècle,
Hainsworth a fort bien montré l'influence du grand écrivain
espagnol sur les « nouvellistes » français et particulièrement
sur celui qu'il considère comme le véritable initiateur du
genre en France, Charles Sorel. D'autres critiques, comme
Marie Raynal et Wessie Tipping, ont insisté sur l'importance
de Segrais et, de ce fait, sur les défauts de Sorel. Mais il faut
dire que ceux qui se sont penchés sur ces questions se sont
surtout intéressés à la technique de la nouvelle, à son évolu
tion et à ses progrès, sans trop se demander si l'auteur de
Francion ou si le secrétaire de Mademoiselle de Montpensier
avait quelque chose de significatif à nous dire et si leurs
nouvelles constituaient une œuvre valable au même titre que
les Novelas ejemplares.
Michel Butor a récemment souligné les aspects subversifs
des Nouvelles exemplaires, qui contiennent des « vérités des-
tructices » et révèlent « un doute fondamental » de l'auteur
« quant à l'ordre du monde auquel il appartient » (Répert
oire, II, p. 138). Je ne saurais dire si Butor a raison d'attr
ibuer des idées destructrices à Cervantes : mais il semble 32 J. D. HUBERT
tout au moins que l'auteur du Don Quichotte s'indigne par
fois de ce que le monde corrompu où il doit vivre diffère
d'une façon si scandaleuse d'une société idéale où tous adhé
reraient aux valeurs traditionnelles. Dans le « Colloque », le
chien Scipion remarque :
La Sagesse dans le pauvre est comme assombrie ; le besoin et la
misère sont les ombres et les nuages qui l'obscurcissent, et si, par
hasard, elle se découvre, on la prend pour sottise, on la traite avec
mépris (Ed. Garnier, p. 481).
Or, il suffit de songer au sens évangélique de la pauvreté
pour que ce passage perde une partie de sa force destruct
rice. Chose curieuse, le Sosie de Rotrou fera une observa
tion analogue, mais sans arrière-pensée chrétienne. Et c'est
justement ce genre de contestation qu'on trouve tout au long
des Nouvelles françoises de Sorel, qui, bien entendu, ne pos
sède pas le génie de son illustre précédesseur espagnol ni
même l'adresse de son successeur français, Segrais.
Les cinq nouvelles, publiées pour la première fois en 1623,
possèdent dans leur ensemble une certaine unité, car dans
chacune d'elles la notion de servitude finit par se manif
ester. Peu importe s'il s'agit du rapport banal entre maître
et valet ou entre un roi corrompu et un courtisan fidèle, on
sent une certaine tension dans ce genre de relation et parfois
même, de la part du serviteur, un sentiment d'humiliation
sinon de révolte.
La première nouvelle, « Le Pauvre généreux », donne le
ton à tout le recueil. Par un paradoxe peut-être unique à
cette époque, le héros, fils d'un pauvre paysan, possède toutes
les qualités du généreux, au sens qu'on donnait à ce mot au
xviie siècle. Contrairement à ce qui se passe d'ordinaire dans
les œuvres de l'époque, ce héros ne va pas se découvrir, au
dénouement, des ancêtres nobles, du moins dans la version
de 1623. Mais en 1641, date du privilège de la seconde édi
tion, Sorel va tout changer. On avertit le héros que
l'on cherche de tous costez un homme de son nom, et que la suc
cession d'un seigneur décédé sans enfans luy est eschuë par les
degrés de consanguinité qui luy estoient auparavant incongnûs, de LES NOUVELLES FRANÇAISES DE SÓREL ET DE SEGRAÍS 3J
sorte, qu'outre que cela le faisoit riche, cela monstroit qu'il venoit
d'une race des plus illustres dans sa contrée, et au lieu que l'on
luy avoit expédié des lettres d'une nouvelle Noblesse, il avoit besoin
d'un rétablissement, et d'une confirmation de l'ancienne (p. 344).
Le Sorel de 1641 rend donc son héros plus noble que son
rival, l'impertinent baron d'Artigues, dont « l'ayeul avoit
esté un vendeur de sabots ». Il est vrai que Sorel, à cette
époque, prétendait descendre d'Agnès Sorel. En tout cas, ce
remaniement, qui affaiblit tellement la portée subversive de
la nouvelle, ressemble assez aux modifications débilitantes
que l'auteur avait peu à peu apportées à son Francion.
Floran, le pauvre généreux, est, dans la version primitive,
le fils parfaitement légitime d'un simple sergent de village.
Il va au collège comme laquais d'un élève noble, fait son
droit, mais, faute d'appuis solides dans le monde, ne trouve
pas de causes à plaider. Il s'enrôle alors comme soldat,
accomplit des exploits héroïques et, bien entendu, ne reçoit
aucun avancement. Au moment où commence la nouvelle,
il vient de faire offre de son service au comte de Saint- Amour.
Par hasard, son premier devoir consiste à participer au « jeu
des parfaits amants » comme partenaire d'Elidore, la sœur
de son nouveau maître. Et, dans une situation digne de
Marivaux, il joue si bien son rôle que la jeune fille, le jugeant
à sa mine, le préfère à tous ces nobles couverts de clinquant
d'or. Élidore est une Mathilde de la Môle sans la moindre
nostalgie d'un passé héroïque à jamais révolu. Si elle montre
de la fierté, c'est surtout à cause « des perfections si rares
et si excellentes dont la Nature l'avoit pourvue tant en l'ame
qu'en l'esprit » (p. 6). Personne ne pouvait la mériter faute
d'avoir des qualités égales aux siennes. Et elle se rend si
bien compte de sa merveilleuse beauté que toutes les persé
cutions de sa famille ne réussissent pas à la rendre moins
orgueilleuse. Or, ces qualités, plus aristocratiques que chré
tiennes, lui permettent de s'élever au-dessus des préjugés
de sa caste et d'apprécier toute la supériorité morale et
intellectuelle de Floran. Elle sent qu'elle a enfin trouvé son
égal. Qu'importe son ancienne condition de laquais ! Comme
amant, il ne la servira que mieux ! Sorel joue d'ailleurs sur
3 !• D. HUBERT 34
les deux sens du mot servir : Elidore, redoutant la fierté de
sa caste, croit vraiment qu'elle sera « plus fidèlement servie
de Floran que d'un homme de qualité éminente » (p. 15). Elle
pense, semble-t-il, que les relations humaines doivent se
fonder sur la valeur personnelle, et non sur des considéra
tions extérieures, qu'elles soient économiques ou généalogi
ques. Comme dans le Rouge et le Noir, c'est l'héroïne qui se
déclare la première après avoir repoussé les « chimères de
l'honneur » (p. 17). Il lui faut d'abord guérir Floran de son
humilité :
N'est-ce pas estre son ennemy propre que de vous rabaisser
comme vous faictes ? Qu'estes-vous moins les autres ? N'avez-
vous pas du courage et de la valeur pour toutes sortes d'occasions ?
N'avez-vous pas des vertus dont l'esclat est aussi capable de faire
naistre de l'affection en mon cœur comme de l'envie en celuy de
tous les Gentilshommes de ce pays-су ? En quoy est-ce que nous
sommes inégaux ? en biens de fortune, n'est-ce pas ? Vostre bel
esprit, prend-il garde à si peu de chose ? Pensez-vous que mon
ame ne se puisse enflammer que pour des richesses externes, et qui
ne sont pas non plus à l'un qu'à l'autre ? J'ay la cervelle bien mieux
composée que vous ne vous estes imaginé : jamais il ne me sera
possible de chérir autre chose que ce qui appartient véritablement
à une personne, malgré les changements du temps (p. 20).
Floran apprend si bien cette leçon qu'il oublie l

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