Molière et Marc-Antoine Charpentier - article ; n°1 ; vol.41, pg 145-160
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1989 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 145-160
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 65
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Charles Mazouer
Molière et Marc-Antoine Charpentier
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1989, N°41. pp. 145-160.
Citer ce document / Cite this document :
Mazouer Charles. Molière et Marc-Antoine Charpentier. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1989,
N°41. pp. 145-160.
doi : 10.3406/caief.1989.1710
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1989_num_41_1_1710MOLIÈRE ET
MARC-ANTOINE CHARPENTIER
Communication de M. Charles MAZOUER
(Bordeaux)
au XLC Congrès de l'Association, le 20 juillet 1988
Le lecteur des comédies-ballets de Molière n'a que trop
tendance, alors qu'il goûte la force des dialogues, à oublier
la part de la musique et de la danse, parfois même négli
gées par les metteurs en scène. Pourtant Molière qui, dès
l'Illustre Théâtre, engageait des joueurs d'instruments et
un danseur, n'a pas conçu la douzaine de spectacles de
cette espèce qu'il créa autrement que comme la synthèse
de la comédie et de ces ornements ou agréments, comme
on disait alors, que proposaient le chant, la musique in
strumentale et le ballet. Ce serait une double trahison que
de les mépriser ; non seulement Molière donna ses
comédies-ballets avec eux, mais il les pensa avec eux : le
charme des ornements porte sens. Après la critique (1),
hommes de théâtre et musiciens contemporains s'en avisent
(1) Voir Ch. Mazouer, « Le Mariage forcé de Molière, Lully et Beauchamp :
esthétique de la comédie-ballet » (Mélanges pour J. Scherer. Langages dramat
iques. Dramaturgies, Paris, 1986, p. 91-98) et la bibliographie qui est dans les
notes. On pourra ajouter à celle-ci : R. Bray, Molière homme de théâtre, Paris,
1954 ; Evelyn В. Lance, « Molière the Musician : A Tercentenary View », The
Music Review, XXV (août 1974), p. 120-130 ; Cl. Abraham, « Le Malade
imaginaire at the court of Versailles », Biblio 17, n° 25, 1986, p. 81-91. 146 CHARLES MAZOUER
heureusement (2) et s'efforcent de restituer ce que Molière
avait imaginé avec ses musiciens, Lully puis Charpentier.
C'est la trop courte collaboration entre Molière et
Marc-Antoine Charpentier que nous voulons examiner
aujourd'hui. Quels en furent les conditions et les contours ?
Quelles caractéristiques esthétiques se dégagent de l'œuvre
réalisée en commun par le dramaturge et le musicien ?
(3). Quelle signification, enfin, visait Molière pour les
spectacles auxquels il associa Charpentier ?
Quand Molière fait appel à Charpentier, la formule de
la comédie-ballet est tout à fait au point ; elle est le fruit
de la longue collaboration avec Lully, surtout depuis 1664.
Grâce à « Baptiste le très cher », la comédie parlée se
trouve comme enveloppée de musique, selon l'expression
de Romain Rolland : la musique non seulement apporte
un rythme, un mouvement et de la gaieté, mais crée surtout
un climat de fantaisie et d'ivresse propre à faire basculer
la comédie bourgeoise et réaliste dans une irréalité moins
grave et singulièrement plus euphorique. Nous n'avons
pas à revenir sur la brouille entre les deux Baptistes, en
1672, ni sur ses raisons. Mentionnons toutefois l'hypothèse
de Ph. Beaussant (4), selon laquelle la rupture serait due
(2) Avec son ensemble « Les Arts florissant », W. Christie a enregistré un
intermède composé par Charpentier pour Le Mariage forcé (disque Harmonia
Mundi, HM 1083, 1982). Avec ses Musiciens du Louvre », M. Minkowski, qui
vient de consacrer un disque compact à des extraits des comédies-ballets de
Lully-Molière (Erato, ECD 75361, 1988), en enregistre en ce moment un autre
qui donnera le prologue et les trois intermèdes de la première version du Malade
imaginaire.
(3) Pour le texte de Molière, on se reportera aux T. 4, 6, 8 et 9 de l'édition
des « Grands Ecrivains de la France », et aux deux volumes de G.
Couton (Pléiade, 1971). Pour la musique de Charpentier, H. Wiley Hitchcock
a transcrit et réalisé les Prologue et intermèdes du « Malade imaginaire » de
Molière (Genève, Minkoff, 1973), mais sans la partition du premier intermède
conservée aux archives de la Comédie-Française, John S. Powell vient de faire
paraître toutes les musiques écrites par Charpentier pour les comédies de Molière
{Marc-Antoine Charpentier, Music for Molière 's comédies, A.R. Editions, Inc.
Madison, 1988, USA). On peut toujours se reporter aux volumes manuscrits
des Meslanges conservés à la Nationale.
(4) « Molière et l'opéra », Europe, nov.-déc. 1972, p. 155-168. ' ET MARC-ANTOINE CHARPENTIER 147 MOLIÈRE
à des raisons esthétiques : Molière, que Ton fait trop à la
légère l'ancêtre de l'opéra-comique, tenait justement au
clivage, dans ses comédies-ballets, entre la comédie parlée
et vraisemblable, d'une part, et d'autre part, le chant et
la musique ressortissant au monde de l'irréel ; en particulier
avec le récitatif, l'opéra de Lully mêlera les deux registres
de la parole et de la musique, que Molière tient à distin
guer. Notre dramaturge partage d'ailleurs l'opinion de
Saint-Evremond, qui, vers la même époque (1669-1670),
refuse l'opéra et son récitatif et recommande un théâtre
musical comme la comédie-ballet où, séparément, l'esprit
trouve sa satisfaction dans « la force agréable de la
parole », tandis que les sens se laissent aller au « charme
du chant » (5).
Quoi qu'il en soit, Molière fit appel à Charpentier, le
plus italien des musiciens français, à défaut de Lully, le français des italiens. Si l'on en croit ses
plus récents biographes (6), Charpentier aurait moins de
30 ans en 1672 ; fortement marqué par Carissimi, dont il
suivit l'enseignement pendant plusieurs années à Rome,
le jeune musicien n'a probablement composé alors que
quelques pièces religieuses. Molière lui offrit la possibilité
d'une célébrité à Paris ; dans un cadre déjà fixé, Charp
entier pouvait épanouir son génie propre.
La collaboration du dramaturge établi et du jeune
musicien fut malheureusement brève.
Si l'on met à part la chanson de Sganarelle récrite par
Charpentier pour Le Médecin malgré lui (I, 5) peut-être
en juin 1672, peut-être après 1673 (7), le premier travail
important fourni par le musicien le fut à l'occasion de
(5) Sur les opéras.
(6) Catherine Cessac, Marc-Antoine Charpentier, Paris, Fayard, 1988, 604 p.
(7) Pour la musique de Charpentier, il faut consulter le catalogue raisonné
établi par H.W. Hitchcock, Les Œuvres de/ the Works of Marc-Antoine
Charpentier, Paris, Picard, 1982. * CHARLES MAZOUER 148
La Comtesse d'Escarbagnas, donnée en juillet 1672 devant
le public parisien. Charpentier composa d'abord une
grande ouverture en fa majeur dont les panneaux (lent-
vif-conclusion avec retour au lent) brillent de toutes sortes
de jeux avec les tonalités, en particulier dans la partie
rapide à trois temps, où l'écriture fuguée et l'instabilité
tonale donnent l'impression d'un mouvement perpétuel.
Nul doute que le musicien voulut ainsi s'imposer ! Comme
pour les représentations de Saint-Germain, Molière
enchâssa un spectacle dans La Comtesse d'Escarbagnas,
mais il décida de retenir à cette fin son Mariage forcé,
pour lequel il composa des intermèdes nouveaux que
Charpentier mit en musique. Nous ne pouvons déterminer
la manière exacte dont Le Mariage forcé fut articulé à la
représentation de La Comtesse d'Escarbagnas, ni connaître
les raccords que Molière dut sûrement opérer dans son
dialogue pour introduire la comédie proposée aux per
sonnages de la pièce. On en est également réduit aux
hypothèses sur la place exacte des nouveaux intermèdes
dans le déroulement du Mariage forcé, étant donné que
l'ordre des pièces dans le manuscrit de Charpentier ne
correspond pas nécessairement au déroulement de la
représentation. La partition propose quatre airs d'or
chestre : un menuet au rythme quelque peu déhanché,
une charmante gavotte, et deux airs dont les titres — Les
Maris, Le Songe — indiquent la couleur et peut-être la

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