Objet fantasmatique et conte fantastique dans « Vision de Charles XI » de Mérimée - article ; n°1 ; vol.32, pg 179-191
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1980 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 179-191
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 45
Langue Français

Extrait

Professeur Jacques Chabot
Objet fantasmatique et conte fantastique dans « Vision de
Charles XI » de Mérimée
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1980, N°32. pp. 179-191.
Citer ce document / Cite this document :
Chabot Jacques. Objet fantasmatique et conte fantastique dans « Vision de Charles XI » de Mérimée. In: Cahiers de
l'Association internationale des études francaises, 1980, N°32. pp. 179-191.
doi : 10.3406/caief.1980.1217
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1980_num_32_1_1217OBJET FANTASMATIQUE
ET CONTE FANTASTIQUE
DANS « VISION DE CHARLES XI »
DE MÉRIMÉE
Communication de M. Jacques CHABOT
(Aix-en-Provence) .
au XXXIe Congrès de l'Association, le 26 juillet 1979.
En proposant ce titre aux organisateurs du colloque, je
manifestais mon intention de mettre en rapport le fantasme,
au sens psychanalytique du terme, et le fantastique, comme
catégorie de récit, dans une nouvelle de Mérimée. J'ai choisi
Vision de Charles XI parce que c'est la première nouvelle
de cet auteur où il y a du fantastique, bien qu'elle ne soit
pas encore, à proprement parler, un conte fantastique comme
le sera de façon exemplaire La Vénus d'Ille. Mais, de l'une à
l'autre de ces nouvelles, un parallèle s'imposerait sans doute
par une similitude, voire une identité, de contenu fantasma
tique et par une évolution, un perfectionnement de la forme
fantastique. Faute de temps, nous nous en tiendrons à Vision
de Charles XL Et, loin de vouloir distinguer la forme du
contenu, je pense, au contraire, que la forme littéraire du
fantastique est une élaboration secondaire — analogique de
celle du rêve — de fantasmes inconscients rendus plus ou
moins conscients par le travail de composition et d'écriture de
l'auteur. Ma "première hypothèse est donc la suivante : le
fantastique est — mais il n'est pas que cela — l'élaboration
secondaire ou si l'on préfère, la mise en forme d'un fantasme
inconscient. ,
J'entends, bien sûr, par fantasme, « un scénario imaginaire
où le sujet est présent et qui figure, de façon plus ou moins
déformée par les processus défensifs, l'accomplissement d'un 180 JACQUES CHABOT
désir et, en dernier ressort, d'un désir inconscient » ; défini
tion que j'emprunte au Vocabulaire de la psychanalyse de
MM. Laplanche et Pontalis, article « fantasme », p. 152 (1).
J'insisterai particulièrement sur le fait qu'un fantasme est un
scénario, pour en souligner le caractère théâtral : il est, en
quelque sorte, comme un canevas donné, fixé, bien établi
dans l'inconscient, mais qui se prêterait à de multiples varia
tions pouvant devenir conscientes, comme quand les acteurs
de la Commedia dell'arte improvisent sur un canevas strict
ement codé des situations et des paroles nouvelles et indéf
iniment renouvelées. Car le fantasme, véritable factotum du
psychisme, se présente « sous des modalités diverses : fan
tasmes conscients ou rêves diurnes, fantasmes inconscients tels
que l'analyse les découvre comme structures sous-jacentes à
un contenu manifeste, fantasmes originaires », disent encore
MM. Laplanche et Pontalis, qui reconnaissaient dans le fan
tasme « un point privilégié où pourrait être saisi sur le vif
le processus de passage entre les différents systèmes psychi
ques : refoulement et retour du refoulé » (ibid, p. 154). Bref,
le fantasme fonctionne aussi comme une sorte de transfor
mateur ou d'échangeur : en tant que fantasme inconscient —
surtout s'il s'agit d'un fantasme originaire, ce qui sera le cas
dans Vision de Charles XI — , il donne le thème (ou la struc
ture) dont les variations peuvent devenir conscientes dans le
rêve, la rêverie éveillée, ou le récit littéraire.
Dans ce scénario ou dans ce canevas, que le rêve (ou le
récit) met en scène, remarquons encore la présence du sujet
comme acteur qui réalise, en le jouant, son propre désir inconsc
ient, mais déformé par les mécanismes de défense intrapsy-
chiques, et en particulier le refoulement. A la faveur du fan
tasme, le Moi, comédien clandestin, se joue la comédie de son
désir, mais il n'est pas vraiment maître de la situation : le
metteur en scène, c'est l'Inconscient qui se joue également de
lui. Et certes nous devons nous garder d'oublier que dans la
forme littéraire du fantastique, la mise en scène est une sorte
de co-production de l'artiste et de son inconscient dont il
(1) Vocabulaire de la Psychanalyse, Paris, P.U.F., 1967, rééd. 1976. OBJET FANTASMATIQUE CHEZ MÉRIMÉE 181
élabore secondairement les données qui sont des processus
primaires. Si nous oublions trop l'activité consciente et le
travail de mise en forme de l'auteur, nous risquons de retom
ber dans l'erreur que Serge Doubrovsky reprochait déjà à Mau-
ron pour qui, dit-il, « Andromaque, c'est une tragédie signée
Freud, sur des paroles de Jean Racine » (2). Mais inversement,
exclure l'inconscient nous amènerait ingénument à faire du
fantastique la pure fantaisie d'un esprit pur. Or « la folle du
logis » garde son mot à dire dans le fantastique où la raison
joue un rôle plus qu'elle n'y raisonne logiquement.
Nous introduisons, par conséquent, une dernière distinction
entre 1°) le fantasme inconscient comme « structure sous-
jacente » d'un rêve ou d'un récit et 2°) ce que Freud appelle
« élaboration secondaire du rêve » (3), qui en est le rema
niement après coup, un véritable camouflage visant à tran
sformer le travail inconscient du rêve, et ses processus pri
maires, en quelque chose qui ressemble à une rêverie diurne,
préconsciente ou consciente. Mais ce n'est qu'un faux-semblant
qui constitue, selon Freud (3), « de la part de la censure, une
manifestation de l'esprit de l'escalier » ; l'élaboration second
aire, fonctionnant comme une deuxième interprétation (i
nconsciente) du rêve, finit par en faire, dit-il, « une sorte
d'événement compréhensible », alors que les données incons
cientes ne le seraient pas du tout. Or, je pense que le travail
de l'artiste, rêvant et pas seulement éveillé mais encore avec
lucidité sur ses propres fantasmes, n'est pas sans analogie
avec le processus inconscient ou préconscient de l'élaboration
secondaire du rêve. Et, par conséquent, que la mise en forme
d'un contenu fantasmatique de son inconscient par un artiste
relèverait d'un même processus de pseudo-rationalisation, dans
l'écriture comme dans le rêve, du scénario inconscient. Or,
si l'on veut bien admettre cette hypothèse de travail, on re
connaîtra sans doute aussi que le fantastique — et ce pourrait
(2) Serge Doubrovsky, Pourquoi la nouvelle critique, Paris, Mer
cure de France, 1967, p. 111.
(3) Sigmund Freud, L'Interprétation des rêves, Paris, P.U.F., 1971,
p. 416 sq. 182 JACQUES CHABOT
être une première définition approximative de cette catégorie
littéraire — est une pseudo-rationalisation de l'absurde ou du
surnaturel ou un usage bizarre de la raison.
Sans doute est-il temps, une fois ces définitions posées, d'en
venir à Mérimée lui-même. J'ai distingué, en commençant,
Vision de Charles XI, comme sa première nouvelle où il y a du
fantastique, d'un récit La Vénus d'ille comme modèle
canonique du conte fantastique mériméen. Je voulais dire plus
exactement que l'élaboration secondaire de La Vénus d'ille est
plus parfaitement achevée que celle de Vision de Charles XI,
car la première (en ordre chronologique) est une « vision », la
seconde forme véritablement un « conte ». La principale diffé
rence entre ces deux récits, en effet, réside dans la position du
narrateur : Vision de Charles XI est un récit en troisième
personne et qui se donne d'autant plus pour objectif qu'il est
rapporté comme contenu « dans un procès-verbal en bonne
forme » (208). Le narrateur en première personne qui introduit
l'histoire insiste, en effet, sur « l'authenticité du fait qu' [il va]
raconter » (208), en arguant de ce procès-verbal historique
ment ré

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