Premières recherches sur l apparition du vouvoiement en latin médiéval - article ; n°2 ; vol.130, pg 370-383
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1986 - Volume 130 - Numéro 2 - Pages 370-383
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Philippe Wolff
Premières recherches sur l'apparition du vouvoiement en latin
médiéval
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 130e année, N. 2, 1986. pp. 370-
383.
Citer ce document / Cite this document :
Wolff Philippe. Premières recherches sur l'apparition du vouvoiement en latin médiéval. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 130e année, N. 2, 1986. pp. 370-383.
doi : 10.3406/crai.1986.14393
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1986_num_130_2_14393COMMUNICATION
PREMIÈRES RECHERCHES SUR l' APPARITION
DU VOUVOIEMENT EN LATIN MÉDIÉVAL,
PAR M. PHILIPPE WOLFF, MEMBRE DE L'ACADÉMIE
Permettez-moi tout d'abord d'exprimer mon étonnement. Voici
une question qui ne saurait passer pour secondaire, voire marginale:
dans la France actuelle, nous disons « tu » à certaines personnes pour
marquer notre intimité — ou notre mépris ; nous en vouvoyons
d'autres pour manifester notre respect — ou notre éloignement.
Cette distinction pose un problème, qui a été formulé depuis long
temps. Ainsi, dès le xvie siècle, Bonivard — cité par Littré —
demandait : « Touchant à l'inventeur de vousier, je ne l'ay trouvé ;
mais j'ai bien trouvé que cela estoit déjà en cours, du temps de
l'empereur Trajan, aux epistres de Pline deuxième qui le vousioit
luy escrivant » (Noblesse, p. 242) — ce qui, nous allons le voir, est en
partie inexact. Depuis lors cette question n'a trouvé réponse que
dans deux articles, utiles à coup sûr, mais restés confidentiels1. S'il
existe d'autres références, elles vont m'être indiquées au cours de la
discussion qui va, j'espère, s'engager — et je remercie à l'avance les
confrères qui me les indiqueront.
Je vais donc m'efforcer de mener une enquête plus complète, au
cours d'une sorte de pièce en trois actes, réduite à une esquisse, dans
les limites du temps dans lequel je puis raisonnablement solliciter
votre attention. A chaque fois, tout en examinant l'attitude de
l'auteur étudié vis-à-vis du vouvoiement, je situerai en quelques
mots le personnage et son entourage. Ce sont des aspects qu'il
convient de ne pas séparer.
Premier acte : l'Antiquité latine classique, et les débuts de ce que
nous appelons le Moyen Âge. Personnages successifs : Cicéron, Pline
1. Le premier, « Duzen und Ihrzen im Mittelalter », de Gustav Ehrismann,
paru dans la Zeitschrift fur deutsche Wortforschung, 1er tome, Strasbourg, 1901,
p. 117-149, est assez pénible à lire, et ne se limite pas au latin ; mais, outre qu'il
contient un très grand nombre de références, il attire justement l'attention sur
le fait que le problème se posait aussi pour la première personne. Le second,
« " Morituri te salutant ", Note sur les formes allocutives », de Gérard Garitte,
a été publié en janvier 1942 par Les Études Classiques, tome XI, n° 1, p. 3-26.
Lui aussi contient de nombreuses références bibliographiques ; lui non plus ne
se limite pas au latin ; il présente des remarques fort intéressantes sur la signi
fication du vouvoiement et du tutoiement. — Je remercie Mme Lucie Fossier,
qui m'a signalé ces articles. APPARITION DU VOUVOIEMENT EN LATIN MÉDIÉVAL 371
le Jeune, Symmaque, Sidoine Apollinaire. Je n'aurai bien entendu
pas l'outrecuidance de vous présenter Cicéron. On sait que, dans
son œuvre abondante, la correspondance représente un élément
nullement négligeable : environ 860 lettres, auxquelles il faut
ajouter les quelque 70 dues à ses correspondants. De plus, ces lettres
bénéficient d'une excellente édition2.
Parmi elles, très nombreuses sont celles que Cicéron adressa à son
ami Atticus ; elles forment un ensemble qu'il était coutume de
juxtaposer à celles que Cicéron envoya à d'autres (ad familiares).
L'éditeur a pris la peine de rassembler les unes et les autres dans
un ordre chronologique. L'effet est saisissant : c'est la vie chargée
de responsabilités, dramatique souvent, si riche du travail de
l'écrivain cependant, qui reparaît pour nous. Or le tutoiement y est
général : dans notre optique actuelle, il va de soi avec son épouse
Terentia, avec son frère Quintus, avec son affranchi Tiron, avec son
ami Atticus. Mais il y a des lettres à César, à Pompée, à des gouver
neurs de provinces, à l'austère Marcus Claudius Marcellus, où il en
va de même. Ses correspondants, également, tutoient Cicéron.
Une seule exception, la lettre dclii, dans laquelle Servius Sulpi-
cius Rufus gouverneur d'Achaïe, personnage assez compassé, écrit à
Cicéron pour lui annoncer l'assassinat de Marcellus. Il l'y vouvoie :
« Et si scio non iucundissimum me nuntium uobis allaturum, tamen,
quoniam casus et natura in nobis dominatur, uisum est faciendum,
quoquo modo res se haberet, uos certiores facere.... »3. Cette excep
tion ne doit pas m'empêcher de conclure qu'au départ nous trou
vons un emploi uniforme du tutoiement. Il y aura donc bien mutat
ion. Quand et comment ?
Un commencement de réponse nous est donné par la correspon
dance de Pline le Jeune, bien éditée également4. C'est justement
par elle que nous sommes le mieux renseignés sur sa vie. Né près de
Côme en 61 ou 62 ap. J.-C, il vit auprès de son oncle Pline l'Ancien,
qui exerce sur lui une profonde influence. Il meurt en 113, après une
carrière politique nullement négligeable, qui le voit entre autres
tribun de la plèbe, prêteur, consul, enfin gouverneur de Bithynie.
Il jouit de la confiance de plusieurs empereurs : Domitien quelque
temps, puis Trajan. Évitons de trop comparer sa correspondance
à celle de Cicéron. L'éditeur nous en avertit : « Pour Pline, la forme
2. Cicéron, Correspondance, éd. et trad. par L. A. Constans, Jean Bayet et
Jean Beaujeu, Paris, Les Belles Lettres, 8 vol., 1960-1983.
3. Tome VIII, trad. : « Je sais que la nouvelle dont je vais vous faire part
ne vous sera guère agréable ; cependant, puisque nous sommes à la merci du
hasard et de la nature, j'ai cru de mon devoir de vous informer, en tout état de
cause... »
4. Pline le Jeune, Lettres, texte établi et traduit par Anne-Marie Guillemin
et Marcel Durry, Paris, Les Belles Lettres, 4 vol., 1967-1969. 372 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
épistolaire est une fiction, le nom servant d'en-tête est celui non
d'un correspondant, mais d'un dédicataire... Chaque morceau...
forme un tout nettement caractérisé, rentrant dans un genre défini
aux lois duquel il se conforme : il y a des récits, des descriptions, des
éloges, des dissertations morales, des dissertations littéraires. »
Outre leur réelle valeur littéraire, ces 121 lettres n'en conservent pas
moins au premier chef une valeur historique. On sait que l'une d'entre
elles constitue le meilleur récit que nous ayons de l'éruption du
Vésuve, qui engloutit Pompéi, et dont Pline fut témoin.
Le tutoiement y est d'emploi courant, même avec des correspon
dants tels que Tacite, Suétone, Quintilien son ancien maître. Pline
tutoie aussi l'empereur Trajan, lorsqu'il lui envoie de Bithynie,
dont il est gouverneur, la série des lettres qui composent le livre X
de l'édition. Mêlé à ce tutoiement habituel, voici toutefois le vou
voiement qui apparaît comme formule de politesse dans deux
lettres où cependant le destinataire est tutoyé par ailleurs. Tel est
le cas avec deux personnages : son grand-père par alliance Fabatus
sans doute5, et en tout cas l'empereur Trajan6. Il y a donc là une
amorce.
Passons à Symmaque, ce qui est faire un bond de près de trois
siècles, puisque cet auteur, né vers 340, mourut vers 402, après
avoir été proconsul d'Afrique (ce qui ne signifiait plus grand-chose)
et princeps du Sénat. Son éditeur, J. P. Pallu7, avoue : « Peu de
5. Lettre 1 du livre IV : « Cupis post longum tempus neptem tuam meque una
uidere. Gratum est utrique nostrum quod cupis, mutuo mehercule. Nam in
uicem nos incredibili quodam desiderio uestri tenemur, quod non ultra difïe-
remus... » traduit par : « Vous voudriez, après une si longue séparation, revoir
votre petite-fille et moi avec elle. Nous sommes tr

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