Le développement lexical précoce: hypothèses cognitivistes, sociopragmatiques et linguistiques - article ; n°4 ; vol.50, pg 501-519
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Description

Enfance - Année 1997 - Volume 50 - Numéro 4 - Pages 501-519
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Diane Poulin-Dubois
Le développement lexical précoce: hypothèses cognitivistes,
sociopragmatiques et linguistiques
In: Enfance. Tome 50 n°4, 1997. pp. 501-519.
Citer ce document / Cite this document :
Poulin-Dubois Diane. Le développement lexical précoce: hypothèses cognitivistes, sociopragmatiques et linguistiques. In:
Enfance. Tome 50 n°4, 1997. pp. 501-519.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/enfan_0013-7545_1997_num_50_4_3082SYNTHESE DE TRAVAUX
Le développement lexical précoce :
hypothèses cognitivistes,
sociopragmatiques et linguistiques
Diane Poulin-Dubois*
Le jeune enfant est un expert dans le domaine de l'acquisition de nou
veaux mots. Anglin (1993) estime qu'au moment de son entrée à l'école, un
enfant comprend au moins 10000 mots. Entre l'âge de 18 mois et 6 ans, les
enfants acquièrent de 5 à 6 nouveaux mots par jour, selon certaines estima
tions (Carey, 1978). Les enfants produisent leur premier mot vers la fin de la
première année mais comprennent déjà plusieurs mots à cet âge (Benedict,
1979). Vers l'âge de 18 mois, une explosion du vocabulaire est habituellement
observée, au cours de laquelle le rythme d'acquisition des mots croît de façon
fulgurante (Bloom, 1973 ; Dromi, 1987 ; Goldfield et Reznick, 1990).
Ce développement fulgurant représente un exploit tout à fait remar
quable lorsque l'on considère les exigences associées à l'apprentissage de nou
veaux mots. En entendant un nouveau mot, l'enfant doit pouvoir relier une
suite de phonèmes au réfèrent approprié et doit ensuite généraliser
correctement l'usage de ce mot lorsqu'il veut communiquer à propos d'autres
exemplaires de la même catégorie d'objets ou d'événements, à moins que le
mot ne soit un nom propre. Il s'agit donc d'une tâche de nature hautement
inductive, même dans le cas où l'adulte pointe des objets ou des images en les
nommant (ostension) puisqu'une multitude de referents sont possibles pour
un mot donné.
Comment les enfants réussissent-ils à apprendre un si grand nombre de
nouveaux mots si rapidement et sans effort apparent? Cette question est à
* Centre de recherche en développement humain, Université Concordia, 7141 Sherbrooke
Ouest, Montréal, Québec, Canada H4B 1R6. Je désire exprimer mes remerciements à Mandy
Steiman pour son aide dans la préparation de ce manuscrit. Ce travail a pu être réalisé grâce à
une subvention de recherche du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du
Canada.
ENFANCE, n° 4/1997, p. 501 à 519 502 DIANE POULIN-DUBOIS
l'origine de plusieurs modèles théoriques et de plusieurs études empiriques
réalisées au cours des vingt dernières années. Certains chercheurs ont mis
l'accent sur des sources externes de support tels que des indices pragmatiques
et des formes linguistiques (Tomasello et Akhtar, 1995). D'autres chercheurs
ont fait porter leurs efforts sur l'influence possible de changements cognitifs
dans les étapes du développement lexical. Ainsi, plusieurs études ont rap
porté un lien de corrélation entre le phénomène de l'explosion du vocabulaire
observable vers l'âge de 18 mois et des progrès significatifs dans la formation
des catégories d'objets (Poulin-Dubois, Graham et Sippola, 1995 ; Gopnik et
Meltzoff, 1986). Enfin, certains attribuent les progrès fulgurants du dévelop
pement lexical au cours des deux premières années de la vie à des
« contraintes » (constraints) de nature strictement linguistique. Ces biais, tels
que celui de l'exclusivité mutuelle (mutual exclusivity) et le biais taxono-
mique (taxonomic assumption) favoriseraient le développement de certaines
hypothèses particulières sur l'ensemble de toutes celles possibles (Markman,
1989). Dans cet article, je présente les principaux travaux réalisés dans le
contexte de chacune de ces trois approches, en espérant pouvoir juger de
l'importance de chacune dans l'explication du développement lexical. Il
existe bien sûr d'autres modèles, particulièrement de nature grammaticale,
mais l'espace alloué nous empêche de faire une revue exhaustive de cette li
ttérature (voir Bloom, 1994).
ACQUISITION DU LEXIQUE ET DÉVELOPPEMENT CONCEPTUEL
L'acquisition du sens des mots, plus que tout autre aspect du développe
ment verbal, se situe à la jonction du développement cognitif et langagier.
Les mots font référence à des concepts de sorte que le plus important pro
blème dans l'apprentissage est de déterminer lequel parmi plusieurs concepts
possibles constitue le réfèrent d'un mot particulier. Le défi du chercheur est
donc d'identifier à quel moment le développement cognitif facilite le dévelop
pement langagier, et vice versa. Parmi les perspectives cognitivistes du lan
gage les plus connues figure celle de Piaget. Selon Piaget, la capacité d'acquér
ir des mots et de former des phrases représente le point culminant de la
période sensori-motrice. En d'autres termes, la cognition est un prérequis
pour le langage. Cette position est à l'origine d'un débat bien connu avec
Chomsky (Piatelli-Palmarini, 1980). Au cours des années 80, un grand
nombre d'études ont tenté de vérifier l'hypothèse piagétienne selon laquelle il
existe un lien entre le développement cognitif et langagier, particulièrement
durant les deux premières années de la vie. Les recherches ayant tenté d'ident
ifier le type de lien existant entre des mesures très générales du fonctionne
ment cognitif (par ex. stade sensori-moteur) et du développement langagier
(par ex. longueur des énoncés (mlu)) ont généré très peu de résultats positifs
(pour une synthèse, voir Bates et Snyder, 1987). Par contre, les tentatives de LE DÉVELOPPEMENT LEXICAL PRÉCOCE 503
mettre en évidence des liens entre des habiletés cognitives et verbales spécifi
ques se sont avérées beaucoup plus fructueuses. Ainsi, on a pu démontrer
qu'il existe une correspondance entre les étapes du développement de la pe
rmanence de l'objet et l'émergence de certains types de mots tels que les mots
relationnels (Lifter et Bloom, 1989; McCune-Nicolich, 1981 ; Tomasello et
Farrar, 1986). Plus récemment, on s'est penché sur les corrélats conceptuels
de l'explosion du vocabulaire. Dans une étude longitudinale réalisée dans
mon laboratoire, le développement du vocabulaire d'un groupe de 16 enfants
anglophones et francophones a été étudié entre l'âge de 12 et 24 mois grâce à
un questionnaire (checklist) complété de façon continue par les parents Pou-
lin-Dubois et Graham, 1994; Poulin-Dubois, Graham et Sippola, 1995). Ce est une adaptation française du « MacArthur Communicative
Development Inventories», un instrument d'évaluation du vocabulaire fr
équemment utilisé avec des populations américaines (Poulin-Dubois, Frank et
Trudeau, 1995). Il contient une liste d'environ 600 mots d'usage courant,
ainsi qu'une section grammaticale. Des séances de jeu libre enregistrées lors
d'une visite mensuelle au laboratoire ont également servi à établir l'accroiss
ement du vocabulaire de façon plus complète. Le vocabulaire moyen, qui était
de 1 mot au début de l'étude, avait atteint plus de 200 mots à la fin de
l'étude. Tous les enfants ont traversé une période d'accroissement du vocabul
aire accélérée, définie comme l'apparition, d'au moins 15 nouveaux mots
entre deux séances d'enregistrement. L'âge moyen de l'explosion du vocabul
aire était de 19 mois, avec une variation interindividuelle de 14 à 24 mois.
L'inclusion d'enfants francophones dans notre échantillon a permis de
démontrer que le développement du vocabulaire suit essentiellement les
mêmes étapes que celles correspondant au développement des enfants de
langue anglaise. Notre principal objectif en réalisant cette étude n'était cepen
dant pas de démontrer la présence d'une explosion du vocabulaire chez des
enfants francophones mais de vérifier les liens entre les étapes du développe
ment de la catégorisation et le développement lexical. Certaines études
avaient déjà établi que l'explosion du vocabulaire coïncide avec une transi
tion dans le niveau des activité

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