Napoléon et Berthollet en Egypte - article ; n°83 ; vol.21, pg 121-125
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Description

Revue d'histoire de la pharmacie - Année 1933 - Volume 21 - Numéro 83 - Pages 121-125
5 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1933
Nombre de lectures 25
Langue Français

Extrait

Pierre Lemay
Napoléon et Berthollet en Egypte
In: Revue d'histoire de la pharmacie, 21e année, N. 83, 1933. pp. 121-125.
Citer ce document / Cite this document :
Lemay Pierre. Napoléon et Berthollet en Egypte. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 21e année, N. 83, 1933. pp. 121-125.
doi : 10.3406/pharm.1933.10020
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_1933_num_21_83_10020^'
REVUE D'HISTOIRE
DE LA PHARMACIE
N° 17 - Septembre 1933
Napoléon et Berthollet en Egypte
Bonaparte avait décidé l'expédition d'Egypte. C'était pour lui
le coup direct à l'Angleterre, qu'il ne fallait pas songer toucher
en Irlande; c'était aussi, peut-être, la conquête de Constantinople,
Vienne prise à revers, la route des Indes... Que de rêves gigantes
ques dans le cerveau de ce nouvel Alexandre !
Dans son plan rien n'était négligé, et une large place était faite
au côté intellectuel de l'entreprise. Il emmènerait des savants dont
la présence aurait un double avantage : études purement scienti
fiques dont il attendait de grandes choses et utilisation pratique
des ressources du pays pour subvenir aux besoins et à la protec
tion de son armée.
Toutefois, pour que l'expédition réussît, le projet devait en être
tenu secret : Bonaparte l'avait révélé pourtant à Berthollet, qui
depuis le traité de Campo Formio lui donnait des leçons de chi
mie. Lorsque tout fut décidé, il le chargea, ainsi que Monge, de
recruter des collègues sans leur donner de précisions, et c'est ainsi
que Berthollet dut simplement dire à Geoffroy-Saint-Hilaire :
« Venez, Monge et moi serons vos compagnons, et Bonaparte no
tre général. »
Monge et Berthollet étaient, sur les sciences, les causeurs int
imes du général; il avait fait leur connaissance en Italie et au siège
de Mantoue, dans le feu de la discussion, il les avait entraînés
presque sur les glacis. Ils voguent vers l'Egypte sur le même na- REVUE d'histoire de la pharmacie 122
vire : YOrient; ils l'accompagnent à Alexandrie, au Caire, à Suez,
dans le désert de Syrie; en face de Saint- Jean d'Acre, ils couchent
sous sa tente, et il les emmène avec lui lorsqu'il rejoint la France.
En Egypte, Berthollet continua à lui donner des leçons de chi
mie, et Bonaparte les goûtait si bien, que s'étant aperçu que le
débit du professeur se ressentait de l'absence d'un nombreux au
ditoire, il l'engagea à se faire accompagner de quelques amis. Sa
confiance en lui était absolue, et plus tard l'empereur avait cou
tume de dire, à propos de questions scientifiques litigieuses : « Je
demanderai à Berthollet. » Cette confiance était faite d'admirat
ion pour sa science, mais aussi d'estime pour son courage et «a
force d'âme. N'avait-on pas vu Berthollet, au moment de remont
er en barque le Nil exposé au feu des Mamelouks, remplir tran
quillement ses poches de cailloux pour aller au fond s'il venait à
être tué ? n'avait-il pas en plein désert, sous une chaleur torride,
fait près de cent kilomètres à pied pour céder sa voiture aux offi
ciers blessés ?
Et pourtant Berthollet n'avait rien d'un courtisan, il ne savait
plier devant aucun despote. De même qu'il avait, au péril de sa
vie, résisté à Robespierre, de même, à l'Institut d'Egypte, un jour
que le chef s'était laissé aller à un de ces mouvements de colère
qui lui étaient coutumiers, il ne craignit pas de dire : « Tu as
tort, Bonaparte, tu deviens grossier. » Il n'en resta pas moins
« l'ami Berthollet ».
Cet Institut d'Egypte fut fondé par un arrêté du général le
3 fructidor an VI et il s'assembla trois jours après, le 6, au Caire,
dans le palais de Hassan Kachef.
De suite, Bonaparte indique des questions à étudier qui furent
renvoyées à des commissions; Berthollet faisait partie de quatre
d'entre elles, celles qui devaient étudier : les fours à cuire le pain ;
les moyens de remplacer le houblon pour la fabrication de la
bière; les moyens de clarifier et de rafraîchir l'eau du Nil; les et berthollet en Egypte 123 napoléon
ressources de l'Egypte pour la fabrication de la poudre. A cette
séance, Berthollet lut un mémoire sur la formation de l'ammo
niaque dans l'action d'un mélange d'acide azotique et d'acide
chlorhydrique sur l'étain.
Dans la séance du premier jour complémentaire de l'an VI, il
lit une note sur les produits en usage en Egypte pour la fabrica
tion de l'indigo; le 16 frimaire an VII, une note sur la teinture
du coton et du lin par le carthame; le 16 pluviôse an VU, une
note sur le natron; et en collaboration avec Descontils, un travail
eur les propriétés tinctoriales du henné.
Le 11 messidor, il est élu président de l'Institut en remplace
ment de Monge. Le 21 messidor il communique des observations
sur l'action eudiométrique des sulfures alcalins et du phosphore.
Dans les dernières séances, il commence la lecture d'un ouvrage
capital dans l'histoire de la chimie : Recherches sur les lois de
V affinité chimique, qu'il présentera à l'Institut national à son arri
vée à Paris, et qu'il développera dans son livre La Statique Chi
mique, qui fera l'objet d'une étude ultérieure.
Nous avons dit que Berthollet et Monge revinrent en France
avec Bonaparte. Le jour du départ, en attendant le signal, ceux-ci
étaient réunis au Caire dans les jardins cfu Palais Esbekieh. Le
général, déçu par l'échec partiel de son expédition, inquiet sur
ce qu'il allait trouver en France, regrettait peut-être l'orientation
qu'il avait donnée à son génie et voici, d'après Geoffroy-Saint-
Hilaire, le dialogue qui s'engagea :
« Le métier des armes ne me convenait point. Je l'acceptai
par devoir... Jeune, je m'étais mis dans l'idée de devenir un inven
teur, un Newton !
Que dites-vous, général, répliqua Monge, ne connaissez-
vous pas le mot de Lagrange: Nul n'atteindra la gloire de Newton;
il n'y avait qu'un monde à découvrir...
Qu'ai-je là entendu ? Mais le monde des détails ! qui a ja- revue d'histoire de la pharmacie 124
mais songé à cet autre, à celui-là ? Moi, dès l'âge de quinze ans,
j'y croyais... je m'en occupai alors, et le souvenir vit en moi
comme une idée fixe à ne m' abandonner jamais Je suis sûr que
l'ami Berthollet, professeur (il l'appelait ainsi familièrement
quelquefois) dans le savoir du jeu des affinités , non sans doute,
Berthollet n'est point de votre avis ? Je vous le demande, Monge,
qui a fait attention au caractère d'intensité et de traction à très
courte distance des actions des minimes atomes dont nous sommes
d'une manière quelconque les observateurs obligés? Vous, Monge,
ou votre Newton, l'auriez-vous trouvé ? Or voyez : cela ne sera-
t-il pas plus beau, plus grand, mais surtout plus profitable à la
société qu'une spéculation philosophique ? Newton se trouve
avoir résolu le problème du mouvement en général par la décou
verte du système planétaire : c'est magnifique, pour vous autres,
gens d'esprit et de mathématique. Mais que moi, j'en fusse venu
à apprendre aux hommes comment s'opère le mouvement qui se
communique et se détermine par l'intervention des plus petits
corps, j'aurais résolu le problème de la vie de l'univers; et cela
fait, ce que je tiens chose possible, j'eusse dépassé Newton de toute
la distance qu'il y a entre la matière et l'intelligence ! Par consé
quent, il n'y a donc rien d'exact dans votre mot de Lagrange,
puisque le monde des détails reste à chercher. Voilà cet autre
monde, et c'est le plus important de tous, que je m'étais flatté
de découvrir; d'y penser, j'en suis toujours aux regrets; d'y pens
er, j'en ai mal à l'âme. »
Ce dialogue fait de Bonaparte un grand précurseur scientifique.
Il entrevoyait dans une lueur splendide ce que serait l'atomistique
moderne après les travaux des Curie, des Bord, des Einstein, des
Broglie.
Il montre également, sans jeu de mots, l'affinité des esprits de
Berthollet et de Bonaparte dans le problème des affinités, et qui
sait si plus tard l'empereur n'a pas repris cette conversation avec
son professeur préféré ? manuel de médecine populaire 125 un
Il la reprit en tous cas avec Monge, après Waterloo : « Con
damné à ne plus commander des armées, je ne vois que les scien
ces qui puissent s'emparer fortement de mon âme et de mon
esprit;

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