Antiphénoménologie et phénoménologie dans la philosophie d Emmanuel Levinas - article ; n°25 ; vol.75, pg 101-125
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Antiphénoménologie et phénoménologie dans la philosophie d'Emmanuel Levinas - article ; n°25 ; vol.75, pg 101-125

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Revue Philosophique de Louvain - Année 1977 - Volume 75 - Numéro 25 - Pages 101-125
L'A. montre d'abord que la philosophie de Levinas diffère essentiellement de la phénoménologie « classique » de Husserl. Levinas fait la critique du caractère objectivant de l'intentionalité, de l'immanentisme du cogito, de la nature constituante de l'ego transcendantal, telles que Husserl les avait conçues. Levinas lui oppose une philosophie de la passivité, de la souffrance, de la patience, de l'extériorité radicale. L'A. analyse ensuite quelques tendances que Levinas et Husserl ont en commun. Tous les deux exposent une philosophie de la subjectivité et de la temporalisation, tous les deux font preuve d'un radicalisme inexorable quand il s'agit de découvrir les sources cachées de ce qui se montre au regard naïf. L'A. en conclut que la phénoménologie de Levinas est une phénoménologie d'un type nouveau, qu'il a changé l'optique phénoménologique en y ajoutant une dimension de profondeur.
The A. shows firstly that the philosophy of Levinas differs essentially from the « classical » phenomenology of Husserl. Levinas criticises the objectivating character of intentionality, of the immanentism of the cogito, of the constituting nature of the transcendental ego, as Husserl had conceived them. To this Levinas opposes a philosophy of passivity, of suffering, of patience, of radical exteriority. The A. then analyses some tendancies which Levinas and Husserl have in common. Both set out a philosophy of subjectivity and of temporalisation, both show an inexorable radicalism when it is a question of discovering the hidden sources of that which is shown to the naive look. The A. concludes that Levinas' phenomenology is a new kind of phenomenology, that he has changed the phenomenological viewpoint by adding to it a dimension of depth.
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Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Stephan Strasser
Antiphénoménologie et phénoménologie dans la philosophie
d'Emmanuel Levinas
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 75, N°25, 1977. pp. 101-125.
Résumé
L'A. montre d'abord que la philosophie de Levinas diffère essentiellement de la phénoménologie « classique » de Husserl.
Levinas fait la critique du caractère objectivant de l'intentionalité, de l'immanentisme du cogito, de la nature constituante de l'ego
transcendantal, telles que Husserl les avait conçues. Levinas lui oppose une philosophie de la passivité, de la souffrance, de la
patience, de l'extériorité radicale. L'A. analyse ensuite quelques tendances que Levinas et Husserl ont en commun. Tous les
deux exposent une philosophie de la subjectivité et de la temporalisation, tous les deux font preuve d'un radicalisme inexorable
quand il s'agit de découvrir les sources cachées de ce qui se montre au regard naïf. L'A. en conclut que la phénoménologie de
Levinas est une phénoménologie d'un type nouveau, qu'il a changé l'optique phénoménologique en y ajoutant une dimension de
profondeur.
Abstract
The A. shows firstly that the philosophy of Levinas differs essentially from the « classical » phenomenology of Husserl. Levinas
criticises the objectivating character of intentionality, of the immanentism of the cogito, of the constituting nature of the
transcendental ego, as Husserl had conceived them. To this Levinas opposes a philosophy of passivity, of suffering, of patience,
of radical exteriority. The A. then analyses some tendancies which Levinas and Husserl have in common. Both set out a
philosophy of subjectivity and of temporalisation, both show an inexorable radicalism when it is a question of discovering the
hidden sources of that which is shown to the naive look. The A. concludes that Levinas' phenomenology is a new kind of
phenomenology, that he has changed the phenomenological viewpoint by adding to it a dimension of depth.
Citer ce document / Cite this document :
Strasser Stephan. Antiphénoménologie et phénoménologie dans la philosophie d'Emmanuel Levinas. In: Revue Philosophique
de Louvain. Quatrième série, Tome 75, N°25, 1977. pp. 101-125.
doi : 10.3406/phlou.1977.5923
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1977_num_75_25_5923Antiphénoménologie et phénoménologie
dans la philosophie d'Emmanuel Levinas
La philosophie de Levinas mérite le nom de «philosophie en
marche ». C'est une pensée qui se fait remarquer, qui attire l'attention,
qui arrive à une certaine notoriété. Et comme on en parle beaucoup,
la question se pose de savoir à quel courant intellectuel cette philo
sophie très originale est apparentée. Peut-on dire que Levinas est
phénoménologue? C'est là le problème que l'on discute surtout.
Or, cette discussion crée une situation typique. Tandis que les uns
trouvent que le caractère phénoménologique de cette philosophie
«saute aux yeux», les autres hésitent longtemps avant de prononcer
un «oui» ou un «non» bien faible. Il est cependant facile de fournir
une explication à ces deux manières de voir. Ceux qui observent le
mouvement phénoménologique «du dehors» sont très sensibles à un
certain style, à une certaine manière de pratiquer la philosophie que,
d'après Merleau-Ponty, les phénoménologues ont en commun. Ceux
par contre qui participent eux-mêmes à ce mouvement remarquent
immédiatement des différences, des divergences, voire des contrastes
entre les auteurs que l'on appelle «phénoménologues». Puisque je
fais moi-même plutôt partie du deuxième groupe je suis enclin à
répondre à la question que nous venons de poser par un très
énergique «et primo videtur quod non». J'irai même plus loin. Je suis
convaincu que la philosophie de Levinas diffère essentiellement de tout
ce qui, jusqu'à présent, a été conçu comme phénoménologie. La tendance
dominante de la pensée de Levinas diffère, en effet, de la doctrine
husserlienne. Notre philosophe s'oppose consciemment à Heidegger
et à son «ontologie fondamentale». Levinas prend ses distances —
le plus souvent de façon implicite, mais parfois aussi explicite —
vis-à-vis de Sartre et de Merleau-Ponty. Il connaît très peu le groupe
phénoménologique de Munich. Mais il hausse les épaules à propos de
la philosophie des valeurs de Scheler1, alors qu'il y a des passages
1 En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, 1967, 2e éd.
(indiqué désormais par le sigle DEHH), p. 51. Je me servirai en outre des abréviations Stephan Strasser 102
qui permettent d'imaginer ce qu'il aurait dit de la théorie schelerienne
concernant les sentiments de sympathie.
Pour défendre ma thèse de façon complète, je serais obligé
d'analyser les œuvres principales de tous les auteurs que je viens de
nommer. Ceci étant évidemment impossible dans les limites d'un
article, je vais me borner à la philosophie de Husserl.
*
* *
Mon choix n'est ni gratuit, ni arbitraire. Car c'est Husserl qui
a déclenché le mouvement phénoménologique; c'est sa philosophie
qui est considérée comme la phénoménologie classique. En outre il a
exercé sur Levinas une influence prolongée. Il est vrai que Levinas n'a
étudié la philosophie que pendant une année à Fribourg et qu'il n'a
participé qu'à un seul «séminaire» sous la direction de Husserl.
Pourtant Levinas s'est occupé à plusieurs reprises de la philosophie
de Husserl et, bien entendu, en y apportant toutes les marques de
l'estime. Cela ne l'empêche pas de le critiquer. Dès le début il fait
des objections. Même dans la thèse que l'étudiant Levinas a écrite
à Strasbourg et qui a trait à la théorie de l'intuition dans la philosophie
de Husserl, nous trouvons des considérations critiques. Je voudrais
en citer deux qui me paraissent particulièrement caractéristiques.
La première concerne l'idéal d'une théorie supratemporelle, éte
rnellement valable, idéal qui domine la pensée husserlienne. Or, Levinas
n'y croit pas et n'en veut pas. «La philosophie paraît dans cette
conception aussi indépendante de la situation historique de l'homme
que la théorie cherchant à tout considérer sub specie aeternitatis »,
écrit-il2. Husserl sépare la philosophie d'avec l'existence concrète de
l'homme, de sa vie, de son temps, de la société, de l'histoire. Le modèle
du théorème géométrique prédomine. Sa manière de concevoir la
suivantes pour indiquer des écrits de Levinas: La Théorie de l'Intuition dans la
Phénoménologie de Husserl, Paris, Alcan, 1930: TH ; Le Temps et l'Autre, dans Le
Choix, le Monde, l'Existence, Grenoble-Paris, Arthaud, 1947: TA; De l'Existence à
l'Existant, Paris, Fontaine, 1947: EE; Totalité et Infini, La Haye, Nijhoff, 1961: TI;
Humanisme de l'autre Homme, Montpellier, Fata Morgana, 1972: HA; Autrement
qu'être ou au-delà de l'Essence, La Haye, Nijhoff, 1974: AQE; Dieu et la Philosophie,
dans Le Nouveau Commerce, cahier 30-31, Paris, 1975, pp. 95-128: DP.
2 TH, p. 220. et phénoménologie chez Levinas 103 Antiphénoménologie
vérité fait penser à Platon et aux rationalistes. Voilà ce que lui reproche
le jeune Levinas. Si plus tard il concevra une philosophie radicale
de la temporalisation, cette tendance est déjà perceptible en 1930.
Un autre passage critique se rapporte au caractère intellectualiste
de la réduction transcendantale phénoménologique. On ne voit pas
comment nous arrivons à changer de façon radicale notre attitude
à l'égard de la réalité et du monde entier : «... en vertu du primat
de la théorie, Husserl ne se pose pas la question de savoir comment
cette 'neutralisation' de notre vie, qui est néanmoins un acte de
cette dernière, comment s'y trouve-t-elle fondée?» Et Levinas de
remarquer non sans ironie : « La philosophie commence avec la réduc
tion; or voilà un acte où, certes, nous considérons la vie dans tout
son aspect concret, mais où nous ne la vivons plus » 3. Si l'on considère
que la réduction est, d'après les affirmations réitérées de Husserl,
l'

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