Habermas, l éthique et la politique - article ; n°73 ; vol.87, pg 74-96
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1989 - Volume 87 - Numéro 73 - Pages 74-96
This article aims to situate J. Habermas' ethics in the context of contemporary discussion. To the extent that the problem of foundations is historically located, it must necessarily refer to the current state of argumentation. From this standpoint, Habermas hesitates between a purely procedural and a transcendental justification of norms. In the end, he leans towards the latter. But for such justification to be valid, the presuppositions of everyday practice must coincide with those of argumentation in general. This assumption receives indirect support from Habermas' liberal and democratic political positions.
Cet article vise à situer l'éthique habermassienne dans le débat contemporain. Dans la mesure où la question du fondement s'inscrit historiquement, elle doit nécessairement se référer à l'état actuel de l'argumentation. De ce point de vue, Habermas hésite entre une justification purement procédurale et une justification transcendantale des normes. Il penche finalement plutôt pour cette dernière. Mais pour qu'elle soit valide, il faut que les présuppositions de la pratique quotidienne soient identiques à celle de l'argumentation en général. Cette affirmation reçoit une justification indirecte des prises de positions politiques, libérales et démocratiques de Habermas.
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Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Berten
Habermas, l'éthique et la politique
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 87, N°73, 1989. pp. 74-96.
Abstract
This article aims to situate J. Habermas' ethics in the context of contemporary discussion. To the extent that the problem of
foundations is historically located, it must necessarily refer to the current state of argumentation. From this standpoint, Habermas
hesitates between a purely procedural and a transcendental justification of norms. In the end, he leans towards the latter. But for
such justification to be valid, the presuppositions of everyday practice must coincide with those of argumentation in general. This
assumption receives indirect support from Habermas' liberal and democratic political positions.
Résumé
Cet article vise à situer l'éthique habermassienne dans le débat contemporain. Dans la mesure où la question du fondement
s'inscrit historiquement, elle doit nécessairement se référer à l'état actuel de l'argumentation. De ce point de vue, Habermas
hésite entre une justification purement procédurale et une justification transcendantale des normes. Il penche finalement plutôt
pour cette dernière. Mais pour qu'elle soit valide, il faut que les présuppositions de la pratique quotidienne soient identiques à
celle de l'argumentation en général. Cette affirmation reçoit une justification indirecte des prises de positions politiques, libérales
et démocratiques de Habermas.
Citer ce document / Cite this document :
Berten André. Habermas, l'éthique et la politique. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 87, N°73, 1989.
pp. 74-96.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1989_num_87_73_6538l'éthique et la politique Habermas,
Je souhaiterais dans cet article faire deux choses simultanément:
d'une part, esquisser une hypothèse concernant l'importance philoso
phique de la pensée de Jùrgen Habermas dans le contexte de la
philosophie contemporaine; d'autre part, élucider et critiquer l'affirma
tion de cet auteur comme quoi les propositions pratiques (éthiques ou
politiques) sont susceptibles de vérité. Ces deux questions sont liées en
ce que la problématique éthique, après un relatif effacement, est rede
venue, sous des formes diverses et contradictoires, une problématique
centrale dans la philosophie actuelle. Il est possible d'ailleurs que, dans
l'histoire récente des idées philosophiques, le problème des valeurs soit
redevenu un objet de discussions argumentées en raison du fait que,
aussi bien dans la tradition positiviste née de la séparation humienne
entre faits et valeurs que dans la tradition heideggérienne, l'éthique
semble exclue de la réflexion «légitime», soit parce que, du point de vue
positiviste, elle tombe hors de la sphère du discours rationnel, soit que,
du point de vue de la critique heideggérienne, elle soit indissociable
d'une métaphysique humaniste non critique. La radicalité de cette
exclusion de l'éthique hors de la sphère de la réflexion philosophique
reconnue ne pouvait manquer, en retour, d'en marquer l'urgence, dans
la mesure où les «affaires humaines», individuelles et collectives, ne
peuvent manifestement pas être laissées à l'irrationalité de choix arbi
traires.
Le rôle de la philosophie
Habermas a interrogé lui-même et tenté de redéfinir la place et le
statut de la philosophie dans la culture contemporaine. A la fin de
Théorie de l'agir communicationnel, il écrit ceci: «Avec la science
moderne, avec le droit positif et les éthiques profanes qui se guident sur
des principes, avec un art devenu autonome et la critique de l'art
institutionnalisée, trois moments de la raison se sont cristallisés sans
que la philosophie soit intervenue. Même sans connaître la Critique de l'éthique et la politique 75 Habermas,
la raison pure et de la raison pratique, les fils et les filles de la modernité
savent comment sérier et prolonger la tradition culturelle selon l'un de
ces trois aspects rationnels: les questions de la vérité, les questions de la
justice et les questions du goût»1. En d'autres termes, et ceci sera
essentiel dans la réflexion sur l'éthique, le rôle de la philosophie ne peut
plus apparaître comme un rôle de «fondation» ultime: la culture
moderne développe des formes de rationalité qui ne demandent pas à
une instance extérieure unique de leur procurer des fondements. Cela
est vrai, non seulement de la science ou de la culture, mais aussi des
«éthiques fondées sur la connaissance», qui «excluent les problèmes de
la vie bonne et se concentrent sur les aspects strictement déontologiques
et susceptibles de généralisation, de sorte que du bien il ne subsiste plus
que le juste»2. Dans cette mesure, le travail philosophique se trans
forme; il ne vise plus à occuper une place de «juge suprême» de la
vérité, ou de tribunal de l'usage légitime de la raison; il vise bien plutôt
à répondre à une double question, historiquement située: «Les énormes
unilatéralités qui portent la signature de la modernité n'ont nul besoin
d'être fondées ni justifiées, en ce sens qu'elles auraient besoin de
fondements transcendantaux, mais elles ont certainement besoin d'arri
ver à un consensus clair sur la nature de ce savoir et d'une réponse
aux deux questions: la raison qui s'est objectivement scindée en ses
moments peut-elle encore maintenir une unité, et comment les cultures
de spécialistes peuvent-elles trouver des médiations avec la vie quoti
dienne?»3 Ou encore: «Contre une réduction de type empiriste de la
problématique rationnelle, seule sauve l'endurance à prendre les sentiers
où la science, la morale et l'art communiquent encore ensemble»*. La
tâche de la philosophie apparaît donc comme double: penser l'unité de
la raison au delà et en deçà de sa division; penser le lien entre les
cultures spécialisées et la pratique quotidienne. Dans la première pers
pective s'inscrivent les critiques faites à toutes les formes d'unilatéralité,
que ce soit l'unilateralite d'une raison scientifique qui revendique le
monopole du savoir valide ou l'unilateralite d'une critique radicale de la
1 J. Habermas, Théorie de l'agir communicationnel, vol. 2, trad. J. L. Schlegel,
Fayard, Paris, 1987, p. 438; on trouvera les mêmes idées dans Morale et communication.
Conscience morale et activité communicationnelle, trad. Chr. Bouchindhomme, Cerf. Paris,
1986, «La redéfinition du rôle de la philosophie», pp. 23sq.
2 Ibidem.
3
4 Ibidem. André Berten 76
«rationalité occidentale». Dans la seconde perspective, on lira les
critiques faites à la «technocratie» et à l'élitisme.
Comme on le voit, l'inscription de Habermas dans la «modernité»
est d'emblée polémique et problématique. Bien qu'il soit, selon une
formulation rebattue, un «héritier de l'École de Francfort», il s'oppose
avec vigueur à ce qu'on pourrait appeler le versant nietzschéen-heideg-
gérien de cette École. Il refuse une condamnation non dialectique de la
philosophie des Lumières et de son projet de fonder une morale
sécularisée et indépendante des hypothèses de la métaphysique5. Il
récuse totalement l'idée d'un épuisement des possibilités positives de la
modernité. Comme l'affirme le titre d'un article, la modernité est un
«projet inachevé»6, un projet donc que nous avons encore à mener à
bien. Une telle thèse implique une prise de position par rapport à la
rationalité. Si en effet, la modernité est un projet qui doit encore être
réalisé, c'est parce que la notion de raison, qui émerge avec l'avènement
de la science moderne, d'une part a engendré une unilatéralisation et
par là une mutilation des modèles de vérité, mais d'autre part a permis
rétrospectivement de mieux comprendre le caractère pluraliste, plural
de la raison et donc simultanément d'approfondir notre savoir reflexif
sur la et, par ce retour sur soi, de mieux situer la raison
«scientifique» dans le complexe de la rationalité moderne et contempor
aine.
Un tel projet n'implique pas que Habermas renonce à la «critique»

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