L esprit dans l aporie du temps. Esquisse - article ; n°65 ; vol.85, pg 22-79
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Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1987 - Volume 85 - Numéro 65 - Pages 22-79
In the present study an outline is given of a logic, then of an aporetic, of the experience of time. At the intersection of the objective time of the world and of the time constructed in human consciousness, the philosophy of the body, and hence the thought of death, makes it possible here to discuss the link which unites interiority and exteriority. Confronted with Husserl's phenomenology, which thinks time while forgetting death, Heidegger's phenomenology provides the theoretical means to measure temporalisation by the facticity of being towards death. But by thinking the end under the category of totalisation or of accomplishment, it appears that Heidegger raises difficulties which he leaves unresolved. Precisely the end does not accomplish: which is shown not so much by Heidegger's affirmation of one's «own death», but by the lack of accomplishment rendered manifest by the death of the other man. The thesis of the article is that that which is at stake in temporality (extatic relationship and infinite appeal of meaning) transgresses its condition (the body and death). But this transgression can only be interpreted philosophically in the horizon of death: the experience of time is thus essentially aporetic. (Transi, by J. Dudley).
La présente étude esquisse une logique, puis une aporétique, de l'expérience du temps. A l'intersection du temps objectif du monde et du temps construit dans la conscience, la philosophie du corps, et donc la pensée de la mort, permet ici de thématiser le rapport qui unit intériorité et extériorité. Face à la phénoménologie husserlienne, qui pense le temps dans l'oubli de la mort, la phénoménologie heidegge- rienne donne les moyens théoriques de mesurer la temporalisation à la facticité de l'être vers la mort. Mais en pensant la fin sous la catégorie de la totalisation ou de l'accomplissement, il semble que Heidegger soulève des difficultés qu'il laisse irrésolues. La fin, précisément, n'accomplit pas: ce que manifeste, plutôt que l'affirmation heideggerienne de la «mort propre», l'inaccomplissement rendu patent par la mort de l'autre homme. La thèse de l'article est que l'enjeu de la temporalité (relation extatique et appel infini de sens) en transgresse la condition (le corps et la mort). Mais cette transgression n'est philosophiquement interprétable que dans l'horizon de la mort: l'expérience du temps est donc aporétique, essentiellement.
58 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Jean-Yves Lacoste
L'esprit dans l'aporie du temps. Esquisse
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 85, N°65, 1987. pp. 22-79.
Citer ce document / Cite this document :
Lacoste Jean-Yves. L'esprit dans l'aporie du temps. Esquisse. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 85,
N°65, 1987. pp. 22-79.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1987_num_85_65_6439Abstract
In the present study an outline is given of a logic, then of an aporetic, of the experience of time. At the
intersection of the objective time of the world and of the time constructed in human consciousness, the
philosophy of the body, and hence the thought of death, makes it possible here to discuss the link which
unites interiority and exteriority. Confronted with Husserl's phenomenology, which thinks time while
forgetting death, Heidegger's phenomenology provides the theoretical means to measure
temporalisation by the facticity of being towards death. But by thinking the end under the category of
totalisation or of accomplishment, it appears that Heidegger raises difficulties which he leaves
unresolved. Precisely the end does not accomplish: which is shown not so much by Heidegger's
affirmation of one's «own death», but by the lack of accomplishment rendered manifest by the death of
the other man. The thesis of the article is that that which is at stake in temporality (extatic relationship
and infinite appeal of meaning) transgresses its condition (the body and death). But this transgression
can only be interpreted philosophically in the horizon of death: the experience of time is thus essentially
aporetic. (Transi, by J. Dudley).
Résumé
La présente étude esquisse une logique, puis une aporétique, de l'expérience du temps. A l'intersection
du temps objectif du monde et du temps construit dans la conscience, la philosophie du corps, et donc
la pensée de la mort, permet ici de thématiser le rapport qui unit intériorité et extériorité. Face à la
phénoménologie husserlienne, qui pense le temps dans l'oubli de la mort, la phénoménologie heidegge-
rienne donne les moyens théoriques de mesurer la temporalisation à la facticité de l'être vers la mort.
Mais en pensant la fin sous la catégorie de la totalisation ou de l'accomplissement, il semble que
Heidegger soulève des difficultés qu'il laisse irrésolues. La fin, précisément, n'accomplit pas: ce que
manifeste, plutôt que l'affirmation heideggerienne de la «mort propre», l'inaccomplissement rendu
patent par la mort de l'autre homme. La thèse de l'article est que l'enjeu de la temporalité (relation
extatique et appel infini de sens) en transgresse la condition (le corps et la mort). Mais cette
transgression n'est philosophiquement interprétable que dans l'horizon de la mort: l'expérience du
temps est donc aporétique, essentiellement.dans l'aporie du temps L'esprit
Esquisse
§1
Parmi les réalités dont il n'est pas simple de fournir le concept, le
présent figure en bon rang.
Pour l'expérience qui tente de rendre compte d'elle-même, le présent
est la dimension immédiate du temps, ou encore le temps qui est.
L'instant présent — xô vCv — est le lieu de toute conscience. Nous
avons un passé et aurons (peut-être...) un avenir. Mais c'est maintenant
que notre temporalité vient en question, et que nous nous révélons à
nous-mêmes comme essentiellement liés à la diachronie. Ce qui est
diffère de ce qui a été (et n'est plus), et de ce qui sera (et n'est pas
encore): l'instant présent, dit Aristote, est la limite — rcépaç — qui
sépare deux non-êtres1. Le privilège ontologique du présent est peu
contestable; et il semble s'assortir d'un égal privilège phénoménologique.
L'expérience habite nécessairement cette limite de l'être et du non-être:
la certitude expérimentale, de soi-même et du monde, est certitude de soi
comme existant maintenant, et du monde comme nous faisant mainte
nant face. La réalité a part liée avec Y actualité; la conscience actuelle, en
acte présent, est la condition élémentaire de toute expérience et de tout
savoir. Ce qui n'est plus, ou qui n'est pas encore, est concevable. Mais
son statut ontologique exclut qu'il soit le lieu d'une conscience. Il n'y a
de conscience que présente; rien ne se présente à elle que maintenant, et
elle n'est évidente à elle-même que dans cette même mesure. Le présent
est l'horizon de l'être, et de l'expérience.
Dans son interprétation de l'instant, Aristote remarque qu'il assure,
ou qu'il est, la continuité du temps, auvéxeia toO xpôvou2. Le présent
peut certes se définir négativement: il nie la double absence du passé et
de l'avenir. Mais le transit du passé vers l'avenir constitue plus qu'une
limite, et il appartient au présent de conclure le passé (il en est la
1 Physique IV, 218a 24,
2 Ibidem, 222a 10. dans l'aporie du temps 23 L'esprit
et d'inaugurer l'avenir (il en est l'àpxf|)3. Cette conclusion et
cette inauguration sont aristotéliciennement atomiques: la réalité du
temps réside dans l'instant et dans lui seul, le temps est interprété par le
Philosophe comme séquence d'instants discrets. Or, le temps pâti ou
éprouvé par la conscience (Aristote parle ici de perception, aiadavoucu)
ne peut s'accommoder d'une telle non-dimensionnalité. Le présent de la
conscience, que Husserl nomme «vivant», peut être réduit à une succes
sion d'atomes temporels. Mais cela n'est évidemment possible qu'en une
philosophie pour laquelle le temps, qui n'est certes pas étranger à la
conscience qui le «mesure», n'entretient pourtant avec elle qu'un rapport
secondaire. Aristote sait bien que même une conscience abstraite du
monde, et empêchée d'en percevoir les «mouvements», ne cesse pas de
percevoir le temps, se percevant elle-même comme lieu d'une activité
temporelle4. Le dogme de la discontinuité des présents lui interdit
pourtant d'aller plus loin. En revanche, si le propre du présent est, pour
la conscience, de posséder une épaisseur, l'instant ne saura valoir comme
autre nom du présent. On sait qu' Aristote n'utilise qu'un mot, et n'a
besoin que d'un mot: xo vOv. Mais si la continuité du temps, dans la
discontinuité des instants, figure à l'origine d'une recherche guidée par
l'expérience de la conscience, alors l'instant ne peut être tout le présent:
le présent cesse d'être l'horizon instantané de l'être.
Une entrée phénoménologique dans la question du temps suggère
donc que la réalité problématique du présent soit fondée sur la présence
de l'ego qui, dans le temps, fait l'expérience de soi et du monde, et assure
ainsi la continuité vécue du temps. Le propre de cette présence est
certainement de se déployer originairement selon les trois extases de la
temporalité. Il n'est en effet nulle expérience dont le présent soit unique
horizon, nul présent qui soit purement à notre disposition (sinon comme
présent fossile dont nous tenons les archives et faisons mémoire). La plus
simple intentionnalité dans laquelle nous nous intéressons à nous-
mêmes, ou à l'autre que nous, advient toujours selon un tel déploiement,
où passé et avenir contribuent intrinsèquement à la constitution du
présent. La pathologie du temps connaît peut-être des états de morcelle
ment dans lesquels l'instantané semble dispenser la conscience d'avoir un
passé et un avenir, et d'assurer elle-même la cohésion de son temps. L'on
ne peut toutefois élucider la présence d'un moi, à lui-même et au monde,
3 Ibidem, 220a 11.
4219a 4-6. Jean- Yves Lacoste 24
sans avoir à rendre compte du surplomb par la conscience présente de
son passé et de son avenir. Il est possible, en toute théorie pour laquelle
les mouvements mesurés, et non la conscience qui les mesure, constituent
le temps5, de ne pas penser le débordement du présent par la présence.
Mais la nécessité phénoménologique de penser l'un par la médiation de
l'autre nous est incontournable.
§2
II appartient ontiquement au moi d'avoir un passé (quelle
phénom&#

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