L historicité dans la philosophie contemporaine - article ; n°41 ; vol.54, pg 5-25
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1956 - Volume 54 - Numéro 41 - Pages 5-25
21 pages

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Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Albert Dondeyne
L'historicité dans la philosophie contemporaine
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 54, N°41, 1956. pp. 5-25.
Citer ce document / Cite this document :
Dondeyne Albert. L'historicité dans la philosophie contemporaine. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome
54, N°41, 1956. pp. 5-25.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1956_num_54_41_4859L'historicité
dans la philosophie contemporaine
C'est un fait facile à constater que le concept d'historicité oc
cupe une place de premier plan dans la pensée contemporaine.
Plus difficile, plus important surtout pour le philosophe, est de
préciser le sens de ce fait. C'est ce que nous essaierons de faire
par une série de démarches qui s'éclaireront mutuellement.
Nous allons, dans un premier paragraphe, nous demander ce
que le mot « historicité » veut dire dans le langage de la pensée
contemporaine, plus exactement — car c'est cela le sens d'un mot
— ce que les penseurs d'aujourd'hui entendent mettre en évidence
en faisant de ce mot un mot-clef, le préférant à d'autres, tels les
mots « devenir » et « durée », qui à première vue s'en approchent
assez fort et dont la vogue ne fut pas moindre il n'y a pas bien
longtemps.
Nous n'avons pas l'intention de nous attarder à élucider des
définitions nominales. En nous penchant sur le sens moderne du
terme « historicité », nous serons déjà dans le vif de notre sujet,
s' il est vrai que le sens d'un mot, c'est ce que l'auteur veut dire
au moyen de ce mot dans un contexte déterminé. Ce contexte
in casu n'est rien d'autre que la pensée philosophique d'aujourd
'hui, c'est-à-dire une certaine manière de remettre en question les
éternels problèmes de la pensée à partir d'une intuition centrale
et originale. Si le terme « historicité » a pu devenir un concept-clef,
c'est qu'il reflète d'une manière singulière l'intuition centrale qui
anime et oriente la pensée actuelle et fait que le penseur d'aujour
d'hui a quelque chose à nous dire. D'où la question qui fera l'objet
du second paragraphe : quelle est la place de l'idée d'historicité
dans la pensée contemporaine ? Cette place est centrale. Mais
qu'est-ce qu'un « centre » en philosophie ? En réalité, ce second
paragraphe ne fera que prolonger le premier, il nous permettra de Albert Dondeyne 6
mieux nous rendre compte de tout ce que la pensée actuelle entend
évoquer et faire apparaître à travers le concept d'historicité.
Affirmer que l'historicité est au centre de la réflexion philo
sophique, c'est dire qu'elle ne représente pas simplement un thème
parmi d'autres. Nous devons nous attendre à la voir partout pré
sente, sous- tendant le travail philosophique d'un bout à l'autre, à
la manière d'une inspiration créatrice, qui renouvelle les vieux
problèmes et en soulève de nouveaux. C'est ce que, dans notre
troisième paragraphe, nous pourrons vérifier à la lumière de quel
ques exemples, relevant principalement de la théodicée.
§ I . Le sens du terme « historicité ».
Qu'entend-on par « historicité » dans le langage philosophique
contemporain ? Disons d'abord ce que ce mot ne veut pas dire.
1 . u Historicité » n'est pas synonyme de « «fugacité ». Ce serait
ne rien comprendre à la pensée actuelle, si on confondait le sens
de la dimension historique qui caractérise notre époque, avec le
« fugit irreparabile tempus » du poète, ou le « vanitas vanitatum,
omnia vanitas » de l'Ecclésiaste, ou le « tout passe » des prédi
cateurs de retraites. Le sentiment de l'instabilité et de l'inconsistance
des choses terrestres est le fait d'une conscience tournée vers le
passé ou hantée par l'Absolu. Le sens moderne de l'historicité
suppose une conscience qui, pour s'engager dans le présent, se
projette vers l'avenir. Non pas que la pensée moderne ignore ou
sous-estime le passé, mais il est deux façons d'envisager le passé :
si on le considère comme une retombée dans le néant, ce qui « a
été » n'est plus en aucune manière ; mais le passé est aussi ce qui
a été présent et contribue à nous ancrer dans le présent, grâce à
un processus de « rétention » et de « réactivation ». S'il est vrai que
Platon n'est plus, il n'est pas moins vrai qu'il reste encore vivant
parmi nous et que, sans le « divin Platon », la philosophie occi
dentale ne serait pas ce qu'elle est en ce moment : notre sensibilité
pour le mystère de l'Etre serait vraisemblablement plus grossière,
plus terre à terre, l'expérience de notre présence dans l'être n'aurait
pas la même densité ni la même profondeur spirituelles, et notre
parole sur l'être, notre ontologie, n'aurait pas la même authenticité,
la même puissance de vérité. C'est pour marquer ces deux manières
d'envisager le passé que Heidegger distingue le passé comme « Ver- dans la philosophie contemporaine 7 L'historicité
gangenheit » et le passé comme o was gewesen ist », avec l'accent
sur « ist ».
2. « Historicité » n'est pas non plus synonyme du concept, fort
répandu dans les milieux néoscolastiques, de « motus » (en français :
« changement », « mouvement »), au sens le plus large de ces mots,
c'est-à-dire au sens d'« apparition d'une détermination nouvelle,
quelle qu'elle soit ». Ainsi entendu, le terme « motus » est à peine
un concept, mais plutôt un scheme linguistique. En effet, envelopper
sous un même vocable, aussi insignifiant que celui de « détermi
nation nouvelle », des événements aussi disparates que le déplace
ment local, le changement qualitatif, la réflexion philosophique, la
création artistique, la réponse à l'appel du devoir, la fidélité à Dieu,
c'est s'arrêter au côté extérieur de ces événements et laisser dans
l'ombre ce qui importe avant tout, à savoir le contenu interne de
ce qui apparaît. Nous avons à faire à un terme qui jouit d'une
extension quasi illimitée, mais dont la compréhension, c'est-à-dire
la vertu intelligible et dévoilante, est devenue presque nulle. En
termes plus simples, le concept de « motus » ainsi compris ne parle
guère à l'intelligence, il n'aborde le réel que de très loin, ne jette
que bien peu de lumière sur la structure interne du réel ; il est
« insignifiant » au sens étymologique du terme (1). Quoiqu'il en soit,
tout autre est le concept d'historicité, il sert à désigner la manière
d'être propre de l'homme.
3. Plus riche déjà que cette vague notion de « motus » est le
concept de devenir : il nous introduit dans le monde de la vie et
sert à désigner non plus n'importe quel surgissement de détermi
nation nouvelle, mais la manière d'être et d'apparaître propre au
vivant. Or, ce qui caractérise le vivant c'est l'actualisation progress
ive de ce qui était déjà présent en germe. « Le gland devient
chêne », « l'enfant devient adulte » ; « deviens ce que tu es », disait
Goethe. Dans toutes ces expressions le mot « devenir » évoque i
ndubitablement l'idée de développement, d'évolution, d'éclosion. Il
s'agit d'un événement où le terminus ad quem est comme pré-
<1J Ceci ne veut pas dire que le terme « motus » n'est pas capable de revêtir
un sens métaphysique, c'est-à-dire un sens qui se situe au niveau de l'inte
rrogation sur l'être et nous permet de dire certaines choses sur la nature profonde
de l'être. Seulement un sens métaphysique n'est jamais un sens vague et sché
matique — la métaphysique étant une reconquête du concret — mais un sens
qui enveloppe et dépasse des significations infra-métaphysiques. La même chose
peut se dire des termes c devenir i et i nature > que nous abordons plus loin. Albert

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