L instant et le temps selon Aristote (Physique IV, 10-14, 217 b 29 - 224 a 17) - article ; n°90 ; vol.66, pg 213-238
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L'instant et le temps selon Aristote (Physique IV, 10-14, 217 b 29 - 224 a 17) - article ; n°90 ; vol.66, pg 213-238

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Revue Philosophique de Louvain - Année 1968 - Volume 66 - Numéro 90 - Pages 213-238
26 pages

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Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Hervé Barreau
L'instant et le temps selon Aristote (Physique IV, 10-14, 217 b
29 - 224 a 17)
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 66, N°90, 1968. pp. 213-238.
Citer ce document / Cite this document :
Barreau Hervé. L'instant et le temps selon Aristote (Physique IV, 10-14, 217 b 29 - 224 a 17). In: Revue Philosophique de
Louvain. Troisième série, Tome 66, N°90, 1968. pp. 213-238.
doi : 10.3406/phlou.1968.5431
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1968_num_66_90_5431L'instant et le temps selon Aristote
(Physique IV, 10-14, 217 b 29 - 224 a 17)
En ce qui concerne l'instant, la doctrine aristotélicienne peut
se résumer par cette citation : « L'instant est, en un sens, le même,
et, en un autre sens, pas le même ; en effet, en tant qu'il est en telle
et telle situation, il est différent (c'est le 'ce qui fait être' pour l'instant),
mais en tant que l'instant s'identifie avec son substrat (ô ttot€ 6v), il
est le même» (219 b 12-15).
Il y a donc contradiction entre les deux aspects de l'instant.
Cette contradiction s'exprime en de multiples oppositions : celle du
o Trore 6v et du ri rjv eîvai, celle de l'instant-présent (ro vvv) et de
l'antérieur-postérieur, celle de la Kmite (ttc/hiç) et du nombre nombrant,
celle du continu et de la division en puissance, celle de la ligne et du
point. Il nous semble que ces multiples oppositions peuvent se résumer,
de façon schématique, en celle de la continuité (durée) et de la limite
(succession pure).
1. L'instant-limite et l'instant-nombre.
Reprenons les deux aspects, tels qu'ils sont présentés dans la
citation précédente :
Par le premier aspect, l'instant s'identifie avec son substrat,
c'est-à-dire avec le contenu d'un présent quelconque (o irore ôv), qui est
toujours identique à lui-même, serait-il révolu. Cet aspect de l'instant
se communique au temps lui-même : « Le temps tout entier, pris d'une
pièce, est le même; car l'instant est le même quant à son substrat»
(219 b 10-11).
Par le second aspect, l'instant se diversifie en antérieur et postér
ieur. L'instant est différent, selon qu'on lui applique la qualification
d'antérieur et de postérieur; et cette qualification lui confère son
statut d'instant, car l'essence (ro ri fjv cîvcu) de l'instant, c'est d'être 214 Hervé Barreau
toujours autre. Ainsi il faut admettre que, de ce point de vue, l'anté
rieur et le postérieur sont pour Aristote, des instants. Il le dit expressé
ment, à diverses reprises : « quand nous distinguons l'une et l'autre
extrémité de leur milieu, et que l'âme dit qu'il y a deux instants
(8vo ... rà vvv), l'antérieur et le postérieur, alors nous disons que cela
est du temps » (219 a 27-29). Plus loin : « quand nous percevons l'instant
comme unique, et non comme antérieur et postérieur dans le mouve
ment, ou comme le même, mais fin de l'antérieur et commencement
du postérieur, il semble qu'il n'y a pas eu de temps, parce qu'il n'y a
pas eu de mouvement» (219 a 30-33). Il est clair que ce qu' Aristote
décrit dans le passage dernier cité c'est la temporalité; c'était clair
aussi dans le antérieurement cité, où Aristote fait mention
de l'âme, dans laquelle l'esprit (vorjaafiev) distingue l'antérieur du
postérieur, par simple réflexion sur le cours de l'âme. Cette précision
est importante pour saisir le caractère véritable de l'analyse d' Aristote.
Citons encore deux passages, où l'antérieur et le postérieur sont pré
sentés comme spécifiant les instants : « En tant que l'antérieur et le
postérieur sont nombrables, on a l'instant» (219 b 25 repris dans
219 b 28) ; enfin : « le temps est nombre non en tant que nombre
nombrant, mais comme nombre nombre. Et celui-ci se produit, anté
rieur et postérieur, toujours autre, car les instants sont différents»
(220 b 9-10).
Reconnaissons que l'identification de l'instant avec l'antérieur-
postérieur, en tant que l'instant est divers, se heurte à une objection :
le temps n'est pas composé d'instants, pour Aristote. Tel est le principe
de sa critique des arguments de Zenon (Phys., VI, 9). Un continu
n'est pas composé d'indivisibles, qu'il s'agisse d'une grandeur spatiale,
d'un mouvement ou d'un temps. Aristote manifeste déjà cette propriété
du continu dans son étude sur le temps et l'instant : « il est évident
que ni l'instant n'est une partie du temps, ni la division (du mouvement)
une partie du mouvement, ni les points des parties de la ligne ; ce sont
les lignes, les deux, qui sont les parties de la ligne unique » (220 a 18-21).
Cette objection, pourtant, n'est pas insurmontable. Et Aristote
lui-même semble la dissiper, puisque tout à la suite du passage préc
édemment cité, il ajoute : « donc, en tant que limite, l'instant n'est pas
du temps, mais un accident du temps; mais en tant qu'il nombre,
il est nombre» (220 a 21-22). Comme antérieur-postérieur, l'instant
ne fait pas partie du temps; son rôle est celui d'une limite. Mais ce
n'en est qu'un aspect; l'instant présente un aspect contraire, celui
que nous sommes tenté d'appeler « intervalle ». Bien qu'il n'identifie L'instant et le temps selon Aristote 215
jamais l'instant et l'intervalle, Aristote parle pourtant une fois de
l'intervalle (ia€t<x£v) d'une façon qui peut prêter à équivoque.
Il faut citer en effet un passage, dont nous avons déjà extrait
une partie, à propos de l'antérieur et du postérieur comme instants-
limites : « nous déterminons et le en les prenant
tous les deux autres, et en ménageant entre eux un intervalle lui-même
différent d'eux; en effet, quand nous distinguons l'une et l'autre
extrémité de leur milieu et que l'âme dit qu'il y a deux instants,
l'antérieur et le postérieur, alors nous disons que cela est du temps;
en effet, ce qui est déterminé par l'instant semble bien du
considérons cela comme acquis» (219 a 25-30). Dans ce texte, l'in
stant, dont il est question, ce n'est pas l'intervalle, c'est l'antérieur
ou le postérieur. Cela est manifeste par le contexte, qui a été déjà
cité : 219 a 30-33 (cf. supra, p. 214). Cela ressort aussi d'un autre
passage : « il est manifeste que, s'il n'y avait pas de temps, il n'y aurait
pas d'instant, et s'il n'y avait pas d'instant, il n'y aurait pas de temps »
(219 b 33 - 220 a 1) ; ce qui peut se traduire : s'il n'y avait pas d'inter
valle, il n'y aurait pas de limite, et s'il n'y avait pas de limite, il n'y
aurait pas d'intervalle. On voit qu' Aristote appelle toujours l'intervalle
«temps» et non «instant». Cependant, comme nous l'avons déjà
noté, l'instant n'est pas seulement limite, il est nombre; et c'est là
que s'applique l'objection précédente, car s'il est clair que l'instant-
limite n'est pas une partie du temps, pas plus qu'un point n'est une
partie d'une ligne, que dira-t-on du nombre, qui se retrouve dans des
mouvements différents pour égaler leur temps? Aristote présente
lui-même cette opposition : «les limites appartiennent uniquement
à cela dont elles sont les limites, mais le nombre, par exemple celui
de ces chevaux, le nombre dix, se trouve aussi ailleurs » (220 a 23-24).
Cet instant-nombre est donc nombre nombrant par opposition à
l'instant-limite qui est nombre nombre. Aristote ne pose pas explicit
ement cette dernière opposition, qui est embarrassante, dans la mesure
où elle oblige de passer de la temporalité subjective au temps objectif;
or, nous le verrons, Aristote ne signale pas explicitement ce passage.
Ainsi les analyses aristotéliciennes de l'instant n'évitent la contra
diction qu'à la condition de laisser incertains quelques-uns de leurs
prolongements nécessaires. Cela est manifeste s'il s'agit du nombre.
Deux textes qui précèdent de peu le texte embarrassant restent, en
effet, en retrait par rapport à celui-ci. Le premier développe une
remarque antérieure : «l'instant mesure (/Lterpeî) le temps,

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