La genèse du Plotinisme - article ; n°40 ; vol.53, pg 469-481
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1955 - Volume 53 - Numéro 40 - Pages 469-481
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Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 37
Langue Français

Extrait

Jean Trouillard
La genèse du Plotinisme
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 53, N°40, 1955. pp. 469-481.
Citer ce document / Cite this document :
Trouillard Jean. La genèse du Plotinisme. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 53, N°40, 1955. pp. 469-
481.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1955_num_53_40_4573La genèse du Plotinisme
Chaque philosophe a plusieurs visages. Il y a celui que les
nécessités ou les facilités de la vulgarisation lui imposent. Il y a
les interprétations des spécialistes entre lesquels l'accord serait un
miracle. Plotin n'échappe pas à cette loi. Les manuels pressés lui
ont composé une physionomie qui n'est guère acceptée des histo
riens avertis. Ces derniers ne s'entendent pas pour autant sur la
manière de la redresser.
L'interprétation a exotérique » de Plotin est descendante ou
synthétique. Elle aboutit au sensible en partant de l'Un souvent
nommé l'Etre, à contresens. Elle est purement spéculative, prêtant
à l'Alexandrin une distinction qui lui est étrangère entre vision du
monde et méthode de salut. Elle est enfin beaucoup plus cosmol
ogique que reflexive.
Souvent en effet Plotin semble vouloir expliquer l'homme à
partir du cosmos beaucoup plus que comprendre l'univers du point
de vue de l'esprit. On trouve dans les Ennéades des résumés
presque scolaires tels que celui-ci: . .
« II faut admettre d'abord l'Un au delà de l'être, tel que notre
exposé s'est efforcé de le découvrir, autant qu'il est possible de
démontrer en ce domaine ; ensuite il faut poser l'être et l'esprit
(voOç), enfin en troisième lieu, l'ordre de l'âme, comme on l'a fait
voir. Puisque ces trois ordres appartiennent à la structure du réel,
il faut admettre qu'ils sont également en nous» (VI. 1. 10),
Plus encore que 1' enumeration descendante, la finale peut in
quiéter: ôarcep èv rfl cptiaei ... oQxa) ... xat uap'^juv. On semble traiter
«l'homme intérieur» (V. I. 10") comme un objet qu'on peut
rejoindre à partir de principes généraux. On a beau jeu alors
d'opposer au sein du plotinisme la rationalité de l'univers et les
exigences de l'âme, la nécessité et la liberté, la dialectique et la
mystique. Les composants de la doctrine se disloquent et se heur-
tent les uns contre les autres. C'est sans doute le signe qu'on a
perdu leur principe d'unité. 470 Jean Trouillard
On a reproché — injustement d'ailleurs — à Spinoza de nous
faire comprendre tout sauf le spinozisme. Le Dieu de l'Ethique
ne parviendrait pas à rejoindre l'homme (1). Il arrive en effet qu'un
certain type de philosophie escamote le rapport entre celui qui
philosophe et ce sur quoi il philosophe. Le penseur s'installe hors
de l'homme, dans un voûç conçu comme exclusivement transcen
dant ; et, de ce point de vue triomphant, il traite l'homme comme
une espèce ou comme une essence, il en trace les lois ainsi qu'il
le ferait pour n'importe quel objet de la nature. Cherchant à se
connaître, le philosophe ne doute pas un instant qu'il ne puisse
se porter tout entier devant soi-même comme un spectacle, et gagner
assez de recul et de détachement pour expliquer même son propre
essai d'explication. Le moi scruté est traité comme l'adéquate re
présentation du je scrutant, et la connaissance de l'objet passe tout
entière, croit-on, dans l'objet de la connaissance. Le sujet ontolo
gique affirmé est censé identique au sujet noétique affirmant.
On poserait volontiers à un tel penseur la question qui est au
centre de la méditation de Heidegger:
« Sommes-nous sur la bonne voie pour découvrir l'essence de
l'homme lorsque nous définissons l'homme et aussi longtemps que
nous le définissons comme un vivant parmi d'autres vivants ?... Par
là, l'essence de l'homme... n'est point pensée dans sa provenance
essentielle » (2).
Qu'on puisse cueillir dans les Ennéades peu ou beaucoup de
texes favorisant l'interprétation objectiviste du plotinisme, cela est
secondaire. L'essentiel est de savoir comment l'Alexandrin entendait
justifier le contenu de ces textes. Ce qui compte avant tout, ce n'est
pas la matérialité d'une assertion, mais le procédé qui la valorise.
Il faut donc retrouver la genèse logique du système ou la démarche
qui, permettant d'en harmoniser toutes les parties, fait l'unité de
la doctrine et de la méthode.
1.
Les lecteurs de Plotin ne sont plus déconcertés aujourd'hui,
comme au siècle dernier, par l'alliance de la philosophie et de la
<*» Roland CaiLLOIS, Œuvres complètes de Spinoza, Paris, N. R. F., 1954,
pp. 43-44.
<*> Lettre sur l'humanisme, dans Cahiers du Sud, 40e année, 319, p. 393. La genèse du Plotinisme 417 \
mystique. Ce qui demeure pour la plupart un problème, c'est une
philosophie qui débouche sur la mystique. Comment un effort mor
al, une dialectique, un recueillement, un renoncement, si poussés
soient-ils, pourraient-ils aboutir à cet état supra-rationnel qu'on
nomme communément a extase » (3) ? Regardons en face la diff
iculté majeure du système. Nous en tirerons peut-être notre meilleure
clarté.
L'extase est, au sens ontologique, une solitude radicale. Dans
ce « seul à seul », la solitude de l'être procédant n'est pas diffé
rente de celle du Principe. C'est une simplicité qui surmonte toute
altérité et toute relation: Suzcpopàv ... oôSspiav Tcpèç éauxèv îyiùv ofrce
xatà &Xka. (VI. 9. H8). C'est donc littéralement un accès à I*« ab
solu », c'est-à-dire à un état « délié » de toute négation. On ne
voit pas comment exclure ici une entrée dans le mystère de l'Un,
puisque la simplicité ne saurait être multiple et que toute addition
la pervertirait (4).
« Coetera prorsus deponere débet, traduit Ficin, et in eo solo
consistere Deusque fieri tantum (toOto ysveafrai \l6vov) » (VI. 9. 951).
Dans la théologie négative du Parménide, l'Alexandrin aper
çoit une possession divine, une inspiration mystique (V. 3 14). Mais
plus on porte haut l'extase, plus on s'étonne que l'ascèse puisse
y introduire.
Une manière de tourner la difficulté consiste à faire valoir que
notre effort, d'après Plotin, ne suffit jamais à nous procurer la
consommation mystique. Celle-ci demeure rare et imprévisible.
Nous pouvons en poser les conditions. Il faut encore « une venue »
(t^%iq npàç aôxVjv), « une manifestation » (irapôv çav^j) qui sont de
« bonnes fortunes » (efavyi]a"Q •}] fyvx*Ù (V~I. 7. 348), qui se réalisent
« soudain sans qu'on sache comment » (VI. 7. 3619). Nos préparat
ions ne nous garantissent jamais ce couronnement gratuit. Il re
quiert une emprise supérieure de la divinité (5>.
<*' J'emploie le mot « extase » pour me conformer à l'usage, mais ce terme
est déficient en tant qu'il exprime exclusivement la transcendance de l'état mys
tique et le bouleversement que cet état entraîne dans le sujet. Plotin use de ce
vocable une seule lois dans ce sens: VI. 9. 112*. Le meilleur terme serait peut-
être à'itXuxiti; qui vient tout de suite après.
« Cf. V. 3. 12"; V. 5. 4», 13»; VI. 7. 38, 41"; VI. 8. 8.
C) « En renonçant à soi-même, le voûç s'abandonne à une action supérieure,
accueille une influence qui vient d'en haut et rend possible l'union ». René ARNOU,
Contemplation, dans Dictionnaire de spiritualité (Beauchesne, 1950), XIII, col.
1730 et sq. Jean Trouillard 472
Mais alors on ne peut se défendre de trouver étranges ces
interventions intermittentes de l*Un apportant à l'esprit une nou
veauté si radicale et si précaire. De telles ruptures et de telles in
trusions semblent contraires au genre d'intelligibilité que Plotin
cultive et qui est celui de plans de vie irréductibles, mais im
manents et permanents. Si la mystique est un accident, c'est-à-dire
quelque chose de surajouté et d'instable, une addition plus qu'un
approfondissement, on voit mal le lien de l'extase et des nive

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