La « politisation » de la métaphysique idéaliste: le cas de Fichte - article ; n°16 ; vol.72, pg 678-712
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1974 - Volume 72 - Numéro 16 - Pages 678-712
This article fits into the framework of an investigation into the validity of the idealist method in politics. It examines the system of Fichte from this particular viewpoint and notes that the juridico-political philosophy of Fichte is very different from what its author would have wished. Far from being deduced from general metaphysics and therefore imprinted with absolute certainty, this doctrine of the State is elaborated inductively in order to meet the immediate requirements of an empirically determined political situation. Thus Fichte ends up with the opposite result to that which he anticipated : it is politics which — logically speaking — takes precedence over metaphysics and makes the latter run the risk of empiric contaminations. This discord between word and action in a typically idealist manner of proceeding suggests the idea that the a priori deduction of politics is an illusory guarantee because it is in reality impracticable. It stimulates further historic research of the same type and a fundamental criticism of political reason.
Cet article s'insère dans le cadre d'une recherche sur la validité de la méthode idéaliste en politique. Il examine le système fichtéen sous ce jour particulier et constate que la philosophie juridico-politique de Fichte est très différente de ce que son auteur aurait voulu qu'elle fût. Loin d'être déduite de la métaphysique générale et donc empreinte d'une certitude absolue, cette doctrine de l'État est élaborée « inductivement » pour répondre aux exigences immédiates d'une situation politique empiriquement déterminée. Fichte aboutit ainsi au résultat inverse de celui qu'il escomptait : c'est la politique qui prend — logiquement parlant — le pas sur la métaphysique et fait courir à celle-ci le risque de « contaminations empiriques». Cette discordance entre le dire et le faire dans une démarche idéaliste typique suggère l'idée que la déduction a priori de la politique est une garantie illusoire parce qu'elle est impraticable en fait. Elle incite à d'autres recherches historiques du même type et à une critique fondamentale de la raison politique.
35 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre-Philippe Druet
La « politisation » de la métaphysique idéaliste: le cas de Fichte
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 72, N°16, 1974. pp. 678-712.
Citer ce document / Cite this document :
Druet Pierre-Philippe. La « politisation » de la métaphysique idéaliste: le cas de Fichte. In: Revue Philosophique de Louvain.
Quatrième série, Tome 72, N°16, 1974. pp. 678-712.
doi : 10.3406/phlou.1974.5814
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1974_num_72_16_5814Abstract
This article fits into the framework of an investigation into the validity of the idealist method in politics. It
examines the system of Fichte from this particular viewpoint and notes that the juridico-political
philosophy of Fichte is very different from what its author would have wished. Far from being deduced
from general metaphysics and therefore imprinted with absolute certainty, this doctrine of the State is
elaborated "inductively" in order to meet the immediate requirements of an empirically determined
political situation. Thus Fichte ends up with the opposite result to that which he anticipated : it is politics
which — logically speaking — takes precedence over metaphysics and makes the latter run the risk of
"empiric contaminations". This discord between word and action in a typically idealist manner of
proceeding suggests the idea that the a priori deduction of politics is an illusory guarantee because it is
in reality impracticable. It stimulates further historic research of the same type and a fundamental
criticism of political reason.
Résumé
Cet article s'insère dans le cadre d'une recherche sur la validité de la méthode idéaliste en politique. Il
examine le système fichtéen sous ce jour particulier et constate que la philosophie juridico-politique de
Fichte est très différente de ce que son auteur aurait voulu qu'elle fût. Loin d'être déduite de la
métaphysique générale et donc empreinte d'une certitude absolue, cette doctrine de l'État est élaborée
« inductivement » pour répondre aux exigences immédiates d'une situation politique empiriquement
déterminée. Fichte aboutit ainsi au résultat inverse de celui qu'il escomptait : c'est la politique qui prend
— logiquement parlant — le pas sur la métaphysique et fait courir à celle-ci le risque de «
contaminations empiriques». Cette discordance entre le dire et le faire dans une démarche idéaliste
typique suggère l'idée que la déduction a priori de la politique est une garantie illusoire parce qu'elle est
impraticable en fait. Elle incite à d'autres recherches historiques du même type et à une critique
fondamentale de la raison politique.«politisation» La
de la métaphysique idéaliste :
le cas de Fichte (1)
i
De toutes les disciplines philosophiques, la politique est la plus
sujette aux contaminations empiriques (2). Certes « sujet à» ne signifie
pas nécessairement « victime de ». Cela explique sans doute pourquoi,
alors que la réflexion politique est autocritique comme tout savoir
philosophique, nul grand philosophe n'a admis que sa politique valait
seulement hic et nunc. Le danger de contaminations empiriques est
cependant réel et menace la démarche philosophique sous toutes ses
formes : rien n'est moins évident que la capacité d'un individu à trans
cender les limites multiples qui sont inhérentes à son individualité et à
parvenir à une vérité universelle, nécessaire et éternelle, en un mot à
une vérité absolue.
Mais on peut admettre qu'en métaphysique, par exemple, le
caractère « désintéressé » de la recherche et sa nature contemplative
favorisent l'accès à une sorte d'objectivité transcendante (3). Il n'en va
pas de même en politique. Celle-ci prend en effet pour objet la vie en
commun dans l'histoire (4). Elle est ce savoir pratique, normatif, qui
choisit parmi les possibles de l'être-en-ccmmun, définit à l'action
commune des fins à atteindre et les moyens de parvenir à ces fins. La
perfection qu'elle cherche à promouvoir consiste dans un ordre extérieur,
(!) Cet article s'inspire de notre thèse de doctorat, intitulée : De V anarchie à la
dictature éducative : politique et métaphysique chez Fichte. Il en résume la signification
historique, une interprétation nouvelle du fichtéanisme, et en développe les aspects
systématiques, éléments pour une théorie critique de la politique idéaliste.
(2) Nous parlons de « contaminations » et plus loin de « danger », non en vertu d'une
position personnelle, mais bien en raison d'un état de fait dans l'histoire de la philosophie.
(3) À ces éléments favorables qui tiennent à la nature du savoir métaphysique, il
faudrait ajouter bien sûr l'emploi de certaines méthodes propres à réduire le rôle de la
<< subjectivité perverse », la méthode transcendantale par exemple.
(4) Cf. É. Weil, Philosophie politique, Paris, Vrin, 1956, introduction et passim. La « politisation » de la métaphysique idéaliste 679
temporel et, pour ainsi dire, matériel (5). Or il est clair, d'une part, que
la liberté incarnée dans l'être historique n'est pas la liberté en soi du
métaphysicien, voire celle du moraliste, mais une liberté profondément
aliénée, dont les possibles sont, en partie au moins, déterminés par cette
histoire (6). C'est-à-dire que le modèle idéal de la vie libre en commun ne
peut être construit sans relation aucune à une situation historique
déterminée, sauf à se cantonner dans des généralités si abstraites et si
formelles qu'elles en perdent toute valeur pratique. D'autre part, il
nous paraît douteux que le penseur politique puisse jongler avec les
intérêts matériels (économiques par exemple) des autres, mais aussi
avec les siens propres, en conservant une objectivité parfaite et sereine.
Qu'aurait été la « République » si Platon était né métèque ?
Dans l'absolu, rien n'exige évidemment que la philosophie, et plus
spécialement la politique, échappe à tout enracinement historique et
existentiel (psychologique). Pourquoi, par exemple, telle ou telle
philosophie ne pourrait-elle être la sagesse de telle ou telle époque,
voire de telle ou telle « cité » ? Mais nous devons reconnaître que la
plupart des philosophes en ont jugé autrement. In actu, leur démarche
postule l'existence d'une venté en soi, d'une vérité absolue, en même
temps que la possibilité pour le philosophe de tenir le discours universel
et nécessaire. Leur politique en particulier prétend édifier le modèle de
l'Etat idéal et proposer la seule constitution conforme à la raison,
étant entendu que ces dispositions valent pour toute communauté
politique possible. Mais, malgré leur optimisme rationaliste et épistémo-
logique, ces penseurs n'ont pu ignorer le problème de l'enracinement
empirique de la politique. Ils y ont apporté des solutions très diffé
rentes (7).
Les philosophes idéalistes ont tenté de garantir leur politique de
toute influence empirique en la rattachant à leur métaphysique par un
lien déductif strict (8). Ils ont fait de la politique un savoir pur a priori.
Ils menaient ainsi une seule et même démarche synthétique du principe
absolu, certain par lui-même, qui garantit la validité du savoir méta
physique, jusqu'aux plus lointaines conséquences de la philosophie
(5) « Matériel » par opposition à la fois à « spirituel » et à « formel ».
(6) Cf. J. Pestibaxt, Essai contre le défaitisme politique, Montréal, 1973, pp. 9-14.
(7) Nous ne parlerons pas ici du réalisme et de la distinction qu'il établit entre les
méthodes du savoir théorique et du savoir pratique.
(8) Nous employons toujours le concept de « déduction » dans le sens précis où il
s'oppose à « induction ». 680 Pierre-Philippe Druet
appliquée. Mais, en procédant de la sorte, ils n'ont fait que déplacer la
question. À vrai dire, ils l'ont même compliquée. En effet, même si nous
admettons que le lien entre métaphysique et politique est légitime et
suffit à garantir la pureté épistémologique de la politique, nous pouvons
faire por

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