Les exigences de l ordre artistique - article ; n°83 ; vol.21, pg 261-280
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1914 - Volume 21 - Numéro 83 - Pages 261-280
20 pages

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Publié le 01 janvier 1914
Nombre de lectures 14
Langue Français
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Extrait

Maurice De Wulf
Les exigences de l'ordre artistique
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 21° année, N°83, 1914. pp. 261-280.
Citer ce document / Cite this document :
De Wulf Maurice. Les exigences de l'ordre artistique. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 21° année, N°83, 1914. pp.
261-280.
doi : 10.3406/phlou.1914.2216
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1914_num_21_83_2216XIV.
LES EXIGENCES
DE
L'ORDRE ARTISTIQUE
I. — L'ordre ;
Quelqu'un veut mettre de l'ordre dans sa bibliothèque.
Comment procédera-t-il ? Ira-t-il entasser pêle-mêle livres
et revues, brochures et cartons, comme un déménageur qui
charge sa voiture ? Ce serait non de l'ordre, mais du chaos.
Au contraire, il choisira un principe de classement ou un
principe d'ordre, par exemple, la question ou la science
traitée dans ses divers documents. Quand il aura groupé
les ouvrages de droit, les livres de voyage, les romans, les
publications d'art, etc., il aura mis de l'ordre dans sa
bibliothèque.
Cet exemple permet de comprendre qu'un ordre quel
conque comporte :
1° Une multiplicité d'éléments ou de matériaux sur les
quels l'ordre régnera. Le simple n'est pas ordonnable :
celui qui ne possède qu'un livre ne saurait ordonner sa
bibliothèque l) ;
*) Extrait d'une Philosophie de Part, en préparation.
*) Ordo in ratione sua includit tria, scilicet : ... distinctionent, quia non
est ordo aliquorum nisi distinctorum. Thomas d'Aquin, Commentum
in Lib. I Sentent, dist. XX, q. 1, art. 3.
18 262 M. De Wulf
2° Une réduction à l'unité suivant un principe choisi et
qu'on appelle principe de classement, d'unité ou d'ordre l).
Il est aisé de voir que le principe unificateur spécifie l'ordre
et que l'ordre se transforme avec lui. Au lieu de choisir la
science ou l'objet traité, on peut ranger les livres d'une
bibliothèque d'après leur langue, leur format, ou même la
couleur de leur reliure. Et aussitôt tout change de place ;
un ordre nouveau apparaît.
Le principe de classement adopté par l'un n'est pas celui
auquel un autre s'arrête, et l'ordre semblera du désordre à
qui ne comprendra pas l'idée qui l'inspire. Un avocat, un
professeur trouvera sa table de bureau en ordre quand les
documents, livres, fiches, fardes sont disposés en fonction
des travaux qu'il a sur le métier ; pour le valet de chambre,
au contraire, cette disposition des matériaux est un non-
sens, et tous ceux qui ont un bureau d'études chargé savent
qu'une consigne sévère peut seule interdire aux gens de
service d'ordonner les documents d'après le format des
livres, l'importance des fardes, la dimension des papiers.
Ordonner est donc pour l'intelligence humaine une façon
d'étreindre le réel, de le dominer. Le principe d'unité est
un contenu intellectuel, une détermination ou manière
d'être (ratio) qui appartient à chacun des éléments ordon-
nables et que l'ordonnateur dégage, abstrait, dans les maté
riaux sur lesquels s'étendra la royauté de son idée unifica
trice.
Il en résulte que le nombre des matériaux est sans action
sur la nature de l'ordre : une fois le principe unificateur
arrêté, celui-ci s'applique à une bibliothèque de cinquante
volumes comme aux riches dépôts publics où les livres se
chiffrent par millions.
Puisque le principe de classement est une conception de
a) Includit etiam tertio rationem ordinis, ex qua etiam ordo in speciem
contrahitur. Unde unus est ordo secundum locum, alius secundum digni*
tatem, alius secundum originem et sic de aliis. Ibid. Exigences de V ordre artistique 263 Les
l'intelligence, il en résulte encore que l'ordre n'est jamais
arbitraire.
L'intelligence est amoureuse d'unité, et elle s'y complaît.
D'instinct elle classe et groupe autour d'un centre, et cela
est si vrai qu'à défaut d'unité réelle, elle établit dans les
choses une unité factice. Inversement le désordre nous
choque et nous fait souffrir. Le bibliothécaire soufre de
voir déranger ses livres, car il sait qu'un livre déplacé est
un livre sur lequel son empire a cessé de s'étendre.
L'ordre comporte enfin :
3° Une certaine variété, c'est-à-dire que les éléments
ordonnés doivent porter en eux, à des degrés divers 1), le
caractère commun que l'intelligence choisit comme principe
d'ordre. Tous les livres d'une bibliothèque scientifiquement
ordonnée ne s'occupent pas de la même science, et dans
une même science, le droit, p. ex., les ouvrages n'ont pas
tous la même valeur et la même importance.
Varié ne veut pas dire disparate. La variété suppose des
éléments communs, tandis qu'il n'y a que diversité dans les
choses disparates, ce qui rend impossible toute réduction
à l'unité.
Après ce qu'on vient de dire on peut définir l'ordre :
la réduction à V unité d'éléments multiples suivant un prin
cipe ou une raison commune.
*
* *
Le champ de l'ordre est vaste comme celui de l'être. Tout
le réel, tout le conçu est susceptible d'être ordonné. En
s'inspirant des matériaux ou du substratum ordonnable, on
peut établir de multiples divisions de l'ordre. Voici les
deux principales :
*) Rationem prioris et posterioris ; unde secundum omnes illos modos
potest dici esse ordo aliquorum, secundum quos aliquis altero prius
dicitur et secundum locum et tempus et secundum omnia
huiusmodi. Ibid. 264 M . De Wulf
1° Quand on dispose des connaissances — idées et juge
ments, — l'ordre est logique ou scientifique ; quand on
range des êtres réels ou existants, l'ordre est réel. C'est
avec des jugements et des raisonnements qu'on construit
les sciences (ordre logique), comme avec des briques et des
poutrelles on bâtit les maisons (ordre réel).
Il est évident que ces deux ordres sont irréductibles. On
range des syllogismes avec des syllogismes, des briques
avec des briques. Syllogismes et briques, théorèmes et
statues sont des éléments disparates, et comme tels ne
peuvent être incorporés dans un même ordre.
2° L'ordre réel est statique ou dynamique, de coordi
nation ou de subordination. L'ordre d'une mécanique (loco
motive, automobile, montre) est fondé sur une fonction
(déplacement rapide ; indication de l'heure) ; l'ordre social
repose sur les multiples relations d'activité qui existent entre
les cito}rens ; l'ordre d'une banque et d'une gare de chemin de
fer> sur des destinations déterminées (sécurité et rapidité
des opérations financières, circulation des trains et des
voyageurs). Autant d'exemples de l'ordre dynamique, où le
principe dominateur est la destination voulue, l'activité à
accomplir, la fin à poursuivre.
Par contre, l'ordre statique n'éveille aucune idée de fin ;
une chose y est réalisée, déployée, par la simple mise en
présence de ses éléments. L'ordre des groupes dans un
cortège, la disposition d'un massif d'arbres, la hiérarchie
d'un ordre honorifique, comme l'ordre de Leopold ou la
légion d'honneur, sont des ordres statiques.
Le double ordre statique et dynamique peut apparaître
chez un même être. Dans un cheval de course et dans un
cheval de trait, au repos l'un et l'autre, on peut envisager
la coordination des muscles, la configuration des membres
grâce auxquelles le cheval est bien tel qu'il est, de sa caté
gorie (ordre statique). Mais qu'ils fassent le moindre mouve
ment, aussitôt éclatent la destination, la convergence des
muscles et des membres vers une fin : course rapide pour Les Exigences de V ordre artistique 265
l'un, ébranlement de lourdes charges pour l'autre (ordre
dynamique).
La nature, dans ses productions, modèle la constitution
sur la destination : l'éleveur en pliant la nature à ses
desseins n'a pu se soustraire à la grande loi de la finalité.
L'ordre artistique est un ordre de choses et non un
ordre d'idées ; et cet ordre réel est à la fois statique et
dynamique.
En quoi l'ordre réalisé dans une œuvre d'art

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