Les problèmes philosophiques soulevés dans l Encyclique « Humani Generis » (suite et fin) - article ; n°23 ; vol.49, pg 293-356
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Les problèmes philosophiques soulevés dans l'Encyclique « Humani Generis » (suite et fin) - article ; n°23 ; vol.49, pg 293-356

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Revue Philosophique de Louvain - Année 1951 - Volume 49 - Numéro 23 - Pages 293-356
64 pages

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Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Albert Dondeyne
Les problèmes philosophiques soulevés dans l'Encyclique «
Humani Generis » (suite et fin)
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 49, N°23, 1951. pp. 293-356.
Citer ce document / Cite this document :
Dondeyne Albert. Les problèmes philosophiques soulevés dans l'Encyclique « Humani Generis » (suite et fin). In: Revue
Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 49, N°23, 1951. pp. 293-356.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1951_num_49_23_4351Les problèmes philosophiques
soulevés dans l'Encyclique
« Humani Generis »
(suite et fin *)
§ 4. Le problème du thomisme.
1) Position du problème.
Le christianisme n'est pas un système philosophique et le
dogme chrétien n'impose aucune philosophie particulière. Qu'on
puisse être chrétien sans être thomiste est une vérité reçue dans
les milieux les plus attachés à la tradition scolastique <81>.
Cependant l'Eglise ne peut se désintéresser de la philosophie.
Après tant d'autres documents ecclésiastiques, l'Encyclique Humani
generis consacre un long passage à l'importance des disciplines phi
losophiques pour le maintien de la foi [38-53], elle met les chré
tiens en garde contre certaines nouveautés de la pensée contem
poraine [43, 49], elle souligne l'actualité de saint Thomas tant
pour l'élaboration d'une philosophie « répondant aux nécessités de
notre culture moderne » [47] que pour le travail théologique pro
prement dit, étant donné que « la doctrine [thomiste] s'harmonise
avec la révélation divine comme par un juste accord » [44] .
Cette attitude de l'Eglise en matière de philosophie pourrait
paraître bien ambiguë à un esprit non prévenu. En réalité il n'y a
là ni ambiguïté ni contradiction, mais un paradoxe fécond qui dé
coule de l'essence même de la foi et constitue la marque la plus
<•> Cfr Revue Philosophique de Louvain, 1951, février, pp. 5-56, mai, pp. 141-
183.
<"> M. LabourdetTE, O. P., Le» enseignements de l'Encyclique, dans Revue
thomiste, t. 50 (1950), n» J, p. 44, coll. p. 40. 294 Albert Dondeyne
précieuse que le christianisme, nonobstant le caractère surnaturel
de sa mission, possède aussi une portée humaniste et historique.
Le propre de la foi chrétienne, en effet, est de croire en un
Dieu transcendant qui, dans la gratuité de sa miséricorde et sans
que sa transcendance en soit le moins du monde diminuée, se
constitue Dieu-pour-nous, notre fin dernière, le sens ultime de notre
existence. C'est pourquoi l'Eglise a toujours maintenu avec une
égale fermeté le caractère strictement gratuit et surnaturel de l'ordre
de la grâce en même temps que sa compatibilité avec les exigences
les plus hautes et les plus légitimes de l'existence humaine, en
particulier avec les exigences de rationalité (au sens élargi du terme),
de liberté et d'unité qui hantent l'esprit humain et sont constitu
tives de la personnalité. C'est ce que les théologiens expriment
en disant que la grâce ne détruit pas la nature, ne s'y superpose
pas non plus comme' le ferait une sorte d'étage supplémentaire,
mais qu'elle l'achève intrinsèquement tout en élevant cette nature
à une nouvelle dignité, la dignité propre à des enfants de Dieu.
Cette idée de l'accord de la grâce et de la nature, l'Eglise n'a
jamais cessé de la défendre contre ceux qui, autrefois comme de
nos jours, ou bien exagéraient notre impuissance naturelle dans
l'ordre intellectuel et moral, sous prétexte de faire mieux ressortir
la miséricorde divine, ou bien exaltaient les puissances de la nature,
mettant ainsi en péril le caractère surnaturel et transcendant de
la grâce.
Toutefois il importe de bien se rendre compte de ce qu'im
plique cet accord de la grâce et de la nature. La nature humaine
n'est pas une réalité inerte et figée, et la vie de la grâce non plus pas une entité close, mais un appel à s'ouvrir toujours davan
tage à Dieu et à son amour sanctificateur. Dès lors l'élaboration
d'un humanisme chrétien, c'est-à-dire d'un humanisme illuminé par
la foi et, par là même, propice à l'épanouissement de la foi, cons
titue un devoir pour le chrétien. En d'autres termes, le christi
anisme considère que la foi du charbonnier, — foi passivement reçue
et non assimilée par l'esprit, — ne suffit pas à l'établissement du
royaume de Dieu dans le monde. Non que la foi chrétienne soit
d'abord un humanisme et que seuls les intellectuels ou les phi
losophes aient part au salut ; mais la foi serait infidèle à sa propre
mission si elle refusait de s'épanouir en un humanisme véritable.
En effet, s'il est vrai que dans l'ordre de la grâce — dans lequel
nous entrons par la foi — Dieu se constitue le sens ultime de Les problèmes philosophiques 295
l'existence, la réponse surnaturelle et gratuite à la question exis
tentielle la plus profonde : « que vaut la vie en fin de compte ? »,
il s'ensuit que la foi est une lumière pour l'homme, faite pour
éclairer sa pensée et sa conduite, pour féconder l'existence humaine
dans ses aspirations les plus hautes, les plus proprement humaines
et aussi les plus universelles : ses aspirations de vérité, de liberté
et d'unité. C'est dire que le christianisme demande au chrétien
d'assumer personnellement sa foi, de se l'assimiler activement, bref,
de réfléchir sur sa foi. D'où l'importance, pour la foi, de la raison,
entendue comme l'effort suprême de l'esprit en quête des vérités
les plus élevées, des valeurs ultimes et inconditionnées et de l'unité
définitive.
Cette raison est même doublement nécessaire à l'épanouisse
ment de la foi. Elle l'est d'abord pour que la foi chrétienne appar
aisse à la conscience humaine comme un « obsequium. rationale »,
comme un hommage rendu à Dieu en toute liberté et connaissance
de cause, bref, comme une attitude digne de l'homme et de Dieu.
Mais la raison nous est également nécessaire pour arriver à une
meilleure intelligence du mystère de foi. Et ceci aussi est exigé
par la foi. Le chrétien n'est pas un collectionneur de données révé
lées, quelqu'un qui va à travers le monde, répétant machinale
ment les paroles du Christ et des apôtres. Les données éparses
de la révélation, qui sont comme autant d*« Abschattungen » sur
naturelles, renvoient vers un mystère global, appelé l'ordre de la
grâce et qui n'est rien moins que le mystère de Dieu et de son
amour rédempteur, rendu manifeste par le Verbe Incarné et l'effu
sion de l'Esprit de Sanctification. La foi est précisément l'adhésion
à ce mystère. Il incombe donc aux chrétiens, de penser et de re
penser toujours, à partir des révélations partielles et convergentes,
cette unité synthétique qu'est le mystère chrétien, aux fins d'arriver
ainsi à une meilleure intelligence du mystère lui-même, de sa réper
cussion sur l'existence humaine, de sa signification pour la conduite
de l'homme. C'est ce qu'on appelle la théologie proprement dite,
qui est une oeuvre de la raison éclairée par la foi, ou, plus exacte
ment, l'œuvre de la foi utilisant la raison : fides quaerens intel-
lectum.
Ce que nous venons de dire nous permet maintenant de com
prendre l'attitude de l'Eglise à l'égard de la raison philosophique,
attitude que nous avons dite paradoxale, parce que, sans vouloir 296 Albert Dondeyne
imposer une philosophie quelconque, ni diminuer la liberté de la
recherche, l'Eglise ne peut cependant se désintéresser de la vie
philosophique (82). Vu la nécessité pour le christianisme d'un huma
nisme chrétien et d'une théologie chrétienne, l'Eglise se voit obligée
de désavouer les tentatives de la philosophie qui exaltent outre
mesure ou qui minimisent les pouvoirs de la raison naturelle, bref,
toutes les formes de rationalisme et de fidéisme. Dans les deux
cas on rétrécit le champ de vérité dont l'homme est capable, du
fait même on rend l

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