Philosophie et conceptions préphilosophiques chez Aristote - article ; n°63 ; vol.59, pg 405-430
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1961 - Volume 59 - Numéro 63 - Pages 405-430
26 pages

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Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gérard Verbeke
Philosophie et conceptions préphilosophiques chez Aristote
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 59, N°63, 1961. pp. 405-430.
Citer ce document / Cite this document :
Verbeke Gérard. Philosophie et conceptions préphilosophiques chez Aristote. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième
série, Tome 59, N°63, 1961. pp. 405-430.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1961_num_59_63_5083Philosophie
et conceptions préphilosophiques
chez Aristote
Certains penseurs modernes ont voulu élaborer la philosophie
comme une science rigoureuse. Ils avaient été heurtés par le scan
dale du désaccord philosophique, par les oppositions les plus radi
cales dans le domaine des doctrines métaphysiques. Les hommes
sont généralement d'accord sur les résultats obtenus dans les sciences
positives ; comment se fait-il que pareille entente ne puisse être
acquise dans le domaine de la philosophie ? Certains penseurs est
iment que pareil accord n'est pas illusoire : il suffit de concevoir la
philosophie comme un savoir rigoureux, justifiant radicalement cha
cune de ses démarches, pour entraîner un accord universel sur les
conclusions obtenues. Il importe donc de s'assurer d'abord du point
de départ de la réflexion philosophique : on essaiera de le réduire
autant que possible à une sorte d'évidence première, une certitude
initiale et irrécusable ; ce point de départ sera aussi simple que poss
ible, car la complexité est source d'erreurs multiples ; il devra donc
se présenter à nous comme une transparence totale, comme une
clarté tellement nette et distincte qu'on ne puisse se tromper sur son
contenu. Le point de départ de la philosophie sera le résidu d'une
série de réductions ayant pour but d'arriver à une certitude primord
iale, sur laquelle tout le monde devra se mettre d'accord ; ainsi la
réflexion philosophique se développera à partir d'un contenu mini
mal, d'une évidence première extrêmement simple (1).
<l) La conception de la philosophie comme science rigoureuse était une des
préoccupations constantes du philosophe allemand Edmund Husserl. Son intention
n'était pas cependant d'appliquer à la philosophie la méthode des sciences
exactes; il était persuadé, au contraire, que ces sciences ne peuvent donner une Gérard Verbeke 406
Telle n'est pas la conception qu'Aristote se fait de la philo
sophie et de la méthode qui lui est propre : lui aussi considère la
réflexion philosophique comme un essai de justification radicale, car
le philosophe s'efforce d'atteindre les causes premières de tout ce qui
est. Cependant Aristote ne tentera pas d'arriver à cette justification
radicale par la réduction du point de départ : il estime, au contraire,
que la recherche philosophique doit commencer par s'intéresser aux
objets qui se présentent immédiatement à nous, à ce qui est le plus
clair pour nous, c'est-à-dire aux réalités du monde sensible.
Pourquoi prendre pareil objet comme base de la réflexion phi
losophique ? D'abord parce qu'il s'impose directement à nous, il
est là devant nous comme une présence indéniable ; de plus, si cet
objet nous offre une sorte de vérité immédiate, une évidence superf
icielle, il est en même temps un nœud d'apories, il se présente
comme un mélange inextricable de clarté et d'opacité : il est donc
un stimulant pour la réflexion. Celle-ci essaiera de le comprendre,
de le tirer au clair, de le rendre de plus en plus connaissable ; elle
ne le pourra pas cependant en restant enfermée dans les limites de
ce connaissable immédiat ; elle devra dépasser les frontières de cette
évidence directe qui nous est offerte par le monde sensible ; elle
devra remonter à ce qui est le plus intelligible en soi, tout en n'étant
pas directement connaissable pour nous. Les réalités sensibles ne
contiennent que peu de vérité ; il faudra donc chercher un supplé
ment de vérité en sortant des frontières de l'immédiat pour remonter
à ce qui est intelligible en soi et principe de toute intelligibilité
limitée (2).
réponse à certaines questions fondamentales de l'existence humaine, tel le pro
blème des valeurs; c'est pourquoi il s'opposa à un certain naturalisme, qui voulait
expliquer tous les phénomènes du monde physique et psychique par les sciences
positives. La méthode applicable en philosophie doit avoir sa physionomie propre:
« Here science stands for a system of knowledge connected by reasons in such a
manner that each step is built upon its predecessor in a necessary sequence. Such
a rigorous connection requires ultimate claiity in basic insights and a systematic
order in building further propositions upon them. This is the rigor which philo
sophy would have to achieve to become truly scientific », H. SPIEGELBERG, The
Phenomenological Movement. A Hi$torical Introduction (2 vol.) The Hague, I960,
Vol. I, p. 81.
(2) II y a, sur ce point, un texte particulièrement significatif dans le Commenta
ire d'Asclepius sur la Métaphysique (éd. Hayduck, p. 3, 30). II s'agit de l'éty-
mologie et de la signification du terme QOyla. : celui-ci serait dérivé de oâtpt'.a
et signifierait donc: clarté, évidence. La philosophie n'a-t-elle pas pour objet le Philosophie et conceptions préphitosophiques 407 ,
Aristote ne réduit donc pas le point de départ de la réflexion
philosophique à une sorte d'évidence première, qui serait extrême
ment simple et saisie dans une intuition immédiate. Pour lui, il n'y &
peut-être pas de véritable point de départ de la réflexion philoso
phique : il serait sans doute plus adéquat de parler d'une source
d'alimentation de la recherche ; celle-ci reste en contact constant
avec l'expérience quotidienne, l'expérience d'un monde qui nous est
donné à travers les opinions communes, les traditions, les mythes,
la poésie, la religion, en un monde qui nous est offert avec tous
les apports de la culture humaine. Le connaissable immédiat dont
parle Aristote et qui constitue la base de la recherche philosophique,
comprend tous ces éléments : c'est le monde sensible tel qu'il nous
apparaît à travers la tradition des générations qui nous ont pré
cédés (3). Nous ne sommes pas les premiers à nous interroger sur le
mystère du monde et sur celui de notre existence : faut-il négliger
l'expérience et la réflexion de ceux qui nous ont précédés ? Faut-il
refuser sans examen des traditions souvent séculaires, qui remontent
aux origines les plus anciennes parfois de l'humanité ? Faut-il s'op
poser à des opinions universellement répandues et qui se sont cris
tallisées dans la conduite humaine depuis les temps les plus reculés ?
Aristote estime que le philosophe devra tenir compte de tout
cela ; il prend parti pour une philosophie reposant sur une longue
tradition et sur une expérience aussi étendue que possible. Le con
naissable immédiat, base de la recherche philosophique, comprend
tous ces éléments : il contient toutes les richesses de l'histoire et de
la culture (*!.
monde supérieur des réalités divines ? Et Asclepius continue: v"SÎa OCKpYj XflCl
çavSpWTaXCt ; ce sont là donc des objets qui sont plus intelligibles que les
réalités qui nous entourent, bien qu'ils soient plus difficiles à connaître pour nous;
ce sont les êtres les plus intelligibles en soi.
O Sur l'attitude d' Aristote vis-à-vis de la tradition, cf. W. J. VeRDENIUS, Tra~
ditional and Personal Elements in Aristotle's Religion, dans Phronesis 5 (1960),
pp. 56-70.
(4) Notons que, pour Aristote, la poésie est quelque chose de plus philoso
phique et d'une portée plus grande que l'histoire. La raison en est facile à saisir:
l'histoire nous raconte des faits, elle nous apprend ce qui s'est passé autrefois,
elle s'attache par conséquent à l'individuel. La poésie, au contraire, a des visées
plus larges, elle expose plutôt ce qui pourrait se passer, en d'autres termes elle
s'attache à l'universel ; sous ce rapport la poésie se rapproche de l'intention phi
losophique {Poetica, 9, 1451 a 37 - b 11).
On peut se demander quel sens il faut accorder au terme lozopla, dans le 408 Gérard Verbeke
Prenons quelques exemples dans les traités d'Aristote et tâchons

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