Afrique australe, océans Indien et Pacifique - article ; n°1 ; vol.17, pg 509-528

André Blanchet

Description

Politique étrangère - Année 1952 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 509-528
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1952
• Nombre de lectures: 47
• Langue: Français
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Extrait

André Blanchet
Afrique australe, océans Indien et Pacifique
In: Politique étrangère N°1 - 1952 - 17e année pp. 509-528.
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Blanchet André. Afrique australe, océans Indien et Pacifique. In: Politique étrangère N°1 - 1952 - 17e année pp. 509-528.
doi : 10.3406/polit.1952.2695
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1952_num_17_1_2695AFRIQUE AUSTRALE, OCÉANS INDIEN ET PACIFIQUE
On me demandera sans doute ce que l'Afrique du Sud a à voir avec le
Pacifique... Aussi suis- je obligé de confesser une confusion qui existe dans
mon esprit. Une conception assez peu orthodoxe me fait voir, dans le
monde, deux océans seulement : l'Atlantique et le Pacifique. Mais si Ton
ne s'associe pas à cette assimilation arbitraire, si on refuse de placer avec
moi, l'Afrique du Sud dans le Pacifique, on ne peut quand même pas se
désintéresser de ce bastion de civilisation occidentale qui flanque l'océan
Indien symétriquement avec l'Australie — l'Australie, puissance du Paci
fique, — qui le flanque même très symétriquement, puisque Le Cap se
situe à la latitude exacte de Sydney ou, si l'on préfère, Durban est,
à travers 9 000 kilomètres d'étendue maritime sans discontinuité, le vis-à-
vis immédiat de Perth.
Symétrie politique aussi, puisque tous les deux sont des Dominions, et
des Dominions blancs, je veux dire à direction européenne. Et la poussée
japonaise eût pu les atteindre tous les deux sans distinction. Rappelons-
nous la bataille de la mer de Corail, qui sauva l'Australie, les sous-marins
japonais qui opéraient jusque dans le canal de Mozambique ; ces deux
Dominions auraient donc pu partager le même sort, aucun d'eux n'étant en
état de se défendre par ses propres forces contre une invasion éventuelle.
En revanche, ils ont tous les deux bloqué, à l'est et à l'ouest, une autre
expansion — pacifique, celle-là, — l'expansion chinoise : l'Australie par
sa politique de « white Australia », l'Union sud-africaine d'une manière que
j'évoquerai sans attendre. Alors qu'il n'y a, à La Réunion, que des Chinois
comme épiciers, alors que l'on recense 13 000 nationaux chinois à l'île
Maurice et que la côte est de Madagascar en héberge aussi plusieurs
milliers, le Transvaal, lui, l'année même où il entrait dans l'Union sud-
africaine, en 1910, a rapatrié tous les Chinois importés six ans plus tôt
comme main-d'œuvre pour les mines d'or.
En revanche, l'Afrique du Sud, nous ne le savons que trop, n'a pas fait
barrage k temps contre la marée indienne... ANDRÉ BLANCHET 510
Ce qui nous place dans le cadre de cette grande question, celle d'un océan
qui mérite de plus en plus son appellation d'indien, comme la mer de Chine
n'est que trop chinoise...
Je pourrais aussi invoquer André Siegfried et faire valoir l'importance
que reprendrait, en cas de guerre, la route du Cap pour les communications
Europe-Pacifique, mais je préfère constater qu'en temps de paix, c'est vers
l'est, vers l'océan Indien, qu'est tournée la partie australe de l'Afrique.
Du Kenya au Cap, la côte orientale du continent n'est-elle pas infiniment
plus peuplée que l'autre? Et comparerait-on le trafic total des cinq ports
de la côte occidentale : Pointe-Noire, Matadi, Loanda, Lobito, Walvis
Bay, avec celui de la chaîne Mombasa, Dar-es-Salam, Beira, Lourenço-
Marquès, Durban, East-London, Port-Elizabeth? Quant à l'Union sud-
africaine, si Le Cap est géographiquement sur l'Atlantique, les quatre
autres ports par lesquels elle reçoit, disons, sans en être certain, les deux
tiers de ses importations et exporte au moins les quatre cinquièmes de sa
production, sont sur l'océan Indien : Port-Elizabeth, East-London, Dur
ban, Lourenço-Marquès, port portugais.
En revanche, il n'existe pas de liaisons aériennes vers l'est. Il n'en existe
même pas vers Madagascar et La Réunion : toutes les lignes ouvertes à
titre d'essai ont dû être suspendues au bout de quelques mois. Lorsque
j'ai fait moi-même le voyage, en 1948, nous étions cinq passagers dans
l'avion mensuel d'Air France qui volait de Tananarive à Lourenço-
Marquès. Nous n'étions que trois lorsque, deux mois plus tard, je pris un
avion sud-africain qui réunissait Johannesburg à l'île Maurice en faisant
escale à Madagascar. Ces deux lignes ont été supprimées et, à l'heure
actuelle, il n'existe pas de communications aériennes sur ce parallèle, ce qui
oblige un voyageur voulant se rendre d'Afrique du Sud à Madagascar à
passer par Nairobi au prix d'un détour fort coûteux.
Ceci me donne l'occasipn de dissiper les soupçons de certains, que
j'estime, pour ma part, assez ridicules. C'est un fait que l'Afrique du Sud
ignore totalement Madagascar, ou du moins l'ignorait jusqu'à des échanges
très récents de visites officielles qui ont commencé à l'époque de M. de
Chevigné. L'année dernière, ou il y a deux ans, un ministre sud-africain
s'est rendu à Madagascar ; c'était le premier peut-être depuis la fondation
de l'Union sud-africaine. Pourquoi d'ailleurs celle-ci s'intéresserait-elle à
un pays qui, comme elle, a besoin de biens d'équipement et est donc son
concurrent auprès des fournisseurs mondiaux? En outre, cette île possède
un sous-sol presque identique au sien.
On a voulu voir l'influence sud-africaine dans la préparation de la
rébellion malgache de 1947. Moi qui ai suivi, trois mois durant, le procès
de Tananarive, je n'ai jamais considéré que la preuve en ait été admi- AUSTRALE . 511 AFRIQUE
nistrée. Le tourisme n'existe même pas, pour l'excellente raison que les
Sud-Africains, ceux du moins qui connaissent les noms de ces villes,
savent qu'ils ne trouveraient pas d'hôtels dignes d'eux dans les deux
endroits qui pourraient les solliciter : Antsirabé et Fort-Dauphin.
Mais voilà que, dans cette direction de l'est, se prépare un grand chan
gement : ce sera l'ouverture, en mars ou avril prochain, d'une ligne aérienne
— vraisemblablement la plus audacieuse du monde : celle dont j'ai vu
passer le vol d'essai à l'île Maurice en décembre 1 948, dont les trois bonds
se feront intégralement au-dessus de la mer. Cette ligne unira Johannesburg
à l'Australie en sautant successivement du Rand à l'île Maurice, de l'île
Maurice à une des îles Cocos, des Cocos à l'Australie. Voilà qui va rendre
Johannesburg equidistant, par air, de l'Europe et de l'Australie. Or, la
capitale de l'or sera, par les avions à réaction Cornet, à dix-huit heures de
vol de Londres, et ceci dès le printemps de 1952.
Il m'a semblé qu'il serait intéressant de se représenter le poids, la puis
sance dans le monde de cet avant-poste du Pacifique, cette portion de
continent où vivent plus de la moitié de tous les Blancs d'Afrique et plus
des cinq sixièmes des Européens établis en Afrique noire. Ce pourrait
être une révélation décevante. Sans doute, le Dominion sud-africain a-t-il
50 p. 100 d'habitants de plus que le Dominion australien. Mais j'étais déjà
pessimiste, en rentrant d'Australie à la fin de 1946, me demandant com
ment allait se remplir ce continent peuplé seulement de 7 millions et demi
de Blancs en face du milliard asiatique. Je me demandais aussi comment
ces Européens, déshabitués de la concurrence, du « struggle for life »,
pourraient faire leur trou dans le monde moderne, et notamment affronter
la concurrence japonaise. Mais l'Australie a quand même accru, depuis
lors, sa population de près de 10 p. 100, par augmentation naturelle et par
apport de sang neuf. Ils sont 8 millions de Blancs maintenant, et l'île,
rappelons-le, n'est en somme ouverte à l'installation européenne que depuis
un siècle et demi.
Voici, au contraire, un pays, l'Union sud-africaine, qui va célébrer
dans deux mois le tricentenaire de l'établissement du Cap, mais qui ne
compte à l'heure actuelle que .2 650 000 Blancs. Elle en avait 1116 000 au
début du siècle. S'agissant d'un pays neuf (1) — pensons au Canada,
pensons aux États-Unis, — on peut bien parler de stagnation, surtout si
on oppose