Égalité, équité. Les catégories idéologiques des politiques publiques - article ; n°34 ; vol.9, pg 47-76
32 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Égalité, équité. Les catégories idéologiques des politiques publiques - article ; n°34 ; vol.9, pg 47-76

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
32 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politix - Année 1996 - Volume 9 - Numéro 34 - Pages 47-76
Equallty, Fairness : The Ideologlcal Categories of Public Policy.
Noëlle Burgi [47-76].
Forced to recognize the inefficiency and failure of all the technical measures implemented to curb the new (inevitable?) poverty, mass long term unemployment, and the «impossible task of reinserting unqualified youth into the labor force» over the past decade, the French elites could not remain indifferent to the country's social disaster. By the end of the 80's, they came to the conclusion that the root of the problem was philosophical. Prior to any fiscal and social reform which would hopefully be both fair and efficient, time was therefore needed to redefine the notions of equality and fairness, and adapt them to the inflexible constraints of globalization. This, they hoped, would allow for social egoism to be dampened and would legitimize the sacrifices demanded from the «privileged», that is job holders. This paper engages in a close examination of the ideological discourse of these elites, and the assumptions underlying their (good) intentions. It seeks to make clear according to which ultimate criteria they now intend to produce fair social judgments. The quest proves to be elusive because this central issue is permanently brushed aside in favor of mere accounting preoccupations. But the analysis nonetheless bears fruit because it throws light on the limits of this kind of thinking, imprisoned within its categories, fascinated by the cage in which it locks up its own representations.
Egalité, équité : les catégories idéologiques des politiques publiques.
Noëlle Burgi [47-76].
Le désastre social (fatal ?) que représente la pauvreté, le chômage de masse et de longue durée, ou encore «l'impossible réinsertion des jeunes non qualifiés », ne pouvait pas laisser indifférentes les élites françaises, navrées de constater la persistance des phénomènes d'exclusion, en dépit de tous les efforts (inefficaces et ruineux) déployés en vue d'y mettre un terme. A la fin des années 80, elles en sont venues à la conclusion que le problème était d'ordre philosophique. Avant de proposer des réformes fiscales et sociales qui seraient à la fois justes et efficaces, il fallait prendre le temps de redéfinir les notions d'égalité et d'équité pour en adapter le contenu à l'inflexible mondialisation. C'est à cette condition, espéraient-elles, que les égoïsmes sociaux seraient matés et que l'on légitimerait les sacrifices à consentir par les «nantis» d'un emploi. Examinant de très près le discours de ces élites et leurs (bonnes) intentions, l'article cherche à comprendre en vertu de quelle commune mesure, de quel critère ultime elles entendent désormais juger en équité. La quête sera vaine car ce problème central est toujours esquivé au profit calculs comptables. Mais elle permettra au passage de souligner les insuffisances d'une pensée prisonnière d'elle-même, fascinée par la cage dans laquelle elle laisse s'enfermer ses propres représentations.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Noëlle Burgi-Golub
Égalité, équité. Les catégories idéologiques des politiques
publiques
In: Politix. Vol. 9, N°34. Deuxième trimestre 1996. pp. 47-76.
Citer ce document / Cite this document :
Burgi-Golub Noëlle. Égalité, équité. Les catégories idéologiques des politiques publiques. In: Politix. Vol. 9, N°34. Deuxième
trimestre 1996. pp. 47-76.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1996_num_9_34_1031Abstract
Equallty, Fairness : The Ideologlcal Categories of Public Policy.
Noëlle Burgi [47-76].
Forced to recognize the inefficiency and failure of all the technical measures implemented to curb the
new (inevitable?) poverty, mass long term unemployment, and the «impossible task of reinserting
unqualified youth into the labor force» over the past decade, the French elites could not remain
indifferent to the country's social disaster. By the end of the 80's, they came to the conclusion that the
root of the problem was philosophical. Prior to any fiscal and social reform which would hopefully be
both fair and efficient, time was therefore needed to redefine the notions of equality and fairness, and
adapt them to the inflexible constraints of globalization. This, they hoped, would allow for social egoism
to be dampened and would legitimize the sacrifices demanded from the «privileged», that is job holders.
This paper engages in a close examination of the ideological discourse of these elites, and the
assumptions underlying their (good) intentions. It seeks to make clear according to which ultimate
criteria they now intend to produce fair social judgments. The quest proves to be elusive because this
central issue is permanently brushed aside in favor of mere accounting preoccupations. But the analysis
nonetheless bears fruit because it throws light on the limits of this kind of thinking, imprisoned within its
categories, fascinated by the cage in which it locks up its own representations.
Résumé
Egalité, équité : les catégories idéologiques des politiques publiques.
Noëlle Burgi [47-76].
Le désastre social (fatal ?) que représente la pauvreté, le chômage de masse et de longue durée, ou
encore «l'impossible réinsertion des jeunes non qualifiés », ne pouvait pas laisser indifférentes les élites
françaises, navrées de constater la persistance des phénomènes d'exclusion, en dépit de tous les
efforts (inefficaces et ruineux) déployés en vue d'y mettre un terme. A la fin des années 80, elles en
sont venues à la conclusion que le problème était d'ordre philosophique. Avant de proposer des
réformes fiscales et sociales qui seraient à la fois justes et efficaces, il fallait prendre le temps de
redéfinir les notions d'égalité et d'équité pour en adapter le contenu à l'inflexible mondialisation. C'est à
cette condition, espéraient-elles, que les égoïsmes sociaux seraient matés et que l'on légitimerait les
sacrifices à consentir par les «nantis» d'un emploi. Examinant de très près le discours de ces élites et
leurs (bonnes) intentions, l'article cherche à comprendre en vertu de quelle commune mesure, de quel
critère ultime elles entendent désormais juger en équité. La quête sera vaine car ce problème central
est toujours esquivé au profit calculs comptables. Mais elle permettra au passage de souligner les
insuffisances d'une pensée prisonnière d'elle-même, fascinée par la cage dans laquelle elle laisse
s'enfermer ses propres représentations.Égalité,
Les catégories idéologiques des politiques équité sociales
Noëlle Burgi Golub
Centre de recherches politiques de la Sorbonne (CNRS)
PEUT-ON récupérer à des fins idéologiques des catégories philosophiques,
morales et juridiques pour justifier, non pas le chômage en soi,
l'exclusion ou les inégalités, mais leur pérennisation, l'irréversibilité des
situations toujours plus nombreuses de vulnérabilité, sinon de
désaffiliation ? Peut-on légitimer ainsi cette malédiction tout en prétendant
faire de la lutte contre la fatalité — une lutte, par définition, impuissante — la
priorité, voire l'obsession des politiques gouvernementales ? Tel qu'il s'est
développé en France dans les années quatre-vingt dix et indépendamment des
intentions de ses protagonistes, le débat structuré autour des notions d'égalité,
d'équité et d'efficacité a presque réussi ce tour de force.
Il ne se comprend pas indépendamment de son contexte. Alors que
désormais l'«emploi» (nous dirions plus justement la réduction du chômage
de masse) ne semble guère mériter mieux que des mesures de traitement
social, la lutte contre l'inflation, associée à l'idée d'une nécessaire
«crédibilité» sur les marchés financiers, a été, quant à elle, progressivement
érigée en vertu, en orthodoxie universelle. Devenue la priorité absolue des
politiques macroéconomiques dans les pays occidentaux, elle s'est traduite par
des «cures» d'austérité dont les conséquences sociales ont été aussi prévisibles
qu'inéluctables : augmentation du chômage et des inégalités, faillites
d'entreprises. La France s'est engagée dans cette voie à partir de 1982. Elle a
baptisé sa stratégie désinflation compétitive. C'était un substitut vertueux à la
dévaluation qui devait lui permettre de dompter l'inflation et de rendre ses
entreprises compétitives. Cela supposait une cure de rigueur et donc une
hausse du chômage. Quelques années plus tard (1987-1988), elle avait atteint
ces deux objectifs intermédiaires. Ses échanges extérieurs se sont équilibrés et
son taux d'inflation a été maîtrisé. Pourtant, ces objectifs sont demeurés
prioritaires. Pourquoi ? À lui seul, le raisonnement économique l'explique
difficilement. Les pouvoirs publics ont prétendu qu'une autre politique aurait
été désastreuse1. Que Inefficacité» économique (le franc «fort» et la
«compétitivité» des entreprises) nous protégerait du pire. Mais la force d'une
monnaie et la compétitivité des entreprises, concepts relatifs, ne sont pas des
finalités en elles-mêmes. Elles ne représentent que des moyens en vue d'une
1. «Les conséquences du durcissement de la politique monétaire au début des années 90 sont que
le chômage, aujourd'hui, est beaucoup plus important qu'il ne l'aurait été sans ce durcissement.
Autre conséquence : le déficit budgétaire s'est considérablement accru et, avec lui, la dette
publique : en 1994, le nombre des chômeurs était supérieur de 800 000 à ce qu'il était en 1990, la
dette publique nette est plus élevée de 15 points de PIB, et le déficit des administrations, qui était
de 1,6% du PIB en 1990, est de 5,9% en 1994 !• (Fitoussi (J--P-), Le débat interdit, Monnaie,
Europe, Pauvreté, Paris, Arléa, 1995, p- 105).
PolUix, n°34, 1996, pages 47 à 76 47 Noëlle Burgi-Golub
fin qui, elle, devrait aussi inclure les équilibres sociaux1. Il y avait donc un
certain dogmatisme à poursuivre aussi inflexiblement des objectifs monétaires
rigides que le contexte ne justifiait plus de la mêmes manière. En somme, au
moment où on lançait en France le débat opposant égalité et équité2, la
politique économique se figeait sur des objectifs intermédiaires, elle prenait
ses moyens pour des fins.
Depuis, le contexte n'a pas beaucoup changé. Le chômage est toujours abordé
par le biais du traitement social, comme s'il s'agissait d'un symptôme. Et les
«cures» succèdent aux «crises», l'austérité à la rigueur. La pauvreté s'étend, le
chômage ne se résorbe guère. Les déficits publics se creusent. Seule nouveauté
par rapport au contexte de la fin des années quatre-vingt, une réforme en
cours des prélèvements obligatoires a fourni l'occasion de relancer le débat
sur l'équité au milieu des années quatre-vingt dix3. Le message qui liait ainsi
équité et réforme fiscale signifiait-il, par exemple, que l'on se proposait de
mettre en question l'une des inégalités sociales les plus criantes de l'heure,
l'importante déformation de la structure des prélè

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents