Impressions d un séjour au Japon - article ; n°1 ; vol.33, pg 19-34
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Description

Politique étrangère - Année 1968 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 19-34
Le Japon d'hier était dirigé par les militaires. Celui d'aujourd'hui est dirigé par les managers économiques. « Tout pour l'économie », telle est sa règle première et la recette de sa nouvelle réussite. Elle commande même sa politique extérieure. Le Japon a tiré profit de sa renonciation à la puissance militaire, et c'est sur l'industrie et le commerce qu'il fonde sa nouvelle puissance dans le monde.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Guillain
Impressions d'un séjour au Japon
In: Politique étrangère N°1 - 1968 - 33e année pp. 19-34.
Résumé
Le Japon d'hier était dirigé par les militaires. Celui d'aujourd'hui est dirigé par les managers économiques. « Tout pour l'économie
», telle est sa règle première et la recette de sa nouvelle réussite. Elle commande même sa politique extérieure. Le Japon a tiré
profit de sa renonciation à la puissance militaire, et c'est sur l'industrie et le commerce qu'il fonde sa nouvelle puissance dans le
monde.
Citer ce document / Cite this document :
Guillain Robert. Impressions d'un séjour au Japon. In: Politique étrangère N°1 - 1968 - 33e année pp. 19-34.
doi : 10.3406/polit.1968.2164
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1968_num_33_1_2164Etrangère. N° 1 - 1968 Politique
IMPRESSIONS D'UN SÉJOUR AU JAPON (1)
par Robert GUILLAIN
Le Japon d'hier était dirigé par les militaires. Celui d'aujourd'hui
est dirigé par les managers économiques. « Tout pour l'économie »,
telle est sa règle première et la recette de sa nouvelle réussite. Elle
commande même sa politique extérieure. Le Japon a tiré profit de
sa renonciation à la puissance militaire, et c'est sur l'industrie et le
commerce qu'il fonde sa nouvelle puissance dans le monde.
Quand on parle du Japon, il faut préciser la date, le Japon
de quelle année. Les changements y sont en effet extraordinai-
rement rapides. Le Japon que j'ai revisité pendant l'été 1967
n'était déjà plus du tout le même que celui de mon précédent
séjour en 1964. Tokyo, en particulier, était pour moi presque
méconnaissable. Les mutations de la capitale japonaise et les
images neuves de son progrès précipité vers un univers ultr
amoderne sont d'autant plus surprenantes que ces dernières an
nées, les nouvelles que le monde extérieur recevait du Pays du
soleil levant étaient plutôt mauvaises : elles parlaient de crise,
de difficultés, de faillites parmi les entreprises. Le visiteur qui
arrive aujourd'hui au Japon s'écrie : « C'était donc cela, leur
dépression ! » Car en dépit d'une récession, d'ailleurs déjà pres
que oubliée dans le boom de 1967, un prodigieux travail a li
ttéralement changé la face de Tokyo. Dans cette ville que je
connaissais naguère mieux que Paris, il m'est arrivé cette fois-ci
de ne plus retrouver mon chemin.
Le réseau des autoroutes, commencé pour les Jeux Olympiq
ues, ne cesse de s'agrandir, bouleversant la ville de ses viaducs
(1) Conférence prononcée au Centre d'études de politique étrangère le 7 novembre
1967. 20 GUILLAIN
suspendus où circule, au ras des toits, un trafic express qui
échappe aux embouteillages. La construction des buildings mo
dernes se développe à un rythme accéléré, d'abord pour le rem
placement des anciennes maisons de bois par une construction
en « dur », spécialement dans les quartiers centraux, ensuite
pour l'équipement de la capitale en grandes constructions
luxueuses et d'architecture dernier cri, dont certaines ont les
dimensions, par exemple, du building de l'Unesco à Paris.
Beaucoup de ces édifices sont remarquables, et par leur inté
rieur comme leur extérieur, ils ont peu d'équivalents chez nous.
Je citerai au hasard le building du grand journal Mainichi, celui
de la firme électronique Sony, celui de la Fédération du patro
nat japonais ou Keidanren. La ville qui s'était déjà largement
équipée pour les Jeux s'est encore donné plusieurs grands
hôtels ultra-modernes, trois théâtres comme n'en possède aucu
ne ville d'Europe, plusieurs quartiers d'affaires où l'on pourrait
se croire à Chicago plutôt qu'à Tokyo : ainsi la nouvelle partie
du quartier de Shinjuku, dans l'ouest, ou tout le quartier de
Marunouchi, en plein centre.
Les premiers gratte-ciel surgissent, car les architectes japo
nais ont vaincu, avec l'aide des calculateurs électroniques, le
péril des séismes en ce qui concerne la construction des bât
iments en hauteur. On ne craint plus d'avoir son bureau au qua
rantième étage, et bientôt ce sera au soixante-dix ou quatre-
vingtième. Le terrain manque dans cette capitale de onze mil
lions d'habitants, et tandis que les uns construisent en altitude,
les autres cherchent de la place en profondeur sous terre. Tokyo
voit se développer toute une ville enterrée : étages sous-terrains
des grands buildings, galeries et même rues et boutiques en
sous-sol dans les quartiers les plus envahis par la foule. Si
vous visitez le Japon, allez dîner « chez Maxim's » ... de Tokyo.
Par une descente en spirale, votre auto ou votre taxi vous dépo
sera dans une « rue » au quatrième étage sous terre, et cette rue,
c'est ... la rue de la Paix reproduite en miniature, avec plaque
indicatrice, bec de gaz, et façade exactement copiée du célèbre
restaurant parisien. Le métro est un autre aspect de cette pro
gression souterraine : il bat maintenant en longueur celui de JAPON 21
New-York et plus de cent kilomètres de lignes nouvelles ont
été ouvertes depuis cinq ou six ans. Qu'en penseront les usagers
du métro parisien ?... Cela n'empêche pas, d'ailleurs, que la
circulation automobile soit de plus en plus intense en surface,
avec le nouveau « boom » de l'automobile. On élargit auda-
cieusement les grandes avenues, on bâtit des passerelles pour
piétons au-dessus de la circulation, comme celles des passages
à niveau, on multiplie les garages et parkings, et tout cela encore
bouleverse Tokyo.
Ces métamorphoses de la capitale se retrouvent un peu par
tout dans les autres grandes villes, et n'épargnent pas non plus
les cités moyennes et même les campagnes. Le Japon est d'ail
leurs le théâtre d'une urbanisation intense. Les travailleurs du
secteur agricole représentaient, au lendemain de la guerre,
40 % de la population laborieuse ; ils n'étaient plus que 30 %
lors de la première vague d'industrialisation qui a duré jusqu'en
1958 ; ils ne sont plus que 25 % aujourd'hui, en attendant de
tomber à 20 % d'ici dix ans. Le gonflement des villes qui dévo
rent rapidement les campagnes d'alentour et qui s'étendent à la
rencontre les unes des autres sur toute la face du Pacifique entre
Osaka et Tokyo, va de pair avec l'industrialisation. On compt
ait naguère quatre grandes régions industrielles ; on en compte
sept ou huit à présent, la plupart établies avec une large façade
sur l'océan, le Japon ayant trouvé un avantage décisif sur ses
concurrents dans la possibilité de placer ses grandes usines
directement sur la mer. Souvent d'ailleurs, les usines trouvent
leur terrain dans la seule direction encore ouverte, c'est-à-dire
vers le large : les techniques hollandaises de « récupération »
de la terre sur la mer ont été améliorées et développées et d'i
nnombrables usines naissent sur ces polders industriels.
Le dynamisme dont témoigne tout ce décor se retrouve chez
les acteurs, c'est-à-dire chez les Japonais, qui frappent d'em
blée le visiteur par trois traits au moins, le nombre, l'activité,
la jeunesse. La jeunesse de la foule japonaise surprend l'étran
ger en visite : tout le monde a l'air d'avoir vingt ans, ou moins,
dans les rues ou les trains. Chez ces Japonais de la nouvelle
génération apparaissent des attitudes nouvelles. Comme s'ils 22 GUILLAIN
étaient enfin sûrs que leur réussite est là pour durer, il leur est
venu une confiance neuve, et aussi une fierté retrouvée, qui
n'est pas sans une pointe de nationalisme. Quelque chose de
très neuf au Japon, et de très sympathique, est là aussi : une
ouverture sur la vie, une attitude détendue, une disposition aux
échanges d'idées et aux contacts extérieurs. Le jeune Japonais
souvent complexé et difficile à saisir, dont les paroles étaient
rares ou confuses, a maintenant des idées et des réponses, et
se sent assez sûr de lui-même, et de son pays.
Dans les changements précipités qui l'entourent on dirait
que le peuple japonais se trouve plus à l'aise que ne le serait un
vieux comme le nôtre. Le

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