l'integralité de l'exposé en pdf - Europe et le monde arabo ...

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• Publié par: inupefad
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• Langue: Français

Extrait

L'Europe et le monde arabo-musulman: les pièges du culturalisme.

Après le 11 septembre 2001, les Occidentaux se sont interrogés sur les raisons de la montée

de l'islamisme et de la violence dans le monde arabo-musulman. Le public européen s'est rué sur le

Coran et autres livres sur la culture musulmane pour essayer de comprendre l'Autre, son identité, sa

culture. C'est que nous sommes menacés, on nous aurait déclaré la guerre. La «

barbarie

» menace

la «

civilisation

», les «

fous de Dieu

» veulent un affrontement généralisé avec l'Occident,

le

monde arabo-musulman serait en crise, si ce n'est en déclin. Huntington et sa théorie de choc des

civilisations, pourtant critiqué et désavoué, semble avoir paradoxalement triomphé dans l'opinion

publique. L'autre, c'est à dire le musulman, l'habitant du Sud de la Méditerranée, est enfermé dans

sa culture (barbe, voile, sandale... bref, les attributs du refus de la modernité) et nous menace. En

effet, la menace islamiste est devenue la principale menace de la civilisation occidentale, car ils sont

«

contre nous

».

Mais cette image d'un «

Orient compliqué

» n'est-elle pas trompeuse? Les raisons culturelles

permettent-elles d'expliquer les évolutions actuelles au Sud de la Méditerranée? C'est justement

notre objectif que de montrer que les bouleversements contemporains du monde arabo-musulman

sont démographique, économique et politique. Et que l'Europe et les Européens doivent, s'ils

veulent comprendre l'autre, ne pas s'enfermer dans le culturalisme, c'est-à-dire expliquer les

mutations actuelles du monde arabo-musulman par les seules causes culturelles. L'avenir des

relations entre l'Europe et le monde arabo-musulman en dépend.

Le terme de

monde arabo-musulman

a été choisi par nous par commodité, même s'il n'est pas sans

poser problème. En effet, définir une civilisation par un caractère ethnique (arabe) et religieux

(musulman), c'est l'enfermer dans un essentialisme que nous voulons justement dénoncer. L'Islam

comme civilisation a eu des influences extérieures diverses (Grèce antique, civilisations orientales)

et n'est pas peuplé que d'Arabes (Berbères, Turcs, Persans...) ni que de musulmans (importance des

communautés juives, chrétiennes...). Et justement c'est la confusion de la langue française qui

utilise le même mot pour la religion (

islam

) et la civilisation, la culture et l'histoire (

Islam

) qui

empêche de définir et surtout de nommer de façon satisfaisante l'autre. On aurait pu parler de

Proche-Orient, en y incluant le Maghreb. Disons que cette expression nous est paru simple

d'utilisation, car elle est assez claire pour tout le monde. L'espace étudié dans cette conférence est

celui

du monde arabe

(22 Etats, 280 millions d'habitants) avec quelques références à l'Iran et à la

Turquie.

Ses relations avec l'Europe furent anciennes, à la fois connues et caricaturées (Croisades, al-

Andalus, expédition d'Egypte de Napoléon...). Les deux rives de la Méditerranée se sont construites

par des échanges constants, un métissage séculaire ce que l'on oublie aujourd'hui. Alors pourquoi

les tensions culturelles et civilisationnelles sont si fortes alors que s'impose avec la mondialisation

actuelle la notion de «

village planétaire

»?

Il ne s'agit pas ici de faire l'historique des relations entre

l'Europe et le monde arabo-musulman mais plutôt d'analyser (et dénoncer) la dérive actuelle qui

consiste à ne les envisager que sous l'angle culturel. Les deux entités sont souvent définies comme

des blocs culturels cohérents, homogènes, éternellement disctints voire antagonistes et donc voués à

être séparés. Cette vision a été popularisée par le livre

d'Huntington

sur le «

choc des

civilisations

» publié en 1996 (1997 en France), qui a été vulgarisé et caricaturé.

La théorie d'Huntington (

the clash of civiliszations and the remaking of world order

, NY 1996) est

que les civilisations sont de retour dans le monde post-guerre froide. L'auteur y défend l'idée que les

grandes civilisations de l'histoire (surtout l'Occident, l'Islam et l'Asie orientale sino-japonaise) sont

aussi vivantes qu'obstinément niées par l'idéologie du «

village planétaire

», cosmopolite et métissé,

qui s'impose à elles. Et c'est dans la négation universaliste des identités particulières que réside le

danger des guerres culturelles entre civilisations. Face au développement des civilisations islamique

et asiatique, l'Occident doit alors se recentrer sur ses propres valeurs et son territoire car c'est la

non-reconaissance des différences culturelles qui est source de conflits futurs. Ainsi il faut selon

l'auteur tenir compte et reconnaître des frontières des civilisations qui sont plus importantes que les

frontières politiques. Les Etats-Unisdoivent abandonner leur universalisme indifféremment ouvert à