La doctrine soviétique du sous-développement - article ; n°4 ; vol.27, pg 360-390
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Description

Politique étrangère - Année 1962 - Volume 27 - Numéro 4 - Pages 360-390
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Françoise Guillaume
La doctrine soviétique du sous-développement
In: Politique étrangère N°4 - 1962 - 27e année pp. 360-390.
Citer ce document / Cite this document :
Guillaume Françoise. La doctrine soviétique du sous-développement. In: Politique étrangère N°4 - 1962 - 27e année pp. 360-
390.
doi : 10.3406/polit.1962.2342
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1962_num_27_4_2342LA DOCTRINE SOVIÉTIQUE
DU SOUS-DÉVELOPPEMENT
Par doctrine soviétique du sous-développement, nous enten
dons la formulation théorique des problèmes du sous-dévelop
pement, telle qu'elle apparaît à travers les sources soviétiques,
principalement les documents du Parti et les articles de syn
thèse rédigés par les spécialistes soviétiques de ces questions.
Nous donnerons tout d'abord un bref aperçu du rôle que joue
la doctrine en Union Soviétique, et indiquerons quels sont les
principes de base utilisés dans l'analyse du sous-développement.
Nous montrerons ensuite comment ces principes ont été appli
qués au fur et à mesure de l'évolution historique.
La Doctrine : son rôle, ses principes fondamentaux.
On pourra dès l'abord contester l'intérêt d'une telle étude :
Pour certains, l'idéologie n'est qu'un rideau de fumée, cachant
des manœuvres purement politiques ou stratégiques. Pour d'aut
res, elle n'est qu'une constructions arbitraire, et les théoriciens
ne font cadrer la réalité avec la théorie que de manière arti
ficielle. Ou bien encore, l'idéologie n'est qu'une justification
a posteriori qui évolue selon les besoins du moment.
Pour les soviétiques, la 'doctrine, la « théorie » joue un rôle
important, car elle leur fournit en premier lieu un outil d'ana
lyse à partir des postulats fondamentaux du marxisme. En se
cond lieu, ils justifient les changements qui surviennent dans
la doctrine par la relation dialectique entre la théorie et la pra
tique, ce qui explique qu'ils ne perdent jamais confiance dans
l'outil d'analyse. Enfin, pour l'observateur extérieur, la doc
trine soviétique a une importance objective, en tant que com
posante du «decision-making». U.R.S.S. ET PAYS SOUS-DÉVELOPPÉS 361
On sait que le marxisme place, au départ de toute l'analyse de
la société, l'étude des forces de production, qui déterminent les
relations de production. Celles-ci entraînent la formation des
classes, qui entrent dans un rapport dialectique de lutte. L'es
sence de l'histoire des sociétés est la lutte des classes.
En ce qui concerne les pays sous-développés, on retrouvera
constamment chez les soviétiques cette préoccupation de défi
nir la composition de classe, et les antagonismes existant entre
ces classes, ou bien entre groupes sociaux, l'essentiel étant tou
jours de trouver la contradiction majeure, qui est le moteur du
développement dialectique. En conséquence, ils chercheront tou
jours à ramener l'analyse à un schéma à deux composantes,
comme le mathématicien cherche toujours à ramener la dé
monstration au cas précédent.
Le problème est donc avant tout de définir les contradictions.
Mais il n'est pas toujours facile de retrouver un schéma simple,
et la principale difficulté que semblent éprouver les théoriciens,
est d'établir au cours de leur démarche, un équilibre entre dé
duction et induction.
Parfois dominera la tendance deductive, qui consiste à pla
quer arbitrairement le schéma sur des situations concrètes : on
parlera du prolétariat et du rôle dirigeant que celui-ci joue
dans le mouvement national à l'égard "d'un pays où la struc
ture sociale est à peine différenciée.
A d'autres époques dominera une tendance plus inductive, à
partir d'une analyse plus réaliste des faits. Ainsi, à l'heure ac
tuelle, les directives données aux africanistes 'demandent de
tenir compte de la réalité sociale en Afrique et de ne pas ap
pliquer arbitrairement les catégories de classe. C'est ce que les
soviétiques appellent la dialectique de la théorie et de la pra
tique : la théorie doit être au contact de la réalité tout en l'i
nterprétant. Ils n'ont donc pas mauvaise conscience à voir la doc
trine évoluer.
Si l'on refuse les postulats marxistes, on refuse évidemment
l'analyse soviétique. Cependant, pour l'observateur extérieur,
cette analyse a son intérêt. Il est bon de connaître le cadre *de
pensée dans lequel évoluent les dirigeants soviétiques, car c'est
d'après cette analyse que souvent ils orientent leur action. Ains
i, lorsqu'ils poussent un pays à l'industrialisation, c'est en par- FRANÇOISE GUILLAUME 362
tie parce qu'ils estiment que celle-ci favorise la formation des
classes et par conséquent la lutte des classes. A ce sujet, on
peut citer la phrase célèbre de Marx : « Les philosophes ont
seulement interprété le monde de différentes manières, il s'agit
cependant de le changer ». Ceci signifie que la philosophie pour
les soviétiques a un rôle actif, qu'il y a étroite liaison entre
idéologie et politique, et ceci est particulièrement vrai à l'épo
que actuelle. Or dans la mesure où dans toute analyse de type
léniniste, il y a toujours primat du politique, c'est-à-<lire des
options fondamentales de caractère l'analyse de la
doctrine est nécessaire.
Nous reprendrons ici l'évolution doctrinale, telle qu'elle s'est
faite au fur et à mesure du développement historique. Nous
distinguerons trois étapes correspondant aux trois étapes des
relations entre pays européens et pays sous-développés :
1) L'expansion coloniale, interprétée par la théorie léniniste
de l'impérialisme ;
2) La période de régression des empires coloniaux, interpré
tée par la théorie du mouvement de libération nationale et
marquée par l'analyse. du rôle des classes dans ce mouvement.
A cette étape, on voit apparaître une innovation majeure sur
le plan doctrinal : la théorie de l'alliance entre bourgeoisie et
prolétariat dans les pays dépendants ;
3) La période actuelle, marquée par l'apparition d'Etats sou
verains et du « neutralisme » . Apparemment, c'est cette der
nière période qui a été la plus difficile à interpréter : la doc
trine n'est pas encore fixée, elle est en pleine évolution. Une
seconde innovation majeure a dû être apportée : le concept de
l'Etat de 'démocratie nationale.
Ainsi donc, la doctrine a évolué au fur et à mesure que les
problèmes se posaient. Chaque étape de l'évolution historique
est interprétée par les soviétiques au moyen de leurs outils
d'analyse, mais ce processus amène en même temps une évolu
tion de la doctrine elle-même.
D'autre part, comme nous l'avons dit, la doctrine vise non ET PAYS SOUS-DEVELOPPES 363 U.R.S.S.
seulement à interpreter, mais à changer le monde. On aura tou
jours, à côté de l'analyse de la situation, une stratégie qui aura
pour but d'influer sur l'évolution même de cette situation.
Les trois étapes de doctrinale que nous étudierons
sont donc :
— la théorie de l'impérialisme, qui coïncide avec l'apogée de
l'expansion coloniale ;
— la théorie du mouvement de libération nationale, à partir
de 1920 ;
— l'étape actuelle, depuis la conférence de Bandoung.
A chaque étape, la préoccupation centrale est un peu diffé
rente, dans la mesure où l'éclairage est mis sur la contradiction
que l'on estime majeure, et en définitive, la doctrine évolue
plutôt par addition successive, que par véritable transformat
ion.
I. — Théorie de l'impérialisme.
Au départ, Marx laissait une théorie, un outil d'analyse prévu
pour un type de société bien défini, le capitalisme. Selon la
schéma initial, la révolution devait être effectuée par les pro
létariats "des pays industriels avancés. Or peu à peu, on en vien
dra à étendre la contradiction à l'échelle mondiale : à côté du

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