La faim : le marché du siècle ? - article ; n°4 ; vol.43, pg 449-464
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La faim : le marché du siècle ? - article ; n°4 ; vol.43, pg 449-464

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politique étrangère - Année 1978 - Volume 43 - Numéro 4 - Pages 449-464
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 67
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gérard Viguié
La faim : le marché du siècle ?
In: Politique étrangère N°4 - 1978 - 43e année pp. 449-464.
Citer ce document / Cite this document :
Viguié Gérard. La faim : le marché du siècle ?. In: Politique étrangère N°4 - 1978 - 43e année pp. 449-464.
doi : 10.3406/polit.1978.1619
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1978_num_43_4_1619LA FAIM : LE MARCHE DU SIECLE ?
par Gérard VIGUIÉ
La situation alimentaire mondiale, qui a suscité encore récemment
un livre polémique mais éclairant (1), est un problème crucial pour
l'avenir des relations internationales et l'équilibre interne des pays.
En même temps, elle constitue un marché durable pour les princi
pales puissances. Bref, la faim est « une bonne affaire » pour les
uns, une affaire grave pour d'autres, mais elle s'impose à tous comme
un des problèmes dominants à venir à côté des problèmes de l'éner
gie, du désarmement et de l'environnement. Il y a d'ailleurs — nous
le verrons — une unité dialectique entre ces problèmes. Une des
tendances qu'il convient de suivre avec intérêt est la puissance crois
sante des Etats-Unis qui imposent progressivement dans le domaine
alimentaire leur modèle, leurs méthodes et leurs produits dans le
monde entier sans rapport avec les besoins réels des pays.
Nous nous limiterons ici, que ce soit pour le paysage alimentaire
mondial ou « l'agri-power » américain, à dresser une typologie ra
pide des problèmes, des variables, des rapports de force qui peuvent
déterminer l'avenir qui pèsera, entre autre, sur la politique de la
France.
/. - LA SITUATION ALIMENTAIRE MONDIALE
1) La demande
La population mondiale doit atteindre en 1975-1980, son rythme
le plus élevé connu : 2 % par an. Ainsi la demande alimentaire
(1) Comment meurt l'autre moitié du monde - Susan Georges. Robert Laffont,
1978. GÉRARD VIGUIÉ 450
globale va continuer de croître sous l'action conjuguée de la pression
démographique mais aussi du comportement alimentaire. Cette
pression démographique, localisée dans les pays en voie de déve
loppement, constitue une cause apparente de la sous-alimentation.
En fait, boom démographique et sous-alimentation constituent la
manifestation d'un même échec : celui du développement, celui de
la coopération internationale, celui des élites locales. Moins d'un
tiers de la population mondiale consomme les trois cinquièmes des
ressources mondiales alimentaires. D'après Joseph Klatzman (2), on
peut parler de :
— 15 % de trop nourris ;
— 10 % de bien ;
— 15 % h mi-chemin ;
— 50 % de sous-alimentés ;
— 10 % souffrant de carences graves.
Les modèles alimentaires basés presque exclusivement sur quel
ques produits végétaux caractérisent la demande des pays en voie
de développement et s'opposent à des modèles dont l'apport en pro
téines peut être effectué à 70 % par des produits animaux (cas des
Etats-Unis). Pourtant, les céréales seules ou associées aux oléagineux
et légumineuses peuvent couvrir à elles seules les besoins nutritifs
essentiels humains. Mais les niveaux de consommation dans chacun
des pays développés ainsi que dans les couches aisées des pays en
voie de développement, tendent à rejoindre ceux des Etats-Unis.
La place des céréales diminue dans l'alimentation directe humaine,
mais cette baisse est largement compensée par un accroissement de
la consommation indirecte de céréales par la fabrication des pro
duits animaux. La consommation de céréales par les animaux est
très variable suivant les pays et les techniques. Aux Etats-Unis, la
production de viande bovine fait appel aux proportions les plus
fortes de céréales : 3 kg en moyenne contre 1 ,2 kg en France, pour
1 kg de produit fini (3). Pour certains il s'agit d'un véritable gas
pillage. La consommation indirecte de céréales peut s'accroître en-
(2) Klatzman : «Nourrir 10 milliards d'hommes». P.U.F., 1975.
(3) Cf. Marcel Marloie : « Approvisionnement de l'élevage français en céréales
et courants d'échanges internationaux de céréales et produits animaux ». I.N.R.A.-
G.E.R.E.I., 180 p., janvier 1977. LA FAIM 451
core dans des proportions supérieures du fait de la transformation
des techniques d'alimentation animale, entraînant avec elle celle
des compléments protéagineux (soja). Enfin, les volailles, porc et
veaux, font appel à des proportions encore supérieures. Cette de
mande indirecte est déterminante pour la demande des pays riches
qui elle-même oriente la demande solvable globale.
2) L'offre agricole mondiale
Elle restera pour longtemps encore le principal pourvoyeur de la
demande alimentaire mondiale. La part des produits de la mer ne
risque pas d'augmenter de façon significative. A l'intérieur de cette
offre agricole, ce sont les céréales qui conservent le rôle déterminant,
les oléagineux jouant un rôle d'appoint remarquable pour l'alimen
tation du bétail. En effet, le maïs, céréale principale le bétail,
possède des carences naturelles en protéines, carences accentuées
par une sélection basée sur la seule recherche du rendement à l'hec
tare (révolution verte). Un complément protéique est donc nécess
aire, qui sera fourni par le soja. La symbiose maïs-soja constitue
le modèle américain. Les deux céréales majeures sont le blé et le riz
suivies du maïs, de l'orge, du manioc... Elles ont bénéficié d'une
extension majeure avec la révolution verte, en particulier le blé.
Cette extension a permis d'augmenter les rendements mais les nouv
elles espèces de céréales exigent davantage d'engrais et d'eau que
les espèces locales et sont plus sensibles aux variations climatiques.
De nombreuses légumineuses locales ont été également évincées
(malgré leur valeur protéique complémentaire) au profit de ces cultu
res à rendement, beaucoup plus coûteuses en « input ». De toute
façon, l'examen des chiffres montre que l'essentiel de l'accroiss
ement de l'offre agricole mondiale provient de la hausse des rende
ments dans les pays développés.
3) Le problème des pays en voie de développement
Certains gains en rendement sur des cultures industrielles dans
le Tiers-monde sont complètement éclipsés par les coûts élevés in
duits, comme par les conséquences écologiques et sociales de l'agri
culture commerciale. Il faut bien constater avec Eric Eckholm (4)
(4) « La dégradation des sols ». Rapport de M. Eric Eckholm à l'O.N.U.,
Robert Laffont, 1976. 452 GÉRARD VIGUIÉ
que les contraintes du facteur naturel jouent surtout contre les
systèmes de production de ces pays. Tout un cycle de réactions
négatives caractérise de nombreux éco-systèmes, cycle qui donne
aux problèmes à résoudre un aspect circulaire décourageant (séche
resse, oxydation des sols, envasement des systèmes d'irrigation, inon
dations, salinisation des terres). Les terres dégradées ne supportent
plus des variations climatiques autrefois admissibles. Le déboisement
est souvent le point remarquable du cercle vicieux. Le problème est
autant politique que technique.
L'agriculture commerciale élimine les cultures vivrières et l'éléva
tion technologique s'accompagne paradoxalement d'une baisse du
niveau de consommation. En même temps, elle aggrave l'exode
rural, augmente le nombre des assistés et, étant plus coûteuse au
niveau des « input », elle aggrave l'endettement.
D'autre part, une politique visant à stopper la détérioration des
sols supposerait une transformation des systèmes fonciers. En effet,
les grandes propriétés confinent des milliers de paysans pauvres
dans d'autres terres moins riches mais surpeuplées qu'ils dégradent
inconsciemment.
Des investissements énormes en hommes et en moyens techni
ques, donc financiers, seraient nécessaires pour assurer les pro
jections optimistes de Leontieff (5) visant à doubler le taux de
croissance annuelle moyen de la production agrégée de ces pays.
La projection des taux actuels laisse présager une aggravation de la
situation. La course aux armements, la préféren

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents