La mobilisation des victimes d accidents collectifs. Vers la notion de «groupe circonstanciel» - article ; n°44 ; vol.11, pg 135-160
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La mobilisation des victimes d'accidents collectifs. Vers la notion de «groupe circonstanciel» - article ; n°44 ; vol.11, pg 135-160

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Description

Politix - Année 1998 - Volume 11 - Numéro 44 - Pages 135-160
Collective Accidents and Mobilization of the Victims. Toward the Notion of «Group from Circumstances».
Jean-Paul Vilain, Cyril Lemieux [135-160].
In France, since the early 1980's, it is more and more frequent that, following a collective accident (fire in a builiding open to the public, collision between two trains, etc.), the one injured and parents or relatives of those injured or dead collectively get mobilized and make up claims. The analysis of these claiming-groups is of particular interest because generally their members neither have pre-existent sociability relationships nor share socio-economic properties. In order to understand the very specificity of these groups born of circumstances (or «groups from circumstances»), the article studies two victims' mobilizations following similar collective accidents which have had occured respectively in 1947 and 1991. Comparing the forms of solidarity between victims in both cases, the types of requests for compensation, and the modes of interpretation of events, the authors enlighten the structural evolutions since the second world war in law, medical expert evaluation, insurance, public aid and media that make possible today what was in the past unlikely : the constitution of «groups from circumstances» based on shared individual suffering experiences and able to influence on politic and legal spheres.
La mobilisation des victimes d'accidents collectifs. Vers la notion de «groupe circonstanciel».
Jean-Paul Vilain, Cyril Lemieux [135-160].
Depuis le début des années 1980, il est de plus en plus fréquent en France qu'à la suite d'un accident collectif (incendie d'un bâtiment recevant du public, collision entre deux trains, etc.), les personnes blessées et les parents ou proches de personnes blessées ou décédées se regroupent en collectifs de victimes pour formuler des revendications. L'analyse des modalités de mobilisation de ces groupes est d'autant plus intéressante que le plus souvent, les personnes qui se réunissent ne peuvent pas s'appuyer sur des liens de sociabilité préexistants ni même dans la plupart des cas, sur des affinités sociales très établies. Pour comprendre la spécificité de ces groupes nés des circonstances (ou «groupes circonstanciels»), l'article s'attache à comparer de façon systématique deux mobilisations de victimes ayant fait suite à des accidents collectifs de même nature, mais survenus respectivement en 1947 et en 1991. La comparaison des liens de solidarité, des demandes de réparation et des types d'interprétation qui caractérisent les deux situations permet de mesurer en quoi les évolutions structurelles intervenues depuis la fin de la seconde guerre mondiale dans le droit, l'expertise médicale, les dispositifs d'assurance et d'assistance et les médias rendent aujourd'hui possible ce qui était hier improbable : la constitution, autour d'une souffrance partagée, de «groupes circonstanciels» dotés d'une capacité à influer sur l'activité des sphères politique et juridique.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Paul Vilain
Cyril Lemieux
La mobilisation des victimes d'accidents collectifs. Vers la notion
de «groupe circonstanciel»
In: Politix. Vol. 11, N°44. Quatrième trimestre 1998. pp. 135-160.
Citer ce document / Cite this document :
Vilain Jean-Paul, Lemieux Cyril. La mobilisation des victimes d'accidents collectifs. Vers la notion de «groupe circonstanciel».
In: Politix. Vol. 11, N°44. Quatrième trimestre 1998. pp. 135-160.
doi : 10.3406/polix.1998.1764
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1998_num_11_44_1764Abstract
Collective Accidents and Mobilization of the Victims. Toward the Notion of «Group from
Circumstances».
Jean-Paul Vilain, Cyril Lemieux [135-160].
In France, since the early 1980's, it is more and more frequent that, following a collective accident (fire
in a builiding open to the public, collision between two trains, etc.), the one injured and parents or
relatives of those injured or dead collectively get mobilized and make up claims. The analysis of these
claiming-groups is of particular interest because generally their members neither have pre-existent
sociability relationships nor share socio-economic properties. In order to understand the very specificity
of these groups born of circumstances (or «groups from circumstances»), the article studies two victims'
mobilizations following similar collective accidents which have had occured respectively in 1947 and
1991. Comparing the forms of solidarity between victims in both cases, the types of requests for
compensation, and the modes of interpretation of events, the authors enlighten the structural evolutions
since the second world war in law, medical expert evaluation, insurance, public aid and media that
make possible today what was in the past unlikely : the constitution of «groups from circumstances»
based on shared individual suffering experiences and able to influence on politic and legal spheres.
Résumé
La mobilisation des victimes d'accidents collectifs. Vers la notion de «groupe circonstanciel».
Jean-Paul Vilain, Cyril Lemieux [135-160].
Depuis le début des années 1980, il est de plus en plus fréquent en France qu'à la suite d'un accident
collectif (incendie d'un bâtiment recevant du public, collision entre deux trains, etc.), les personnes
blessées et les parents ou proches de personnes blessées ou décédées se regroupent en collectifs de
victimes pour formuler des revendications. L'analyse des modalités de mobilisation de ces groupes est
d'autant plus intéressante que le plus souvent, les personnes qui se réunissent ne peuvent pas
s'appuyer sur des liens de sociabilité préexistants ni même dans la plupart des cas, sur des affinités
sociales très établies. Pour comprendre la spécificité de ces groupes nés des circonstances (ou
«groupes circonstanciels»), l'article s'attache à comparer de façon systématique deux mobilisations de
victimes ayant fait suite à des accidents collectifs de même nature, mais survenus respectivement en
1947 et en 1991. La comparaison des liens de solidarité, des demandes de réparation et des types
d'interprétation qui caractérisent les deux situations permet de mesurer en quoi les évolutions
structurelles intervenues depuis la fin de la seconde guerre mondiale dans le droit, l'expertise médicale,
les dispositifs d'assurance et d'assistance et les médias rendent aujourd'hui possible ce qui était hier
improbable : la constitution, autour d'une souffrance partagée, de «groupes circonstanciels» dotés
d'une capacité à influer sur l'activité des sphères politique et juridique.La mobilisation des victimes
d'accidents collectifs
Vers la notion de «groupe circonstanciel»
Jean-Paul Vilain
Cyril Le mieux
Groupe de sociologie politique et morale
École des hautes études en sciences sociales
LES MOBILISATIONS de victimes d'attentats, d'accidents collectifs
ou de catastrophes, telles qu'elles se sont multipliées en France
depuis le début des années quatre-vingt, offrent un terrain
d'observation privilégié pour qui veut analyser dans toute son ampleur
le travail nécessaire à la constitution d'un groupe porteur de
revendications. Dans la plupart des cas, en effet, les personnes qui
composent ces collectifs de victimes ne se connaissaient pas avant
d'avoir été confrontées à la même épreuve tragique. Elles
n'entretenaient pas de liens de sociabilité préalables et étaient souvent
parfaitement étrangères les unes aux autres. Les «victimes» -
personnes blessées, parents ou proches de personnes blessées ou
décédées - n'avaient pas nécessairement d'identité catégorielle à mettre
en commun : leurs opinions politiques, leurs convictions religieuses,
leurs modes de vie pouvaient s'avérer divergents. L'âge, la nationalité,
le lieu d'habitation, la profession, le niveau de revenu, comme bien
d'autres caractéristiques, pouvaient constituer des facteurs de
differentiation entre elles. Ainsi, qu'il s'agisse des résidents d'un
camping subissant une inondation subite, des clients d'un hôtel qui
devient la proie des flammes, d'automobilistes pris dans un
carambolage, des passagers d'un avion qui s'écrase, les victimes
d'accidents collectifs n'ont bien souvent que peu de raisons a priori de
faire corps. Elles se sont seulement trouvées côte à côte au mauvais
moment, au mauvais endroit.
Cependant, malgré cette absence ou quasi-absence initiale de points
communs et d'interconnaissance préalable, les personnes concernées
entreprennent de former un groupe et de se mobiliser collectivement -
plutôt, par exemple, que d'adopter des stratégies individuelles ou de
faire appel à d'autres groupes auxquels elles pourraient estimer
appartenir prioritairement. Dans ces conditions, le travail d'agrégation
des ressources qu'elles doivent accomplir pour former un groupe, le faire
durer et lui assurer une certaine efficacité dans l'ordre juridique et
politique, se donne à voir dans toute sa fragilité. Il illustre d'une
Politix, n°44, 1998, pages 135 à 160 135 Politiques du risque
manière particulièrement révélatrice les cheminements par lesquels des
équivalences et des liens sociaux peuvent être construits dans notre
société. L'une des hypothèses que nous défendrons dans cet article est
que ce type de groupes nés à la suite de circonstances qui étaient
totalement imprévisibles pour les personnes concernées, représente une
forme émergente de constitution du collectif au sein de nos sociétés.
Cette forme est liée à un nouveau type d'expression et de culture
politiques, dirigées contre l'irruption fortuite (et en cela vécue comme
scandaleuse) de la souffrance dans le cours d'existences qui réclament
d'être parfaitement protégées - une tâche qui est attendue en dernier
ressort de l'Etat. Par l'intermédiaire de tels groupes, que l'on propose
de qualifier de «circonstanciels», des personnes accèdent à une existence
politique qui, d'une part, se passe du soutien des appareils de
mobilisation traditionnels (partis politiques, syndicats, associations
déjà instituées, etc.), d'autre part n'est plus directement référée à des
appartenances sociales conventionnelles (professionnelles, religieuses,
sexuelles, culturelles, locales, etc.).
Dans ce nouveau contexte de l'action collective, les personnes engagées
ne s'appuient tendanciellement que sur un seul point commun : elles
ont toutes subi de plein fouet un même événement tragique qu'elles
n'avaient en rien suscité ni recherché. Il s'agit donc, sous ce rapport,
d'une forme de mobilisation qui ne repose pratiquement, en amont, sur
aucun socle institutionnel ou communautaire préalable, et ne débouche,
en aval, sur aucune extension politique ou chaînage idéologique de
grande ampleur, parce qu'elle est seulement fondée sur une condition de
victime que l'État n'a pas su prévenir. Comprendre les conditions
sociales de possibilité et de réussite de ces «groupes circonstanciels»
présente en cela un intérêt qui dépasse la seule question des risques
collectifs et de leur gestion dans notre société : ces groupes, en se
gardant de «faire de la politique» au sens traditionnel du terme, sont
peut-être en passe de mettre au point certaines des formes politiques
de demain - toutes celles en partic

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