La politique africaine de l Espagne - article ; n°4 ; vol.4, pg 417-448
33 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La politique africaine de l'Espagne - article ; n°4 ; vol.4, pg 417-448

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
33 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politique étrangère - Année 1939 - Volume 4 - Numéro 4 - Pages 417-448
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1939
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Robert Montagne
La politique africaine de l'Espagne
In: Politique étrangère N°4 - 1939 - 4e année pp. 417-448.
Citer ce document / Cite this document :
Montagne Robert. La politique africaine de l'Espagne. In: Politique étrangère N°4 - 1939 - 4e année pp. 417-448.
doi : 10.3406/polit.1939.5642
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1939_num_4_4_5642LA POLITIQUE AFRICAINE DE L'ESPAGNE
L'Andalousie et le Rif
Le voyageur qui traverse en quelques minutes, à bord d'un avion rapide,
le détroit de Gibraltar a le regard attiré par une disposition du relief qui
lui semble être un jeu de la nature. La Cordillère Bétique, après avoir
décrit l'arc presque parfait d'une demi-ellipse, depuis le Rocher de Gibralt
ar jusqu'au sommet de la Sierra Nevada et des montagnes de Grenade,
s'efface un instant sous les eaux transparentes de la Méditerranée pour
reparaître sur la côte africaine, afin de dessiner, de Melilla au Djebel
Hammam, aux montagnes des Ghomara et à Tanger, une sorte d'Espagne
africaine qui se mire dans les eaux en faisant face à ce que l'on pourrait
appeler aussi bien, de l'autre côté, l'Afrique Espagnole de l'Andalousie.
De même, si l'on parcourt à petites journées l'un ou l'autre des deux
rivages, on rencontre en Afrique, comme en Europe, les mêmes montagnes
lumineuses et dénudées, les mêmes pentes couvertes des mêmes brouss
ailles, le même maquis odorant où les cistes résineux cachent çà et là de
semblables troupeaux de chèvres. Il n'est pas jusqu'aux villages blanchis à la
chaux des Ghomara de la côte africaine qui n'évoquent ceux de l'Espagne.
La petite ville de Chichaouen, avec ses toits de tuiles brunes, perdue au
cœur de la montagne des Djebala, est l'image barbare d'une petite cité de
l'Andalousie. Lorsqu'on rencontre au large quelque barque aux voiles
latines, on ne sait, à l'avance, si l'équipage est andalou ou rifain. Naguère
encore les marins des Boqqoya, les célèbres pirates berbères, allaient en
quelques heures se ravitailler en armes et en poudre de contrebande dans
le port de Malaga.
Ce que la nature avait ainsi uni dans un même cirque de montagnes,
séparé par un bras de mer qui ressemble souvent plutôt à un lac, l'histoire
devait cependant le briser et le désunir. Ce ne sont pas deux peuples
frères qui vivent sur les bords de cette petite mer circulaire, ce sont deux
peuples ennemis qui s'opposent depuis quatorze siècles, deux religions,
deux conceptions différentes de la vie, deux formes irréductibles de civi
lisation. On ne saurait donc s'étonner que la lutte de la Chrétienté et de 418 LA POLITIQUE AFRICAINE DE L'ESPAGNE
l'Islam ait connu ici une sorte d'exaspération causée par un trop proche
voisinage, et qu'elle ait atteint un acharnement, une violence, et disons
même parfois une férocité, observés nulle part ailleurs en d'autres parties
de l'Espagne ou de l'Afrique. C'est là que se sont préparés, au cours de
l'histoire, ces événements tragiques qui ont, pendant des siècles, changé
le sort de la Péninsule ou du Maroc : conquêtes musulmanes coupées de
croisades, qui n'ont guère cessé pendant près de dix siècles de part et
d'autre du Détroit.
Pour nous en tenir ici au passé le plus proche, les projets de conquête
du Rif, depuis le début de notre siècle, l'expédition militaire, les désastres
puis les victoires qui se sont succédé sur la terre d'Afrique, ont dominé,
dans une large mesure, depuis près de quarante ans, la politique extérieure
et la vie intérieure de la Péninsule ibérique tout entière. Depuis trois ans,
« la zone espagnole du Maroc » a servi de base militaire au mouvement
nationaliste. Les grands chefs militaires qui viennent de remporter la
victoire en Espagne ont presque tous été, tout d'abord, les héros épiques
d'une conquête africaine. Par un prodigieux retour des choses, les Berbères
des montagnes, dont les succès avaient, dix ans plus tôt, préparé la ruine
de la monarchie ont été, cette fois, les artisans de la victoire du Caudillo.
Soixante mille montagnards traversant, grâce aux avions italiens et allemands,
le bras de mer de la Méditerranée sont venus apporter leur concours à un
chef qui se donnait comme le restaurateur de la religion et le défenseur
de la société chrétienne. Étrange aventure, dont les péripéties nous repor
tent aux guerres du Moyen Age, en un temps où l'Islam et la Chrétienté se
prêtaient de mutuels concours pour des entreprises guerrières dans la
Péninsule.
Sommes-nous parvenus au dernier acte d'un grand drame historique dont
la conclusion serait l'établissement durable de l'Espagne dans cette zone
eôtière considérée comme une marche frontière? Devons-nous croire, au
contraire, comme nous y convient certaines nouvelles de presse lancées
complaisamment de Rome et de Berlin, qu'une ère nouvelle de conquête
africaine va s'ouvrir pour l'Espagne, que la zone du Rif servira de base
d'expansion pour la formation d'un nouvel Empire? La réponse à donner
à ces questions dépend dans une large mesure des influences étrangères
qui pourraient s'exercer sur le gouvernement de Madrid.
Mais les résultats de toute action dépendront avant tout étroitement
des forces politiques africaines. C'est en nous attachant à mesurer l'impor
tance de ces dernières que nous voudrions nous efforcer de discerner ce que
peuvent être les perspectives d'avenir de l'Espagne au Maroc et au Sahara. LA POLITIQUE AFRICAINE DE L'ESPAGNE 419
La Politique de l'Espagne en Afrique jusqu'en 1907
L'Espagne né possédait, au début du siècle dernier, sur la côte du Rif
que des « présides », C'étaient des bases de départ éventuelles pour la
croisade ou la lutte contre la piraterie : Melilla, Alhucémas, Vêlez et
Ceuta occupés pour la plupart depuis le XVIe siècle. L'Espagne avait
renoncé, en 1791, par un mouvement de découragement subit, à conser
ver le port d'Oran, après l'avoir occupé près de trois siècles. L'idée avait
fait peu à peu son chemin à Madrid, qu'il valait mieux chercher à obtenir
k sécurité de la navigation par des accords directs et amicaux avec le Sultan
du Maroc plutôt que par des guerres. De 1808 à 1820, les gouvernements
successifs de l'Espagne avaient même envisagé de céder les présides qui
n'étaient plus guère, à cette époque, que des bagnes et des centres de contre
bande. A partir de 1 840, les conquêtes françaises en Algérie avaient réveillé
le fanatisme musulman, et les incidents se répétaient fréquemment autour
des présides qui entretenaient près des établissements chrétiens une
atmosphère de guerre sainte du Moyen Age. C'est pour réagir contre ces
insultes que furent occupées, en 1848, les îles Zaffarines, tandis que le
Maréchal O'Donnel organisait en 1 859 une véritable expédition de guerre
de Ceuta vers Tétouan.
Pendant toute cette période du XIXe siècle, remplie par la rivalité de la
France et de l'Angleterre, l'Espagne se sentait d'ailleurs tacitement approu
vée par notre pays, tandis que la Grande-Bretagne surveillait avec une vigi
lance inquiète toute entreprise qui pouvait modifier, à son détriment, le
statu quo stratégique du Détroit de Gibraltar.
Le cabinet de Londres s'entretenait dès les premiers succès espagnols
pour aider le Sultan à signer la paix.
Un autre avantage fut acquis cependant : l'Espagne obtenait du Sultan
un petit territoire destiné à remplacer un établissement disparu depuis le
XVIe siècle à Santa Cruz de Mar Pequena. C'était là un lieu mal défini
qu'avaient fréquenté autrefois les pêcheurs des Canaries et les organisateurs
de razzias périodiques destinées à capturer des esclaves musulmans pour
les plantations. Tout l'art du Makhzen allait s'exercer pendant près de
cinquante ans pour éviter dé définir avec trop de précision cette zone in
certaine du Sud qui fut par la suite arbitrairement délimitée au voisinage
de Sidi Ifni. Retenons surtout de cette expédition de 1860 le d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents