La République Fédérale et les victimes du nazisme - article ; n°1 ; vol.26, pg 37-47
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Description

Politique étrangère - Année 1961 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 37-47
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 21
Langue Français

Extrait

Joachim Lipschitz
La République Fédérale et les victimes du nazisme
In: Politique étrangère N°1 - 1961 - 26e année pp. 37-47.
Citer ce document / Cite this document :
Lipschitz Joachim. La République Fédérale et les victimes du nazisme. In: Politique étrangère N°1 - 1961 - 26e année pp. 37-
47.
doi : 10.3406/polit.1961.5732
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1961_num_26_1_5732REPUBLIQUE FEDERALE LA
ET LES VICTIMES DU NAZISME
II peut paraître étonnant que quelqu'un qui n'appartient pas
à la confession judaïque traite de la situation des Israélites en
Allemagne depuis 1945. Je crois cependant que sur la base de
plusieurs décennies de liens amicaux très étroits avec la com
munauté israélite en Allemagne, et par suite de mes relations
administratives avec les Israéliens en Allemagne après la guerr
e, je peux apporter ma contribution à la clarification de ce
problème.
Je parlerai essentiellement du point de vue berlinois. Berlin,
avant 1933, était non seulement la capitale de l'Allemagne, mais
également le centre de la vie juive, car un Israélite allemand
sur quatre vivait à Berlin. Après 1933, ce chiffre a même aug
menté. Puis ce furent les hécatombes qui touchèrent les Juifs
à Berlin comme ceux du reste de l'Europe.
Aujourd'hui, de nouveau, la communauté israélite de Berlin
est la plus importante du pays et compte à peu près le quart
des Israélites d'Allemagne .
Ce n'est un secret pour personne que l'antisémitisme n'a pas
été une invention de Hitler : il existait avant lui. Il serait faux
de croire que l'antisémitisme a disparu en même temps que
l'hitlérisme ; il lui a survécu. Mais la forme particulièrement
barbare que prit sous le règne de Hitler a été
réprouvée par les antisémites eux-mêmes.
Il existait avant 1933 certains militants antisémites ; ceux-ci
ne représentaient toutefois qu'une minorité. Les juifs étaient
considérés par eux comme une population de moindre valeur
et ayant moins de droits. Ceci se manifestait de plusieurs fa
çons : ainsi on n'admettait pas les Israélites dans certaines cor
porations d'étudiants ; ils pouvaient rarement devenir officiers ;
certains postes officiels ne leur étaient pas attribués et dans 38 UPSCHITZ
certaines familles on faisait l'impossible pour éviter les mar
iages avec des Israélites.
De plus, il existait une réserve parfois inconsciente, réserve
qui existe à nouveau parfois aujourd'hui en Allemagne. Ainsi,
lorsque quelqu'un vous dit : « Monsieur X... est Juif, mais néan
moins c'est un honnête homme», ce «mais néanmoins » ex
prime et formule toutes les réserves que je voudrais voir en
glober dans cet antisémitisme existant avant Hitler.
Bien des gens croient difficilement que l'ampleur des souf
frances infligées aux Israélites en Allemagne n'a été pleinement
connue dans ce pays qu'après 1945. J'ai souvent discuté ce pro
blème à l'étranger. Mes interlocuteurs pensaient toujours que
l'on cherchait là une échappatoire. Mais ceux qui ont vécu en
Allemagne avant 1945 savent qu'il n'était guère facile à l'épo
que de répandre de telles informations. Certes, les Allemands
soupçonnaient plus ou moins qu'en Europe orientale notam
ment, des souffrances épouvantables étaient infligées aux Juifs.
Tous ont pu voir dans les grandes villes d'Allemagne des gens
qui portaient l'étoile jaune. Certains avaient appris que « par
nuit et brouillard » on emmenait les gens, qu'un destin atroce
attendait ceux qui disparaissaient ainsi. Mais le nombre des
déportés, la perfidie et l'hallucinante cruauté des méthodes em
ployées n'ont été connues en Allemagne qu'après la défaite.
Ceux qui disposaient d'informations par les radios étrangères
ou d'autres sources plus précises comprenaient
qu'il était dangereux, à l'époque, de répandre de telles info
rmations et, de toutes façons, ceux qui savaient se limitaient à
un cercle relativement étroit.
A la fin de la guerre, ou peu de temps après on a soulevé en
Allemagne la thèse de la culpabilité collective. Cette thèse n'a
jamais été acceptée en Allemagne, même pas par les Allemands
qui réprouvaient les actions qui avaient été accomplies. Ce refus
a été influencé par des facteurs étrangers à l'objet même de la
thèse. En effet, au cours des dernières années de la guerre, le
peuple allemand — et je laisse maintenant de côté la question
de culpabilité — a souffert à son tour : des millions de per
sonnes ont été chassées d'Allemagne orientale ; chaque famille
a été frappée par la guerre ; les villes allemandes ont été, pour
la plupart, détruites dans une très grande proportion. On a ten- DU NAZISME 39 VICTIMES
dance à grossir son propre malheur au détriment du malheur
des autres et cette tendance a peut-être contribué au fait que
les Allemands ne désiraient pas superposer à un malheur col
lectif une culpabilité collective.
Sans vouloir polémiquer, je dirai également que certains phé
nomènes bien connus d'après-guerre, qui se sont produits en
Allemagne sous l'occupation communiste, ont beaucoup contri
bué à ne pas permettre de délimiter ce qui est respect de la
personne humaine et ce qui est son contraire. Je crois que ces
circonstances ont été parfaitement comprises par Théodore
Heuss et qu'il les a correctement interprétées lorsqu'il a dit à
Bergen-Belsen : « La culpabilité collective ? Non. La honte
collective de ce qui a été fait au nom de l'Allemagne ? Oui ».
Je crois que cette thèse de la honte est admise sile
ncieusement par tous en Allemagne.
Dès la fin de la guerre, puis de façon plus positive après la
création de la République fédérale, on a parlé d'indemnisat
ions.
Je crois pouvoir dire que les indemnisations ont été accept
ées, dès le début, en Allemagne, par de très larges couches de
la population qui les ont même considérées comme une nécess
ité. Cette acceptation était-elle d'ordre tactique ou d'ordre
moral ? Il importe peu quant aux résultats. Mais je voudrais
tirer au clair une erreur qui est faite trop souvent et qui est
très répandue, à savoir que l'on désire considérer ce problème
d'indemnisation uniquement comme un problème de règlement
de dommages entre d'une part les victimes israélites et d'autre
part l'Allemagne d'après guerre. On oublie trop souvent que
des centaines de milliers d'Allemands qui n'avaient aucun lien
avec la communauté israélite allemande sont morts dans des
camps de concentration nazis ; que des centaines de milliers
ont survécu et souffrent aujourd'hui des suites de leur déten
tion : ils vivent en Allemagne, mais quelquefois aussi à l'étran
ger ; ils ont eu leur existence brisée, eux aussi ; ils ont donc
droit aux indemnisations comme ceux qui les demandent pour
avoir souffert pour leur confession ou, comme on le dit de
nouveau, pour leur race. Lorsque l'on parle d'indemnisations
il s'agit de celles qui concernent les victimes tant confessionn
elles que politiques. 40 LIPSCHITZ
En prenant l'exemple de Berlin, on constate que la proport
ion entre les demandes d'indemnisation provenant des vict
imes raciales et celles provenant des victimes politiques est de
3 à 1. Mais 70 % des demandes proviennent de personnes rési
dant maintenant hors d'Allemagne et dont une très petite mi*-
norité seulement est composée de victimes politiques. Parmi les
ayants-droit résidant à Berlin, par contre, les victimes polit
iques représentent environ la moitié. Cette parenthèse était né
cessaire pour éviter le danger d'un point de vue antisémite ou
philosémite : il convient de placer le problème dans son cadre
exact.
Si le principe de l'indemnisation avait, dès le début, trouvé
l'accord d'une large couche de la population en Allemagne, les
formes spécifiques que ces indemnisations devaient prendre
restaient vagues dans leur esprit. D'ailleurs, la matière est trop
compliqué

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