Le dialogue islamo-chrétien - article ; n°3 ; vol.41, pg 219-239
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Description

Politique étrangère - Année 1976 - Volume 41 - Numéro 3 - Pages 219-239
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Paul Charnay
Le dialogue islamo-chrétien
In: Politique étrangère N°3 - 1976 - 41e année pp. 219-239.
Citer ce document / Cite this document :
Charnay Jean-Paul. Le dialogue islamo-chrétien. In: Politique étrangère N°3 - 1976 - 41e année pp. 219-239.
doi : 10.3406/polit.1976.1719
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1976_num_41_3_1719LE DIALOGUE ISLAMO-CHRÉTIEN
Essai d'interprétation psycho-stratégique
par Jean-Paul CHARNAY
Le 1er février 1976, s'ouvrait à Tripoli de Libye la première grande
rencontre internationale des temps modernes entre chrétiens et
musulmans : « le Séminaire du dialogue islamo-chrétien » . Au soir
de la première journée, un cardinal de la sainte Eglise catholique,
apostolique et romaine en robe pourpre étreignait longuement les
mains du chef du Conseil du Commandement de la révolution
libyenne, le colonel ascète en polo noir. La scène soulevait dans
l'assistance une immense attente. Chez les croyants par le désir de
mieux connaître — reconnaître — cet Autre avec lequel on s'était
tant battu ; chez les érudits, par le souvenir des grandes joutes théo
logiques courtoises entre les orateurs des trois religions abrahami-
ques au temps de la splendeur abbasside ; chez les agnostiques par
la pensée que tout ce qui rapproche d'anciens adversaires sert la paix
de l'humanité.
Le sang des massacres fumait au Liban. Mais les Méditerranéens
auraient-ils soif de pureté ? Au moment où se fermait le dialogue de
Tripoli s'ouvrait à Barcelone une conférence des pays jouxtant la
vieille mer destinée à la préserver de la pollution industrielle et
urbaine. Certes, Israël siégeant à cette conférence, la Libye n'y assis
tait pas. Mais à côté de la soif de pureté écologique — la lutte contre
les déjections citadines et les déchets chimiques — la soif de la
pureté politique transparaîtra-t-elle ? Les conférences sur la rénovat
ion du droit de la mer, le passage de la vieille réalité des eaux ter
ritoriales au principe contesté de la zone économique étendront-ils
les droits des riverains sur cette mer étroite par excellence ? La major
ité du tonnage pétrolier, la moitié environ des navires de guerre de JEAN-PAUL CHARNAY 220
la planète, deux redoutables flottes soviétique et américaine sont
concentrées dans Mare Nostrum devenue « Mer des Autres »...
Le 6 février pourtant, le dialogue s'acheva du côté chrétien dans
le tumulte, les contradictions et les désaveux. Fut-il victime de son
gigantisme, des implications politiques sous-jacentes, des conditions
intellectuelles et institutionnelles de son déroulement ? Il serait vain
de porter des jugements de valeur. Dans l'espoir même de sa compréh
ension, s'impose d'abord une stricte analyse des événements.
Position des protagonistes
Le principe de la rencontre n'était pas neuf. Depuis l'œcumé
nisme tous azimuths mais fort prudent résultant de Vatican II,
l'Eglise catholique base ses relations avec les autres religions sur trois
attitudes : déflation, en sympathie, des anathèmes et condamnations
séculaires ; définition, en réflexion, des points d'accord et de désac
cord théologiques ; retrait, en politique, des imbrications temporelles
trop marquées.
Pour la Pentecôte 1964 (le choix d'une telle fête était significatif)
Paul VI avait institué le « secrétariat du Vatican pour les relations
avec les non-chrétiens ». Et la déclaration conciliaire du 28 octobre
1965 affirmant 1' « estime » de l'Eglise pour les musulmans « soumis
aux décrets de Dieu » et respectueux de « la vie morale », ouvrit la
voie à maints documents et études destinés à maintenir un dialogue
humain et intellectuel avec l'Islam : notamment le Bulletin du Secrét
ariat, les Orientations pour un dialogue entre chrétiens et musul
3e éd. 1970), et la toute récente revue plus mans (Ancora, Roma,
erudite Islamochristiana.
Le chemin avait été long pour oublier le style triomphaliste des
congrès eucharistiques de Carthage et d'Alger entre les deux guerres
mondiales qui coïncidaient chronologiquement avec la célébration
du centenaire de la prise d'Alger et avivaient les susceptibilités et les
craintes religieuses des Maghrébins. Il était passé par le désengage
ment de l'Eglise vis-à-vis de la domination coloniale au long des
guerres de libération. Il dépassait la coloration mystique et affective
des nombreuses rencontres intervenues au cours des deux dernières
décennies entre musulmans et chrétiens, telles les premières sessions
des Bénédictins de Toumlinine (Maroc), et dont le modèle achevé et DIALOGUE ISLAMO-CHRÉTIEN 221
parfois controversé demeure le pèlerinage ranimé par Louis Massi-
gnon à Vieux-Marché près Lannion en Bretagne en commémoration
des Sept Dormants d'Ephèse — ces Dormants qui sont avec la
Vierge et les grands prophètes parmi les très rares personnages honor
és à la fois dans la Bible et dans le Coran. Il débouchait sur la
réunion d'études : ainsi les conférences sur les droits de l'homme en
islam données en 1974 par les Grands Ulémas d'Arabie Séoudite
devant le Conseil œcuménique des Eglises à Genève, le secrétariat
romain ci-dessus évoqué et le Conseil de l'Europe à Strasbourg ;
ainsi de quelques congrès locaux tels Hammamet et Cordoue (1974)
où, pour la première fois depuis la Reconquête (1236), la prière
musulmane avait retenti sous les arcs doubles de la vieille mosquée
cathédrale...
A Tripoli, la partie invitante était la Libye (exactement : l'Union
Socialiste Arabe, le parti unique), et l'inspirateur de la rencontre, le
colonel Kadhafi. Croyant musulman conscient et anxieux de l'effet
déstabilisant de l'indispensable développement économique sur les
valeurs religieuses et morales, il veut fonder son action sur les prin
cipes et les prescriptions de la Révélation. Il postule une conception
« divine » du Coran dans laquelle l'effort de recherche (ijtihad en
tendu au sens développement et maturation des virtualités contenus
dans le texte révélé, et non création humaine de normes) permettrait
de dégager l'universalité du message coranique (discours inaugural
du premier congrès pour la propagation de l'Islam, le 12 décembre
1971 à Tripoli et discours du 8 février 1973 au Caire). Se méfiant
de l'utilisation des préceptes divins à des fins humaines particulières,
égoïstes, comme des interprétations intellectuelles formulées par les
savants religieux trop « spécialistes », il s'efforce de proposer au
peuple libyen, à la nation arabe, à la communauté musulmane, au
Tiers-Monde souffrant, à la communauté internationale, à l'human
ité, une « troisième voie » entre le capitalisme et le communisme,
cette « Troisième Théorie Mondiale » susceptible de résoudre les
contradictions et les malaises sociaux, éthiques, politiques et écono
miques. Troisième Théorie formulée dans le Livre Vert dont les
premiers exemplaires furent distribués lors de son apparition au
séminaire.
L'union des croyants lui semble donc pressante pour lutter contre
le matérialisme montant. Reprenant le verset célèbre : « Dites : O
peuples du Livre, arrivez à vous entendre entre vous », affirmant — 222 JEAN-PAUL CHARNAY
ce que certains musulmans ont estimé hardi — que le jihad (guerre
sainte) n'est prévu dans le Coran qu'à rencontre des incroyants, mais
non des tenants du tronc révélé commun, chrétiens et juifs, surtout
s'ils respectent leur loi, il invite tous les esprits de bonne volonté à
reconnaître et l'unicité originelle (l'islam étymologique) des trois
grandes religions monothéistes et la continuité de la Révélation par
le canal de la prophétie : d'Abraham à Muhammad en passant par
Moïse, Jésus et ses apôtres. Tous ces prophètes — et tous ceux qui
ont cru en Dieu unique et en leurs prophéties — étaient déjà des
musulmans car l'islam, d'après la conception divine, est plus large
que l'islam historiquement élaboré par les musulmans de

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