Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d une récente controverse allemande autour de la théorie du processus de civilisation de Norbert Elias - article ; n°55 ; vol.14, pg 151-181
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Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d'une récente controverse allemande autour de la théorie du processus de civilisation de Norbert Elias - article ; n°55 ; vol.14, pg 151-181

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Politix - Année 2001 - Volume 14 - Numéro 55 - Pages 151-181
The Civilizing process on trial. Notes on a recent german controversy about Norbert Elias' civilization theory Dominique Linhardt After its re-discovery in the 70's and its ensuing canonisation during the following decade, the work of Norbert Elias has been exposed since the late 80's to an increasing level of criticism. In Germany, these critiques lead to a controversy that focused on Hans Peter Duerr's refutation of the theory of the civilizing process. Beyond the matter of facts and the empirical lacks asserted by the anthropologist in the four volumes of his Myth of the civilizing process, the author aims to unveil, under the apparent scientific make-up of Elias' theory, its nature of a political myth that allowed - and, according to him, still allows - the false assertion of the superiority of the western world over the others, the non occidental cultures. The paper suggests, instead of taking position in favour of the ones or the others, to make use of the study of the controversy for a better understanding of the theoretical and normative implications of the theory of the civilizing process by showing how Elias achieves articulating both: the claim to formulate a science of the human and the will to participate to the fulfilment of a better society.
Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d'une récente controverse allemande autour de la théorie du processus de civilisation de Norbert Elias Dominique Linhardt Après sa « redécouverte » dans les années 1970, après sa « canonisation » au cours de la décennie suivante, l'œuvre de Norbert Elias s'est vu soumise, depuis la fin des années 1980, à des critiques de plus en plus vives. En Allemagne, ces critiques ont conduit à une controverse qui s'est nouée autour de la réfutation de la théorie du processus de civilisation entreprise par Hans Peter Duerr. Au-delà des erreurs factuelles et des lacunes empiriques que l'anthropologue fait valoir dans les quatre volumes que compte son Mythe du processus de civilisation, il vise à dénoncer, sous l'apparente scientificité de la théorie du processus de civilisation, un « mythe politique » qui servirait de justification au sentiments de supériorité qu'ont affiché -et affichent encore aujourd'hui - les « occidentaux » à l'égard des cultures « non occidentales ». Le présent article se propose, au lieu de prendre position en faveur de l'une ou de l'autre des positions défendues, d'étudier la controverse comme un « révélateur » qui peut nous permettre de mieux comprendre les enjeux théoriques et normatifs du geste éliasien et la manière dont Elias fait tenir ensemble la prétention de formuler une « science de l'homme » en même temps que celle de contribuer à l'accomplissement d'une cité meilleure.
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Dominique Linhardt
Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d'une récente
controverse allemande autour de la théorie du processus de
civilisation de Norbert Elias
In: Politix. Vol. 14, N°55. Troisième trimestre 2001. pp. 151-181.
Citer ce document / Cite this document :
Linhardt Dominique. Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d'une récente controverse allemande autour de la théorie
du processus de civilisation de Norbert Elias. In: Politix. Vol. 14, N°55. Troisième trimestre 2001. pp. 151-181.
doi : 10.3406/polix.2001.1177
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2001_num_14_55_1177Résumé
Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d'une récente controverse allemande autour de la
théorie du processus de civilisation de Norbert Elias
Dominique Linhardt
Après sa « redécouverte » dans les années 1970, après sa « canonisation » au cours de la décennie
suivante, l'œuvre de Norbert Elias s'est vu soumise, depuis la fin des années 1980, à des critiques de
plus en plus vives. En Allemagne, ces critiques ont conduit à une controverse qui s'est nouée autour de
la réfutation de la théorie du processus de civilisation entreprise par Hans Peter Duerr. Au-delà des
erreurs factuelles et des lacunes empiriques que l'anthropologue fait valoir dans les quatre volumes que
compte son Mythe du processus de civilisation, il vise à dénoncer, sous l'apparente scientificité de la
théorie du processus de civilisation, un « mythe politique » qui servirait de justification au sentiments de
supériorité qu'ont affiché -et affichent encore aujourd'hui - les « occidentaux » à l'égard des cultures «
non occidentales ». Le présent article se propose, au lieu de prendre position en faveur de l'une ou de
l'autre des positions défendues, d'étudier la controverse comme un « révélateur » qui peut nous
permettre de mieux comprendre les enjeux théoriques et normatifs du geste éliasien et la manière dont
Elias fait tenir ensemble la prétention de formuler une « science de l'homme » en même temps que
celle de contribuer à l'accomplissement d'une cité meilleure.
Abstract
The Civilizing process on trial. Notes on a recent german controversy about Norbert Elias' civilization
theory
Dominique Linhardt
After its "re-discovery" in the 70's and its ensuing "canonisation" during the following decade, the work
of Norbert Elias has been exposed since the late 80's to an increasing level of criticism. In Germany,
these critiques lead to a controversy that focused on Hans Peter Duerr's refutation of the theory of the
civilizing process. Beyond the "matter of facts" and the empirical lacks asserted by the anthropologist in
the four volumes of his Myth of the civilizing process, the author aims to unveil, under the apparent
scientific make-up of Elias' theory, its nature of a "political myth" that allowed - and, according to him,
still allows - the false assertion of the superiority of the western world over the "others", the "non
occidental" cultures. The paper suggests, instead of taking position in favour of the ones or the others,
to make use of the study of the controversy for a better understanding of the theoretical and normative
implications of the theory of the civilizing process by showing how Elias achieves articulating both: the
claim to formulate a "science of the human" and the will to participate to the fulfilment of a better society.Le procès fait au Procès de civilisation
A propos d'une récente controverse allemande
autour de la théorie du processus de
de Norbert Elias*
Dominique LlNHARDT
Depuis 1988 s'est développée en Allemagne, mais aussi partiellement
au-delà, aux Pays-Bas et en Angleterre pour l'essentiel, une
controverse à propos de la théorie du processus de civilisation.
Cette commence par la critique frontale que l'ethnologue et
historien de la culture Hans Peter Duerr oppose en 1988 dans le premier
volume de son Mythe du processus de civilisation1 aux thèses de Y opus magnum
de Norbert Elias2. Trois autres volumes verront le jour par la suite, chaque
* Je remercie F. Jobard pour ses lectures successives des différentes versions de ce texte.
1. Duerr (H.P.), Nacktheit und Scham. Der Mythos vom Zivilisationsprozess, Francfort /Main,
Suhrkamp, 1988 (traduction française : Nudité et pudeur. Le mythe du processus de civilisation,
Paris, Editions de la Maison des sciences de l'homme, 1998).
2. Les deux tomes de Über den Prozess der Zivilisation. Soziogenetische und psychogenetische
Untersuchungen, publiés en 1939, ont été traduits en français à partir de la réédition allemande
de 1969. On peut regretter le choix editorial consistant à faire des deux volumes d'un ouvrage
unique deux livres séparés et publiés à deux ans d'intervalle (La civilisation des mœurs en 1973 et
La dynamique de l'Occident en 1975, tous chez Calmann-Lévy). Ce faisant, l'unité profonde
de l'entreprise d'Elias a été rendue plus difficile à percevoir. Cette difficulté a été renforcée par
le fait qu'en 1974 parut dans la même collection (« Archives des sciences sociales ») La société de
cour. Pour restituer son unité à l'ouvrage, nous parlerons ici du Procès ou du Processus de
Politix. Volume 14 - n° 55/2001, pages 151 à 181 Politix n° 55 152
publication marquant, par les réactions suscitées, les moments
d'effervescence d'une controverse qui s'étale sur plus de dix ans3. Le but
explicite de cette entreprise intellectuelle est d'établir la fausseté de la théorie
du processus de civilisation en montrant que « l'affirmation selon laquelle
l'homme "occidental" aurait, au cours des cinq cents dernières années, bien
mieux réussi ce que Nietzsche avait appelé la "domestication de l'animalité
de l'être humain" que les Orientaux, lés Africains ou les Indiens est
erronée^ ».
La démonstration de Hans Peter Duerr se présente sous la forme d'un long
enchaînement : sur près de deux mille cinq cents pages se succèdent
d'innombrables situations, événements, exemples tirés de l'histoire, de la
littérature, des mythologies, de l'ethnologie ou de l'histoire de l'art. La
multiplicité et l'hétérogénéité des situations tiennent lieu de soutènement
pour assigner ses limites à l'épuration analytique, au « malthusianisme
théorique » de l'approche éliasienne. Beaucoup ont ainsi vu la clef de la
controverse dans un affrontement entre deux manières de concevoir les
sciences de l'homme et de la culture. Thomas Macho l'interprète par
exemple comme une confrontation entre deux « styles méthodologiques »
antagoniques : le style du « chasseur » et celui du « cueilleur5 ». Norbert
Elias serait le représentant typique de l'ordre des chasseurs. Sa démarche se
caractériserait par une « symptomatique inattention au détail »
contrebalancée par l'intérêt pour la « grande théorie ». Duerr, de son côté,
serait l'exemple même du cueilleur, amassant des quantités énormes
d'observations particulières, de fragments, de faits divers qu'il aligne
patiemment les uns derrières les autres.
L'opposition entre le théoricien et l'empiriste, qu'elle tende, comme le fait
Thomas Macho, à soutenir Duerr contre Elias ou, au contraire, qu'elle vise à
immuniser Elias contre la critique factuelle et empirique6, semble cependant
civilisation. L'édition de référence est celle des éditions Suhrkamp de 1976. On citera : PZ I =
tome 1, « Wandlungen des Verhaltens in den weltlichen Oberschichten des Abendlandes » = La
civilisation des mœurs ; PZ II = tome 2, « Wandlungen der Gesellschaft. Entwurf zu einer Theorie
der Zivilisation » = La dynamique de l'Occident.
3. Duerr (H. P.), Intimität. Der Mythos vom Zivilisationsprozess, Francfort/Main, Suhrkamp, 1990,
Obszönität und Gewalt. Der Mythos vom Francfort /Main, 1993, Der
erotische Leib. Der Mythos vom Zivilisationsprozess, Francfort /Main, Suhrkamp, 1997. On se
référera aux quatre volumes sous les dénominations Duerr I, Duerr II, Duerr III et Duerr IV.
Dans le quatrième tome Duerr annonce un cinquième. Seul le premier (Nacktheit und Scham...,
op. cit.) a donc été traduit en français.
4. Duerr III, p. 13 (souligné dans le texte).
5. Ma

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