Les tendances d évolution des Amériques - article ; n°4 ; vol.13, pg 315-328
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Description

Politique étrangère - Année 1948 - Volume 13 - Numéro 4 - Pages 315-328
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1948
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Gottmann
Les tendances d'évolution des Amériques
In: Politique étrangère N°4 - 1948 - 13e année pp. 315-328.
Citer ce document / Cite this document :
Gottmann Jean. Les tendances d'évolution des Amériques. In: Politique étrangère N°4 - 1948 - 13e année pp. 315-328.
doi : 10.3406/polit.1948.2846
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1948_num_13_4_2846r
TENDANCES D'ÉVOLUTION DES AMÉRIQUES
Les Amériques passent aujourd'hui par un tournant capital de leur
histoire. Des changements profonds s'effectuent au sein du nouveau
monde ; des civilisations nouvelles s'y élaborent dont les formes et l'esprit
ne sauraient être indifférents au public européen. Les pays d'Amérique
assument désormais un rôle essentiel sur la scène internationale. Le pro
cessus de constitution interne de la plupart de ces pays touche au moment
où des formes de maturité apparaissent. L'évolution présente entraîne des
changements de structure, qui pourraient bien être durables et même
décisifs pour un avenir moins souple que ne le fut le passé.
Il faut saris doute parler des Amériques au pluriel. Ces contrées sont
si variées par leurs aspects régionaux, par la nature comme par les pro
blèmes humains, que le nouveau monde est une mosaïque d'une rare
richesse. Mais il ne faut pas négliger les caractères d'unité sur lesquels
reposent la solidarité du nouveau monde et l'originalité de ses civilisations.
Nous verrons ensuite les aspects régionaux et les oppositions internes.
Traits d'unité continentale.
Le premier caractère particulier au nouveau monde est, bien entendu,
sa nouveauté, c'est-à-dire sa jeunesse. En géographie humaine, l'âge d'une
communauté, le degré d'ancienneté dans l'organisation d'une région sont
considérations capitales. Il faut rappeler la phrase d'Henri Bergson que
« la durée fait la qualité » et se souvenir que les pays d'Amérique n'ont été
constitués sous leur- aspect moderne que depuis moins de quatre, souvent
même moins de trois siècles. Les vieux souvenirs qui obsèdent l'Europe et
l'Asie n'y existent point. Parvenant à maturité, ces peuples ne fondent
donc point leurs attitudes sur un passé révolu, mais plutôt sur le présent
ou sur l'avenir. L'expert venu d'Europe est souvent choqué par l'attitude
d'esprit américaine consistant à discuter des plans d'action non pas en JEAN GOTTMANN 316
fonction de ce qui fut, ni même souvent de ce qui est, mais plutôt de ce qui
devrait être.
Le second caractère d'unité réside dans la diversité, la bigarrure du
peuplement. Depuis longtemps le problème du « creuset », de la fusion
d'éléments divers en un alliage national unique et bien trempé, s'est posé
à chacun de ces pays. La nécessité du creuset se présente aujourd'hui
pourtant avec moins d'acuité que par le passé. Les courants d'immigration
ont été réduits à des proportions fort modestes ; ces apports n'affectent
plus guère la structure de la masse dans son ensemble. L'effort présent
porterait surtout vers une stabilisation du mélange obtenu.
Un autre trait général consiste en une certaine relation de l'homme à
l'espace. Cette relation est tout d'abord quantitative : l'Amérique semble
avoir toujours été vide d'hommes. Les évaluations les plus hardies du
chiffre total des populations précolombiennes ne dépassent guère 20 millions
d'âmes pour tout le nouveau monde. Aujourd'hui même, à l'exception des
États-Unis à l'est du Mississipi, l'Amérique n'a que de faibles densités •
on pourrait dire que c'est la partie du monde où le rapport de l'homme à
l'espace est le plus faible, mais où pourtant L'homme s'est forgé les outils
les plus puissants pour dominer les espaces vides.
Cette mise en valeur, quoique encore fort incomplète, fut, dans l'ensemble,
un succès. Il en résulte une prospérité relative, quatrième caractère d'unité.
L'Amérique n'a pas été dévastée par les grandes guerres de ce siècle. Les
besoins créés par les conflits du vieux monde ont accéléré la mise en valeur
sur bien des points. Leur récent essor économique et politique éveilla ces
pays jeunes, jusqu'ici surtout préoccupés d'eux-mêmes, à la conscience du
rôle considérable et des responsabilités qui leur incombaient désormais
dans le monde. La personnalité nationale vient s'affirmer en de tels moments.
Cette nouvelle compréhension d'eux-mêmes suggère aux Américains du
Nord comme du Sud un désir de stabiliser un peu leurs modes de vie,
leurs méthodes de penser et d'agir. Une telle tendance à la stabilité contredit
la tradition des changements constants, des courbes ascendantes, du rythme
toujours accéléré, caractérisant jusqu'ici les genres de vie et l'économie des
Amériques.
Ces caractères généraux concourent à différencier les attitudes améri
caines de celles des autres continents. Des pays plus vieux, aux populations
anciennement constituées, aux paysages organisés, aux densités plus fortes
depuis longtemps, aux traditions bien établies, ne sauraient réagir de la
même façon ni avoir des problèmes semblables. Entre le vieux monde et
le nouveau, malgré toutes les affinités culturelles, tous les liens du sang,
les différences sont profondes : ce sont des différences de civilisation. T
ÉVOLUTION DES AMÉRIQUES 317
Les deux Amériques.
D'autres oppositions s'accusent à l'intérieur du nouveau monde qui
ne sont pas moins profondes. Nous sommes habitués à parler de deux
Amériques : jadis il s'agissait de deux continents, une Amérique du Nord
et une Amérique du Sud dont la frontière passait par l'isthme de Panama.
Aujourd'hui, on distingue plutôt, de part et d'autre de la frontière entre
États-Unis et Mexique, les Amériques anglo-saxonne et latine. Manuels
de géographie comme organisations internationales adoptent de plus en
plus cette division, portant la cloison au Rio Grande. Les États-Unis sont
sans doute fort différents du Canada ; les pays andins ressemblent peu au
Brésil ; Antilles et républiques de l'Amérique centrale s'opposent à bien
des égards ; mais la distinction essentielle est bien entre pays latins et
anglo-saxons. Ainsi la division passe du plan physique sur le plan culturel :
là encore deux civilisations voisines s'opposent. Leurs singularités méritent
d'être attentivement examinées, car elles s'annoncent grosses de consé
quences pour l'évolution sociale du monde comme pour les problèmes
actuels de la politique internationale.
La première à se former en Amérique fut la civilisation latino-américaine.
Dès le XVIe siècle, les Espagnols installaient en Nouvelle-Espagne et ailleurs
des presses et des établissements d'enseignement supérieur ; de grandes
villes y fleurirent : Mexico, Lima, Carthagène-des-Indes, etc. Dominant
toujours les pays de l'Amérique du Sud et du Centre, cette civilisation néol
atine est d'origine ibérique, d'essence catholique ; son développement
comporte une participation constante, qui croît aujourd'hui en une véritable
pression, d'éléments amérindiens. Au nord du Rio Grande, règne une
civilisation nordique, d'origine essentiellement anglo-saxonne et pro
testante, qui connut, surtout à ses débuts, une participation française
notable.
L'essor quantitatif et qualitatif des pays anglo-saxons fut plus rapide et
plus original, que celui de la constellation des pays latins. L'habitude a
été ainsi prise de parler d'une civilisation « américaine » signifiant la combi
naison de genres de vie formée entre New- York et San- Francisco. L'expans
ion des Etats-Unis au nouveau monde contribue à renforcer l'usage de ce
terme. Mais les Nord-Américains eux-mêmes sont les premiers à insister
sur la dualité de leur hémisphère. Cette dualité peut s'expliquer en partie
par des considérations de géographie physique que nous prendrons^bien
garde de sous-estimer : l'Amér

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