Pierre de Craon et l esthétique claudélienne - article ; n°1 ; vol.29, pg 279-292
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1977 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 279-292
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

Truls WINTHER
Pierre de Craon et l'esthétique claudélienne
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1977, N°29. pp. 279-292.
Citer ce document / Cite this document :
WINTHER Truls. Pierre de Craon et l'esthétique claudélienne. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1977, N°29. pp. 279-292.
doi : 10.3406/caief.1977.1150
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1977_num_29_1_1150PIERRE DE CRAON
ET L'ESTHÉTIQUE CLAUDÉLIENNE
Communication de M. Truls WINTHER
{Oslo)
au XXVIIIe Congrès de l'Association, le 28 juillet 1976.
I
Je me propose ici de revenir sur une des questions trai
tées dans ma thèse de doctorat sur Claudel, publiée en nor
végien, à savoir les relations entre la réflexion claudélienne
sur la création poétique et Pierre de Craon, personnage
dramatique. Personne ne niera, je suppose, qu'il soit pos
sible de trouver quelque parenté entre certains points de
vue de l'architecte médiéval et la pensée de Claudel. Tout
efois, je n'ai pas seulement comparé les énoncés de Pierre
avec des idées claudéliennes ; j'ai aussi voulu regarder
la fonction dramatique de Pierre de Craon par rapport à la
vision claudélienne de l'art. Une telle démarche saura-
t-elle donner une compréhension plus approfondie de
L'Annonce faite à Marie ? C'est cette question, si vivement
discutée pendant ma soutenance en Norvège, que je vous
pose maintenant.
# # #
Permettez-moi, avant d'aborder l'étude de L'Annonce
faite à Marie, de présenter l'optique dans laquelle j'ai étu
dié l'œuvre de Claudel. Mes professeurs à l'Université d'Oslo
m'ont recommandé de choisir comme thème de ma thèse,
ce qu'ils appelaient <t la tradition chrétienne de l'esthé
tique française », c'est-à-dire celle des écrivains du grand 28o TRULS WINTHER
siècle d'inspiration chrétienne, et, en opposition à la doc
trine classique, du romantisme naissant (Chateaubriand
en premier lieu), et de la renaissance catholique française
de notre siècle, pour comparer leurs explications et inter
prétations du fait poétique. Il est, je crois, difficile d'affi
rmer que ces auteurs forment vraiment « une tradition » ;
je me permets toutefois, dans ce qui suit, de parler d'une
« tradition chrétienne esthétique » pour simplifier ma te
rminologie. Il y a certains thèmes, certaines idées, que l'on
retrouve chez une grande partie des écrivains cherchant à
expliquer la création et l'expérience poétiques et esthétiques
dans une perspective chrétienne, thèmes qui remontent
souvent jusqu'à la tradition médiévale et même patris-
tique.
L'étude de ces thèmes a contribué à éclairer ma lecture
des œuvres claudéliennes. Je suis convaincu que l'œuvre
claudélienne est vraiment imprégnée par quelques-uns de
ces thèmes, que je vais mentionner tout à l'heure. Ind
épendamment des écrits consacrés à la théorie esthétique
ou littéraire proprement dite, la « vision claudélienne de la
poésie » se trouve peut-être en premier lieu dans les œuvres
poétiques, comme par exemple les Cinq Grandes Odes, et
dans Art Poétique, œuvre qui pourrait être qualifiée de
« poème philosophique en prose ».
Ce qu'on peut appeler « la vision claudélienne de la poés
ie » est le résultat, non pas des spéculations théoriques,
mais des expériences vécues, le fruit des différentes crises
existentielles et morales que Claudel a traversées pendant
sa jeunesse. Ce serait mal comprendre la conception clau
délienne de la poésie que de ne pas la regarder comme
l'aboutissement de sa lutte pour trouver — lui, le chrétien,
doué de cette puissance énorme et ce besoin implacable
de création poétique — son « sens », son identité et son rôle
dans le monde. Claudel a en vérité, dès les années quatre-
vingt-dix, fait des études approfondies sur la pensée chré
tienne du moyen âge ; mais il n'y a rien, à mon avis, qui
donne à croire qu'il ait délibérément cherché une esthé
tique chez saint Thomas d'Aquin ou chez les autres penseurs DE CRAON ET L* ESTHÉTIQUE CLAUDÉLIENNE 28 1 PIERRE
médiévaux. On peut même se demander si Claudel a jamais
trouvé, dans sa vaste lecture, une théorie esthétique pro
prement chrétienne, sur laquelle il puisse bâtir sa propre
conception de l'art. S'il a eu des « maîtres » en ce qui con
cerne la réflexion esthétique, ces ont plutôt été
des poètes symbolistes comme Baudelaire, Poe, Rimbaud,
Mallarmé, poètes non-chrétiens et dans une certaine
mesure opposés au christianisme.
Je tiens donc à souligner que si Claudel atteint une vision
de la poésie qui est fondée sur une tradition, ce n'est pas
en se référant aux écrivains représentant cette tradition.
Il rejoint quelques-uns des grands thèmes de cette tradi
tion uniquement à travers sa propre lutte pour résoudre
des problèmes strictement personnels et individuels, pro
blèmes créés par les deux vocations qui s'entre-choquent
dans l'esprit du poète. Il devient donc, par ces expériences,
le chantre d'une certaine conception de la poésie ; concep
tion ancrée dans la tradition médiévale, et reformulée
par de nombreux auteurs — de la Renaissance jusqu'à notre
temps — cherchant une compréhension du fait poétique et
esthétique fondée sur une vision chrétienne du monde.
* # #
J'ai tâché, dans la première partie de ma thèse, de
décrire comment Claudel, dans Art Poétique et dans de
nombreux essais littéraires, vivifie, d'une manière profon
dément originale, quelques thèmes capitaux de cette
conception traditionnelle de la poésie. Aujourd'hui, je
dois me limiter à indiquer quelques-uns de ces thèmes qui
jouent un rôle si fondamental dans la vision claudélienne
du monde.
Premièrement, la poésie est pour Claudel un acte de
création qui peut être compris à la lumière de la création
divine. Il existe une certaine analogie, une certaine
parenté, si faible soit-elle, entre la force divine entrete
nant l'univers, et l'activité du poète. C'est en premier lieu
dans Art Poétique que se trouve le développement de cette TRULS WINTHER 282
idée si répandue dans la vie spirituelle européenne. Le
poète est, pour Claudel, à considérer presque comme un
collaborateur du Créateur. Mais cela ne veut pas dire que
Dieu ait donné au poète une position à part parmi les créa
tures, que la faculté de création donnée au poète soit chose
exceptionnelle. Une des thèses fondamentales du Traite
de la co-naissance est — comme on le sait — que le Créa
teur a délégué à toute chose la faculté de contribuer, d'une
manière spécifique, au maintien de l'œuvre divine, et ceci
de l'objet anorganique qui, par sa présence seule, est néces
saire pour que l'œuvre soit complète jusqu'à l'esprit
humain qui rend les choses spirituelles et éternelles à tra
vers la création poétique. On ne peut donc pas regarder
« l'inspiration poétique », selon Claudel, malgré le sens rel
igieux de l'acte créateur, comme chose « surnaturelle », mais
plutôt comme le plus grand élargissement et perfectionn
ement des dispositions naturelles, dispositions présentes
dans toute créature. C'est à travers sa conception de la
vie organique de l'univers (« nátura naturans », comme
disaient les philosophes du moyen âge) comme affirmation
de la force créatrice divine, que Claudel atteint sa concep
tion traditionnelle du poète comme un ouvrier dans l'œuvre
du Maître divin.
Mais cette conception du poète s'unit, dans l'univers
claudélien, à une autre idée fondamentale, appartenant
elle aussi aux traditions de pensées remontant au moyen
âge, et de là jusqu'à la philosophie antique. On peut dire
que le poète porte témoignage de Dieu par le fait qu'il a
le besoin

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