Réponses à l insécurité. Concessions aux pouvoirs locaux et reprises en main du pouvoir central - article ; n°1 ; vol.23, pg 81-91
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Réponses à l'insécurité. Concessions aux pouvoirs locaux et reprises en main du pouvoir central - article ; n°1 ; vol.23, pg 81-91

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Description

Annuaire des collectivités locales - Année 2003 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 81-91
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Frédéric Ocqueteau
VI. Réponses à l'insécurité. Concessions aux pouvoirs locaux et
reprises en main du pouvoir central
In: Annuaire des collectivités locales. Tome 23, 2003. pp. 81-91.
Citer ce document / Cite this document :
Ocqueteau Frédéric. VI. Réponses à l'insécurité. Concessions aux pouvoirs locaux et reprises en main du pouvoir central. In:
Annuaire des collectivités locales. Tome 23, 2003. pp. 81-91.
doi : 10.3406/coloc.2003.1482
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/coloc_0291-4700_2003_num_23_1_1482vi. réponses à l'insécurité.
Concessions aux pouvoirs locaux
et reprises en main du pouvoir central
Frédéric Ocqueteau
La production de sécurité publique a subi en France d'importantes mutations
tout au long des années 1990 (Ocqueteau, 1999). L'une d'entre elles tient au fait que la
demande de protection des personnes et des biens a été progressivement reconnue à
l'échelon local et central comme le référentiel vecteur d'une action publique renouvelée
au centre de laquelle le rôle du « service public de police » a pris les devants de la scène,
même si cela peut heurter l'orthodoxie juridique selon laquelle les forces de police ne
sauraient constituer un authentique service public. À juste titre peut-être, car en vertu
d'une tradition de monopolisation de la violence légitime et par le biais d'une police
centralisée, l'État a appris de longue date à prendre à sa charge entière la production du
bon ordre et de la tranquillité publique sur l'ensemble du territoire en éclipsant progres
sivement les maires d'une telle prérogative. Au point qu'on ne s'était plus de longtemps
soucié des priorités de l'action policière au sujet de cette « force instituée pour l'avan
tage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle [était] confiée »
(article 12 de la DDHC) dans la période des Trente Glorieuses, sauf à la contester dans
les périodes de crise comme celle de 1968, en la théorisant comme un appareil au ser
vice de la répression des mouvements sociaux pour le compte de la classe dirigeante.
Quant à la rhétorique de la protection des personnes et de leurs biens, elle n'occupait
pas le devant de la scène, ne faisant somme toute que sacrifier à une infime partie de ses
innombrables missions dans leur acception élargie de sûreté. Notion, quant à elle, trad
itionnellement entendue par la pensée politico-juridique comme la réponse en défense
globale de l'ordre public, peut-être faudrait-il dire de « l'ordre en public ». Sur un plan
plus sociologiquement fonctionnel, le raisonnement est à cet égard généralement diffé
rent de celui des juristes : si défense générale de l'ordre public il y a, elle passe par la
somme des effets des actions inhérentes à la « police de la souveraineté et du
renseignement », à la « police judiciaire » et à la « police administrative » dite de sûreté
81 Etudes
urbaine ou de sécurité publique (Monjardet, 1996). Or cette dernière modalité de pro
duction de l'ordre fut longtemps la moins valorisée des missions policières jusqu'au
moment où l'on s'avisa de lui demander des comptes, ce qui fit progressivement passer
ces missions-là au premier rang des préoccupations sociales. Au moment où des frac
tions de plus en plus larges de la société civile étaient en demande de protection contre
des dangers de toute nature, coups du sort, risques naturels et technologiques, violences
interindividuelles, les spécialistes s'avisèrent que ladite situation de monopole était bel
et bien en voie de se fissurer. Certes pas au sujet des deux premières fonctions évo
quées, mais bien au sujet de la troisième : la sécurité publique était promue service
public comme n'importe quel autre service social, obéissant désormais à une logique de
l'« offre » de service par rapport à une « demande » de la société exigeant un droit à la
sécurité, cette demande peinant à être toujours satisfaite.
Ce mécanisme général commença à faire sentir ses effets avec d'autant plus de
virulence que, durant les vingt dernières années, les pouvoirs locaux se mirent à for
maliser et à relayer cette demande de leurs administrés à leur bénéfice. Ils espéraient
ainsi reconquérir une parcelle de leur pouvoir historiquement perdue, bien des maires
exerçant par cette pression une forme de chantage à l'État central, soit pour obtenir
des préfets (voire préfets à la ville) des forces publiques plus conséquentes sur leurs
communes, soit en développant leurs propres polices municipales, espérant que l'État
central finirait par redéfinir la répartition des missions policières à leur avantage, tout
au augmentant leurs pouvoirs (de ce point de vue, l'affaire symbolique des arrêtés
anti-mendicité dans les années 95 constitua un révélateur exemplaire).
Tout se passa comme si l'État apparaissant défaillant dans sa réponse globale à
la demande de la société civile, le maire allait progressivement apparaître dans le
champ de la sécurité comme un challenger, un orfèvre capable de mieux satisfaire la
diversité des besoins locaux.
La disqualification actuelle des valeurs de liberté cédant progressivement le pas
à la montée de la rhétorique de l'offre et de la demande de sécurité publique, la
demande de protection entendue tant au sein de maintes collectivités territoriales que de
l'appareil d'État central prend place dans un contexte plus général de « glocalisation »,
dont les effets se réfractent de manière singulière sur l'État français : d'une part, la lex
mercatoria s'est emparée de la sécurité conçue comme un bien à péage dans sa compos
ante de protection (Ocqueteau, 1997 ; Collectif, 2002) à tous les échelons de la société
et de l'État dans une ambiance de baisse de la confiance sociale entre les individus et de
montée des seuils d'intolérance sociale. D'autre part, le processus de rationalisation de
l'efficience des « services publics » sous l'effet de l'injonction adressée par les réfor
mateurs de l'État (Bezès, 2002) d'administrer la preuve de leurs rentabilité et responsab
ilité évaluées en termes de coût/efficacité, a réussi à coloniser jusque et y compris les
agences policières et gendarmiques transmutées en « services publics de protection des
personnes et de leurs biens » (Dieu, 1999, 52 s.)
On examinera ici la nature des transformations et implications des politiques
de sécurité intérieure en développant un argumentaire en trois points. Au sujet des
demandes de protection de la société civile, on expliquera comment la montée du
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pouvoir symbolique des victimes individuelles et collectives (protestataires ou organi
sées) sur la scène politico-médiatique a obligé les pouvoirs publics locaux et natio
naux à tenir compte des préoccupations de nouveaux acteurs usagers que l'on s'est
efforcé d'ériger en partenaires, ce qui a transformé la nature des stratégies de prévent
ion et de répression collectives. À l'échelon central, on montrera, par-delà les alte
rnances politiques, comment les mécanismes progressifs de conversion à une
idéologie punitive désormais très valorisée n'empêchent pas de poursuivre dans la
coulisse l'organisation maîtrisée d'un partage de la production de sécurité avec les
acteurs marchands et les acteurs publics locaux. Pour l'heure néanmoins, il s'agit de
donner des gages symboliques de réassurance à des populations s' estimant menacées,
en désignant à la vindicte répressive des catégories de fauteurs de troubles et en dis
qualifiant progressivement les pratiques de la prévention sociale qui les concernaient
naguère, même si l'espoir est faible de restaurer la confiance collective. On illustrera
enfin les conséquences de cette mécanique en montrant comment l'État central
s'accommode activement de la montée des polices municipales et de la sécurité pri
vée. Il s'agit donc pour le

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