Une grande famille... Métiers de la céramique et stratégies industrielles à la faïencerie de Sarreguemines (1890-1940) - article ; n°45 ; vol.12, pg 57-86
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Une grande famille... Métiers de la céramique et stratégies industrielles à la faïencerie de Sarreguemines (1890-1940) - article ; n°45 ; vol.12, pg 57-86

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Politix - Année 1999 - Volume 12 - Numéro 45 - Pages 57-86
«A Great Family... Ceramics Craft and Industrial Strategies in the Earthenware Factory of Sarreguemines (1890-1940)».
Philippe Hamman [57-86].
In the second part of the nineteenth century big paternalistic industries emerge, whose directions depart from the mere liberal conception of work relations. The earthenware factory of Sarreguemines illustrates this evolution. The employees ideals of peaceful social relationship are implemented in an industrial sector where the productive practices become harshly standardized after 1890. In this context of the second industrialization, the «modernity» largely relies on the support of the specifie «tradition» of ceramics craft. This compromise has been built in order to foster the loyalty of a labour forces as they are contained in the frame of personalized relationships. Finally, it appears that these personal relations non only survive to the modernization of the firm, but also become the vector of this modernization.
«Une grande famille... Métiers de la céramique et stratégies industrielles à la faïencerie de Sarreguemines (1890-1940)».
Philippe Hamman [57-86].
La seconde moitié du XKe siècle voit la formation de grandes industries paternalistes dans lesquelles certains chefs d'entreprise s'écartent de la conception purement libérale du rapport de travail. La faïencerie de Sarreguemines en constitue un exemple. L'idéal patronal des rapports sociaux pacifiés parvient à se maintenir dans ce qui devient après 1890 un secteur «dur» de l'application de pratiques standardisée : alors même que les relations issues de la seconde industrialisation sont routinisées au sein de l'usine, la «modernité» s'appuie largement sur la «tradition» du travail de la céramique, pour susciter la loyauté d'une main-d'oeuvre saisie dans le cadre de relations différentielles et personnalisées. Non seulement ces relations subsistent à la modernisation de l'entreprise, mais les modalités nouvelles qu'elles en viennent à recouvrir en constituent un vecteur de première importance.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Philippe Hamman
Une grande famille... Métiers de la céramique et stratégies
industrielles à la faïencerie de Sarreguemines (1890-1940)
In: Politix. Vol. 12, N°45. Premier trimestre 1999. pp. 57-86.
Abstract
«A Great Family... Ceramics Craft and Industrial Strategies in the Earthenware Factory of Sarreguemines (1890-1940)».
Philippe Hamman [57-86].
In the second part of the nineteenth century big paternalistic industries emerge, whose directions depart from the mere liberal
conception of work relations. The earthenware factory of Sarreguemines illustrates this evolution. The employees ideals of
peaceful social relationship are implemented in an industrial sector where the productive practices become harshly standardized
after 1890. In this context of the second industrialization, the «modernity» largely relies on the support of the specifie «tradition»
of ceramics craft. This compromise has been built in order to foster the loyalty of a labour forces as they are contained in the
frame of personalized relationships. Finally, it appears that these personal relations non only survive to the modernization of the
firm, but also become the vector of this modernization.
Résumé
«Une grande famille... Métiers de la céramique et stratégies industrielles à la faïencerie de Sarreguemines (1890-1940)».
Philippe Hamman [57-86].
La seconde moitié du XKe siècle voit la formation de grandes industries paternalistes dans lesquelles certains chefs d'entreprise
s'écartent de la conception purement libérale du rapport de travail. La faïencerie de Sarreguemines en constitue un exemple.
L'idéal patronal des rapports sociaux pacifiés parvient à se maintenir dans ce qui devient après 1890 un secteur «dur» de
l'application de pratiques standardisée : alors même que les relations issues de la seconde industrialisation sont routinisées au
sein de l'usine, la «modernité» s'appuie largement sur la «tradition» du travail de la céramique, pour susciter la loyauté d'une
main-d'oeuvre saisie dans le cadre de relations différentielles et personnalisées. Non seulement ces relations subsistent à la
modernisation de l'entreprise, mais les modalités nouvelles qu'elles en viennent à recouvrir en constituent un vecteur de première
importance.
Citer ce document / Cite this document :
Hamman Philippe. Une grande famille.. Métiers de la céramique et stratégies industrielles à la faïencerie de Sarreguemines
(1890-1940). In: Politix. Vol. 12, N°45. Premier trimestre 1999. pp. 57-86.
doi : 10.3406/polix.1999.1779
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1999_num_12_45_1779Une grande famille...
Métiers de la céramique
et stratégies industrielles à la faïencerie
de Sarreguemines (1890-1940)
Philippe Hamman
Groupe de sociologie politique européenne
Institut d'études politiques de Strasbourg
LA SECONDE moitié du XIXe siècle voit la formation de grandes
industries paternalistes dans lesquelles certains chefs
d'entreprise vont s'écarter de la conception purement libérale du
rapport de travail1 et prétendre dispenser des services qui n'obéissent
pas à une stricte logique marchande. Historiens et économistes ont
largement analysé ces nouvelles stratégies patronales2 - préserver la
paix sociale, fixer la main-d'œuvre ouvrière - qui marquent le temps de
l'industrialisation. Elles supposent tout à la fois l'offre de services
diversifiés aux employés : soins médicaux, logements, sociétés de
prévoyance, mais aussi tout un travail symbolique d'identification :
fêtes d'entreprise, proximité affichée entre le patron et les ouvriers, etc.
C'est précisément l'ensemble de ces éléments qui fait à la fois système
et sens dans le cadre de la faïencerie de Sarreguemines3. Si le travail de
ses dirigeants - ou le paternalisme4 - traduit ainsi une entreprise de
rationalisation économique et de domination sociale, la modernisation
qu'ils accomplissent prend appui, de façon paradoxale, sur les modes
traditionnels de l'activité artisanale.
1. Cf. Ewald (F.), L'État providence, Paris, Grasset, 1986.
2. Voir notamment Murard (L.), Zylberman (P.), «Le petit travailleur infatigable ou le
prolétaire régénéré», Recherches, 25, 1976 ; Le mouvement social, «Paternalisme d'hier et
d'aujourd'hui», 144, 1988.
3. On se permet de renvoyer à nos travaux, Une ville, une entreprise, une famille : les
politiques de clôture paternaliste à l'œuvre aux faïenceries de Sarreguemines, mémoire
IEP, Strasbourg, 1995 ; Quand un nom s'attache une ville... Aspects du processus de
notabilisation : Alexandre de Geiger et Sarreguemines (1836-1870), mémoire DEA, IEP de
Strasbourg, 1996. Je remercie B. Gaïti, qui a dirigé ces recherches, ainsi qu'A. Collovald et
J.-L. Briquet pour la lecture d'une première version de ce texte.
4. Sur cette notion, cf. Noiriel (G.), «Du patronage au paternalisme», Le mouvement social,
144, 1988, qui distingue le «patronage» comme mode de gestion de la main d'oeuvre faisant
appel aux régulations traditionnelles, du «paternalisme», durcissement du patronage à la
fin du XIXe siècle. Cependant, de nombreux recoupements apparaissent possibles d'un
point de vue tant idéologique que pratique.
Politix, n°45, 1999, pages 57 à 86 5 7 Quand le passé fait la modernité
En une cinquantaine d'années, les capacités de production de la
faïencerie sont démultipliées ; on entre dans l'ère de la fabrication de
masse. Alors que la production atteignait en 1841 une valeur de
420 000F, ce chiffre passe à 6 590 000F en 19141. Dans le même
temps, la main-d'œuvre connaît une double évolution renvoyant à la fois
à la croissance du personnel et à sa différenciation. Lors de l'accession
du baron Alexandre de Geiger à la direction de l'entreprise en 1836,
celle-ci emploie 300 ouvriers2 ; ils sont 2 610 en 18763, alors que Paul
de Geiger a succédé à son père après l'annexion de l'Alsace-Moselle en
1870. La faïencerie comprend désormais, et de façon relativement
constante si l'on excepte le premier conflit mondial, de 2 500 à 3 000
ouvriers jusqu'en 19304. Par ailleurs, l'enquête économique réalisée à
Sarreguemines en 1895 nous fournit d'utiles indications sur la
composition du personnel de la fabrique qui atteint alors 2 602
personnes : on y dénombre, outre Paul de Geiger lui-même, deux
directeurs, 75 employés, 73 imprimeurs et contremaîtres, 1 659
ouvriers et 793 ouvrières. Cette main-d'œuvre ouvrière est répartie par
spécialités : les faïenciers et les porcelainiers (637 hommes et 18
femmes), les cuiseurs et les chauffeurs (322 et 67), les vernisseurs (31
et 174), les imprimeurs et les peintres (164 et 505), les magasiniers et
les emballeurs (232 et 11), les ouvriers des ateliers de réparation (60 et
13), les fabricants de fourneaux d'argile (37 et 1), les mouleurs, (21), les
chimistes du laboratoire (19), les ouvriers du bâtiment (52), les ouvriers
travaillant à la ferme, dans le jardin et les champs (34 et 2), les
transporteurs (27), les veilleurs de nuit (13), les femmes des cantines
(2) et les graveurs (13)5. L'étendue de la diversification des postes
comme des «hiérarchies au travail»6 atteste de la complexité croissante
d'une organisation industrielle qui ne ressemble alors plus guère à celle
de la manufacture des années 1830.
Pareilles transformations des moyens et de méthodes de production
s'accompagnent d'évolutions juridiques notables associées à
d'importantes ouvertures du capital marquant l'entrée en force de
bailleurs de fonds extérieurs provenant du groupe Villeroy et Boch7.
Pourtant, la raison sociale «Utzschneider et Cie»8 semble inchangée
1. Archives départementales de la Moselle (ADM), 468W9 (BI 1010) et 14 AL83.
2. Cf. Nérée-Quépat, Dictionnaire biographique du département de la Moselle, Paris,
1887, p. 193.
3. Selon la Saargemünder Zeitung du 16 septembre 1876.
4. AMS, Section IV, 3F5-6 ; ADM, 14 AL 83.
5.IV, 3F 5-6.
6. Voir Schweitzer (S.), «Industrialisation, hiérarchies au travail et hiérarchies sociales
au XXe siècle», Vingtième siècle. Revue d'histoire, 54, 1997.
7. On pourra consulter la thèse de Thomas (Th.), Rôle des Boch dans la céramique des
XVIIIe et XIXe siècles, Sarrebruck, 1973 ; musée régional de Sarreguemin

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