Vers une juridiction pénale internationale - article ; n°4 ; vol.20, pg 467-486
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Description

Politique étrangère - Année 1955 - Volume 20 - Numéro 4 - Pages 467-486
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eugène Aroneanu
Vers une juridiction pénale internationale
In: Politique étrangère N°4 - 1955 - 20e année pp. 467-486.
Citer ce document / Cite this document :
Aroneanu Eugène. Vers une juridiction pénale internationale. In: Politique étrangère N°4 - 1955 - 20e année pp. 467-486.
doi : 10.3406/polit.1955.2575
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1955_num_20_4_2575UNE JURIDICTION PÉNALE VERS
INTERNATIONALE (l)
L'immensité des crimes nazis a forcé les nations civilisées à prendre une
conscience plus claire des valeurs permanentes qu'elles entendaient pré
server à tout prix, à mettre le prix qu'exigeait leur défense, à essayer enfin
de protéger à l'avenir ces mêmes valeurs de nouvelles attaques, ce qui
ouvrait les portes de la légalité internationale. Sur ce chemin furent ren
versées nombre d'institutions considérées jusqu'alors comme faisant soli"
dement partie du droit international public. C'est ainsi que les notions de
« guerre » et de «paix» — et, par voie de conséquence, celle de « neutral
ité » — reçurent des coups dont, en fin de compte, elles ne se relèveront
plus : l'Autriche et la Tchécoslovaquie avaient subi « pacifiquement » le
même sort qu'à partir de l'agression contre la Pologne, devaient connaître
toutes les autres nations conquises à la pointe de l'épée par les armées
hitlériennes ; en outre, les crimes dits « de guerre » furent identifiés comme
(1) La présente étude reproduit et développe la Communication sur la nécessité de créer au
sein de l'O. N. U. une « Commission internationale d'enquête sur les crimes contre l'humanité »
dont M. Eugène Aroneanu saisit le président de la IXe session de l'Assemblée générale des
Nations Unies par lettre du 16 mai 1955. Sur la base de cette communication, ainsi que
des suggestions faites par M. Aroneanu dans l'article du Monde du 4 mars 1955, « Pour que
cessent les crimes contre l'humanité », l'Assemblée nationale française tut saisie par MM. Gau,
Montalat, Secrétan et Baylet d'une proposition de résolution, du 24 mars 1955, invitant le
Gouvernement a obtenir que la création d'une commission internationale d'enquête sur les crimes
contre l'humanité soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine session de l'Organisation des
Nations Unies. 468 EUGÈNE ARONEANU
étant juridiquement la prolongation de ceux commis dès « le temps de paix »
en Tchécoslovaquie et en Autriche, voire en Allemagne même, et baptisés,
rétrospectivement, crimes contre l'humanité.
La saisie des souverainetés dans les territoires occupés fut imputée à
crime à l'Allemagne hitlérienne — et elle était prohibée, en effet, par les
prescriptions du droit international (1) ; les Nations Unies victorieuses en
firent leur statut légal d'occupation après avoir réclamé et obtenu la capi
tulation sans conditions de leur ennemi commun. L'immixtion dans les
affaires internes de l'Etat occupé fut poussée à tel point par les Alliés qu'on
abolit l'ensemble du régime national-socialiste en lui substituant, obliga
toirement, la démocratie.
Enfin, les chefs du troisième Reich furent jugés et condamnés judicia
irement, des organisations furent déclarées criminelles, et leurs membres se
virent tout à coup frappés par les conséquences pénales d'une responsabilité
collective. A travers individus et collectivités incarnant la souveraineté
allemande, c'est l'Etat allemand — en tant qu'expression juridique de la
nation allemande — qui se voyait ainsi condamné pour crimes contre
la paix et contre l'humanité.
Une véritable révolution à l'échelle mondiale s'était accomplie. Le crime
nazi — qui avait coûté la vie à vingt millions d'innocentes victimes, à
plusieurs autres millions de combattants tombés au champ d'honneur
— avait certes surpris le monde civilisé ; mais aussi avait-il précédé la
loi en provoquant sa gestation, sa naissance. L'ordre public légal interna
tional démocratique est devenu depuis le plus immédiat des héritages de
la civilisation.
L'établissement d'un tel ordre public a été rendu urgent par un événe
ment supplémentaire : la découverte d'armes de destruction massive
capables d'anéantir toute vie humaine sur la surface de la terre en l'espace
de quelques heures. La société internationale se trouve ainsi « prise à la
gorge », tant par le paroxysme de la criminalité internationale que par le
risque d'être exterminée (2).
Pour ces raisons, il n'est certainement pas abusif de considérer notre
époque comme étant marquée par la nécessité vitale de l'établissement
(1) Sur l'a usurpation delà souveraineté », voir le magistral exposé de M. Edgar Faure au procès
de Nuremberg, Office Français d'Édition, Paris, 1946.
(2) Le président Roosevelt, faisant leur part au caractère redoutable du crime international et
aux moyens qui étaient désormais à sa portée — et dont il était au courant, — considérait, peu avant
sa mort, dans un message au Congrès, qu'à l'échec de l'organisation de la paix « le monde ne
survivrait pas ». JURIDICTION PÉNALE INTERNATIONALE 469
d'un ordre public international (1). Or, dans cet ordre public, le droit
pénal international occupe une place prépondérante.
En droit interne, la corrélation qui existe entre la préservation des valeurs
permanentes de la personne humaine — et donc de notre civilisation — et
le droit pénal est attestée tant par l'histoire des révolutions démocratiques
que par l'expérience de tous les jours. Si au droit pénal proprement dit
on ajoute la procédure pénale — ou d'instruction criminelle — il est per
mis d'affirmer que, de toutes les disciplines du droit, le droit pénal est le
plus intimement lié à l'authenticité de l'ordre public démocratique. Le
regretté professeur Donnedieu de Vabres note : «... Si l'on considère la
gravité des intérêts en cause, le droit pénal est la plus importante
des branches du droit. Un procès civil ne concerne le plus souvent que des
intérêts d'ordre pécuniaire. Dans le procès criminel, au contraire, c'est la
liberté, la vie, l'honneur de l'homme qui sont en jeu » (2).
Il en est de même dans la vie internationale, avec cette circonstance
particulièrement grave que, dans ce domaine, c'est la défense de l'honneur,
de la liberté, de la vie des hommes et des peuples du monde entier qu'il
s'agit d'assurer.
Nous savons par l'optique du droit interne le rôle que joue tant le
droit pénal international proprement dit que la procédure pénale internat
ionale. Pendant que le droit pénal établit les délits et les crimes en les
accordant de sanctions respectives, c'est l'instruction criminelle qui se
charge de l'application correcte de la justice. Elle revêt, de ce fait, une
importance considérable, car de son bon fonctionnement dépend le droit
pénal lui-même. On a pu dire à juste titre que, si le Code pénal est le code
des malfaiteurs, le Code d'instruction criminelle est celui des honnêtes
gens. Le droit pénal pourvoit au principe du châtiment des coupables ;
c'est la procédure pénale qui protège les innocents.
La distinction reste en tout point valable dans la vie internationale. On
en voit clairement l'intérêt lorsque les nations, à la recherche, par exemple,
de la définition de l'agression, attachent une importance plus grande aux
critères qui puissent les mettre à l'abri de la suspicion qu'à ceux qui éta
bliraient les données de la culpabilité. Tous les interminables débats
balançant entre la définition de la légitime défense et celle de l'agression
en sont une éclatante illustration.
En séparant donc les questions de procédure pénale internationale de
(1) Cf. Eugène Aroneanu : « Vers un ordre public international démocratique », Revue
politique et parlementaire, juillet 1956 (N° 650).
(2) V. Henri DONNEDIEU DE Vabres : Traité de Droit criminel, Sirey, Paris, 1947, p

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