A propos d Ätügän, déesse mongole de la terre. - article ; n°2 ; vol.149, pg 157-196
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1956 - Volume 149 - Numéro 2 - Pages 157-196
40 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

E. Lot-Falck
A propos d'Ätügän, déesse mongole de la terre.
In: Revue de l'histoire des religions, tome 149 n°2, 1956. pp. 157-196.
Citer ce document / Cite this document :
Lot-Falck E. A propos d'Ätügän, déesse mongole de la terre. In: Revue de l'histoire des religions, tome 149 n°2, 1956. pp. 157-
196.
doi : 10.3406/rhr.1956.7120
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1956_num_149_2_7120A propos d'Àtiigân
Déesse mongole de la terre
Les Mongols sont un terrain d'élection pour les partisans
du monothéisme primitif, du grand dieu se confondant, chez
ce peuple, avec le tengri, ciel éternel. On connaît cependant, et
surtout depuis Przyluski1, le rôle anciennement joué dans les
grandes religions, à leur stade archaïque, par la Grande Déesse,
dont l'image et l'importance, à travers ses multiples avatars,
se précisent toujours davantage. Elle est présente dans le
vaste domaine altaïque, mais peu d'études lui ont été consa
crées ou d'ordre strictement linguistique. Nous avons voulu
réunir les données éparses la concernant chez les Mongols,
essayer de suivre l'évolution du culte et montrer ses liens avec
les autres « mères » turques et toungouses.
L'existence de la Grande Déesse est attestée depuis environ
huit siècles chez les Mongols, peut-être quatorze chez les Turcs
(texte du Tcheou chou). Une aussi longue période comporte
inévitablement des intervalles vides, mais du manque de
renseignements on ne peut conclure à l'absence de culte, les
déductions demeurent hasardées. Les documents sont dispa
rates et de valeur inégale. A l'exception des Bouriates, les
tribus mongoles ont été peu étudiées, surtout de façon directe.
Les principaux témoignages de visu sont anciens et des auteurs
comme Poppe, Partanen, Banzarov, travaillent, bien que
Mongols dans le cas des deux derniers, sur des sources écrites,
1) La Grande Déesse, Paris, Payot, 1950. 158 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
principalement des manuscrits bouddhiques, donc a priori
hostiles à la « religion noire ». Solidement implanté, le boud
dhisme a laissé subsister peu de chose des anciennes croyances
ou les a refondues au point de les rendre méconnaissables.
LE CIEL ET LA TERRE
La plupart des sources des xine-xve siècles (Plan Garpin,
Marco Polo, le Yuan tch'ao pi che...) nous transmettent de
Àttigdn une image déjà altérée. Il n'est même pas certain que
les noms de Ithoga, Natigai, Yroga recouvrent une même per
sonnalité. Admettons-le pourtant, nous reviendrons plus loin
sur ce point. Les Mongols connaissaient donc, à l'époque de
l'Empire gengiskhanide; une divinité de la terre, résultat
d'élaborations, de fusions réparties sans doute sur un long
espace de temps, mais alors déjà en déclin. Nous savons, en
effet, qu'à la même époque, les Mongols rendaient un culte au
ciel, le tengri, dont le nom figure en tête de tous les rescrits,
principe masculin opposé à la terre, principe féminin dont le
nom est beaucoup moins invoqué et que certains textes, en
outre (Plan Carpin, Marco Polo) nous présentent comme
un dieu. Faut-il voir dans cette substitution du dieu à la
déesse ce que Przyluski appellerait le passage du régime
gynécocratique au régime androcratique ? Sans accepter
tout à fait cette thèse, nous croyons assez volontiers cette
substitution influencée par le caractère militaire de l'époque,
où s'affirmait davantage la prépondérance masculine. L'intro
duction de l'écriture dut propager largement le culte du grand
dieu et lui assurer un caractère officiel. Sans doute ce culte
fleurissait-il à la cour des khans ; peut-être les campements
plus éloignés continuaient-ils d'adorer une déesse-mère, une
aká. Àttigàn resta peut-être la divinité populaire, celle des
« têtes noires », à côté du ciel aristocratique et, dans
les grands ordos, elle ne put se maintenir qu'en changeant de
sexe.
L'Histoire secrète fournit, sur l'évolution du culte, des PROPOS d'ÀTUGÀN, DÉESSE MONGOLE DE LA TERRE 159 A
renseignements fort intéressants. Dans quelques invocations,
la Terre figure encore auprès du Ciel, ainsi dans quelques
formules stéréotypées : « Le ciel et la terre étant d'accord...
(tânggiri qajar àyàttildiijti...) : Nous nous sommes dits, déclare
Qorči abandonnant Jamuqa pour Gengis khan, que, le ciel
et la terre étant d'accord, Tâmiijin serait le maître du monde1. »
Logique parfaite : si Tâmiij'in a réussi à se conciler les deux
puissances de l'univers, son succès est assuré. Et cet accord
des deux semble encore chose nécessaire, l'un complétant
l'autre : « En recevant du Ciel et de la Terre une force accrue,
désignés par le Ciel tout-puissant, menés au but par la Terre
(notre) mère2... », « alors que le Ciel et la Terre augmentaient
ma force et me protégeaient3... ». L'Ong qan rendant grâces
à Gengis khan appelle sur lui la protection du Ciel et de la
Terre ; plus loin4, il spécifie : « La du Ciel d'en haut
et de la Terre : dâ'arà tànggârà qajar-un ihà'âl...» Dans toutes
ces expressions, la terre est désignée sous le nom de qajar,
sauf quand il est précisé la Terre « notre père » : aká Âtiigan ;
ailleurs qajar, plus impersonnel, a supplanté âtiigân, jamais il
n'est associé à àkà. Cependant les adresses au seul iângri,
suivies ou non du qualificatif àcigà minu (mon père) sont déjà
très nombreuses, en attendant les rescrits des Gengiskhanides
d'où toute référence à Àtiigàn aura disparu. L'Histoire secrète
témoigne ainsi d'une période transitoire où l'accord Ciel-Terre
avait été réalisé, la balance commençant à pencher en faveur
du tàngri. Le dualisme est encore sensible, mais nulle trace
de polythéisme, rien qui annonce l'extraordinaire prolifé
ration des tângri bouriates. « Tàngri » n'a jamais, dans la
bouche de Gengis khan, un sens collectif et jamais il n'est
fait allusion á des tàngri autres que áčigá minu. On semble
parvenu à un point d'équilibre, qui bientôt sera rompu, entre
le ciel et la terre, qu'auront dû précéder un antagonisme, une
1) Histoire secrète, trad. Pelliot, Paris, A. Maisonneuve, 1949, § 121.
2) Ibid., § 113.
3) § 125.
4) § 177. 160 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
lutte, dont nous ignorons les épisodes, pour le partage de
l'univers. Peut-être un de ces épisodes nous est-il conservé,
sous une forme atténuée, dans un mythe bouriate, noté suc
cessivement par Agapitov et Gurtin, identique dans ses
grandes lignes, à cette seule différence que la première version
oppose aux tengeri de l'ouest un dadyn ezin (maître de la terre),
tandis que l'informateur de Gurtin, qui suit une tradition plus
pure, présente la Terre-Mère, et Esege Malan, le premier et le
plus grand des tengeri. Esege-malan a eu le tort de faire don
à la terre de la lune et du soleil. Pour les récupérer, on a recours
à Esh le hérisson, qui suggère de demander en retour à la terre
l'air et l'écho et il est finalement décidé que l'air et l'écho
resteront à la terre, le soleil et la lune au ciel. Dans une version
turque Erlik, ici équivalent de Satan, remplace la terre et
l'action s'insère à l'intérieur du vaste récit sur la création,
pénible et empirique, de l'univers.
Plus tard, non seulement la prépondérance passe au ciel,
mais la terre elle-même aura tendance à se viriliser ; ses ava
tars masculins n'auront jamais, toutefois, de personnalité
bien nette ; ou encore elle s'effritera en divinités secondaires
ou locales. Un processus analogue s'observe, toutes pro
portions gardées, avec la déesse du feu Ol-Ui. Même transfert
de pouvoirs. Dans l'abondante littérature chamanico-boud-
dhique, dépouillée par Poppe et Banzarov, sous la multip
licité des titres et périphrases, le Feu apparaît incontesta
blement comme une enti

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