Autour de saint Benoît-Joseph Labre, hagiographie et critique au XIXe siècle - article ; n°149 ; vol.52, pg 113-126
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Autour de saint Benoît-Joseph Labre, hagiographie et critique au XIXe siècle - article ; n°149 ; vol.52, pg 113-126

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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1966 - Volume 52 - Numéro 149 - Pages 113-126
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

Monsieur Jacques Gadille
Autour de saint Benoît-Joseph Labre, hagiographie et critique au
XIXe siècle
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 52. N°149, 1966. pp. 113-126.
Citer ce document / Cite this document :
Gadille Jacques. Autour de saint Benoît-Joseph Labre, hagiographie et critique au XIXe siècle. In: Revue d'histoire de l'Église
de France. Tome 52. N°149, 1966. pp. 113-126.
doi : 10.3406/rhef.1966.1759
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1966_num_52_149_1759DE SAINT BENOIT JOSEPH LABRE AUTOUR
HAGIOGRAPHIE ET CRITIQUE
AU XIXe SIÈCLE
Quand parut en 1873 La vie admirable du bienheureux men
diant et pèlerin Benoît-Joseph Labre, longue biographie de plus
de 500 pages rédigée par Léon Aubineau, rédacteur au journal
V Univers, — Barbey d'Aurevilly, le célèbre mondain converti et
brillant critique littéraire lui consacra une chronique. La cri
tique, à vrai dire, consistait moins dans une recension de l'ou
vrage que dans la manière dont il en parlait, toute en allusions
discrètes et dédaigneuses. Barbey d'Aurevilly en prenait plutôt
occasion pour témoigner de « la petite popularité moqueuse »
et, avouait-il, « presque ridicule » qu'il avait toujours entendu
faire autour de Labre, ce saint de la pauvreté pouilleuse :
J'ai vu dans mon enfance encore, des statues de jardin représentant
un grand dadais en manches de chemise, appuyé sur sa bêche, au-
dessous duquel on avait écrit : « saint Labre, patron des paresseux. » 1
II esquissait, en quelques traits de plume, toute la gamme de
ces moqueries du siècle à l'égard du saint, depuis l'ironie de
« nos mondains déconcertés dans leurs sensualités » et le scep
ticisme de principe de « nos habits noirs de l'impiété, tout prêts
à admirer un Diogène, pourvu qu'il ne soit pas chrétien ! » jus
qu'au rire franc de « nos démocrates », assurés que la voie du
progrès et du bonheur du peuple allait à l'inverse de celle où
s'attardaient les rêveurs d'un christianisme inefficace et dépassé.
Pourtant, la figure du saint continuait à s'imposer à ces rail
leries, vivante incarnation du sermon des Béatitudes. Sa vertu
1. Chronique réimprimée dans Chefs-d'œuvre de la littérature religieuse
(Paris, 1909), p. 47-57. M. Jacques Petit, auteur d'une thèse Barbey d' Aurev
illy, critique (Besançon, 1963), a publié en 1964 le premier volume d'une
Anthologie du XIXe siècle. Des œuvres et des hommes, qui contient des textes
allant jusqu'en 1862. Il faut souhaiter que l'article sur Aubineau soit retenu
pour le second ou le troisième volume à paraître. Voir aussi dans l'édition
de 1887 : Les œuvres et les hommes. Les philosophes et écrivains religieux
(Paris, Quantin, p. 361-73).
8 114 J. GADILLE
n'était-elle pas en ce qu'elle manifestait l'éternelle actualité des
valeurs chrétiennes ?
Mais alors, ne convenait-il pas que le message de cette vie de
saint fût transmis avec authenticité à un monde oublieux de ces
valeurs, un peu comme il l'avait été par Benoît Labre lui-même
à la société de son temps ? « Pour les penseurs », expliquait
Barbey, saint Labre ne devrait-il pas « faire un vis-à-vis étrange
et expressif à la Dubarry, par exemple, ou au maréchal de Richel
ieu ? » Quel degré jamais atteint de la pauvreté n'a-t-il pas
réalisé en effet ! saint François d'Assise eut au moins son ordre,
alors que saint Labre fut ce qu'en langage mondain on nomme
« le lépreux de la cité d'Aoste de la pauvreté ». Le critique se
prenait à regretter qu'une plume vigoureuse n'entreprît pas enfin
de réhabiliter ce saint, de lui restituer sa vraie stature : le pauvre
Labre serait-il donc destiné à « rester aussi pauvre après sa
mort que durant sa vie ?» Il y faudrait, suggérait-il, un esprit
capable de « montrer la revanche de la vie mystique sur la vie
réelle », le talent d'un écrivain de race ou d'un poète. Dommage
que le patron de V Univers ne lui ait pas donné directement l'aide
de « son gros bâton noueux », qui est derrière la porte de sa mai
son et qu'il ne prête jamais ! Car « une vie pareille, vue de par-
dehors, ne se raconte pas ; l'incomparable beauté en est toute
intérieure ». Barbey concluait par ces quelques mots dont il
assommait son malheureux auteur : « Or, justement M. Léon
Aubineau est incapable de cette pénétration. Il raconte de par-
dehors et glose... »
Au-delà de la mise en cause du talent et de la compétence de
ce publiciste, voulait-il dire aussi que tout historien des choses
religieuses et plus particulièrement celui qui fait profession d'ha-
giographe est condamné à se confiner à la glose ? Le don de
rendre sensibles les valeurs spirituelles et religieuses doit-il être,
selon l'homme de lettres, réservé au « penseur » et au poète ?
Or, l'événement qui est venu, bien curieusement, réaliser l'i
ntuition du critique littéraire permet d'en juger : Louis Veuillot
avait, en effet, écrit deux articles à la défense de Benoît Labre,
dans V Univers des 5 et 9 janvier 1868; son frère faisait repro
duire le premier en 1883 lorsque l'archevêque Guibert décida
que le monument, élevé à la mémoire du célèbre journaliste
défunt quelques mois avant, serait érigé dans la chapelle con
sacrée à Benoît Labre au Sacré-Cœur de Montmartre 2.
D'autre part, vers la même époque, un poète, ami de Verlaine,
Germain Nouveau, chantait la bohème du pèlerin de Dieu, en
2. Cf. l'Univers du 10 juin 1883. Les deux articles sont reproduits dans
le tome XXXY des Œuvres complètes de Louis Veuillot : Mélanges (Paris,
1937), p. 311-322. AUTOUR DE SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE 115
quelques strophes que l'auteur n'avait ni l'intention, ni les
moyens de publier, mais que des mains amies ont recueillies 3.
Ni l'un ni l'autre ne prétendaient faire œuvre d'historiens,
mais leur démarche, conforme aux vœux de Barbey d'Aurevilly,
a de quoi faire réfléchir les « spécialistes » sur les méthodes de
l'hagiographie.
D'abord, la sévérité du critique à l'égard du livre d'Aubineau
était tout à fait justifiée, disons même que Barbey d'Aurevilly
tenait une proie facile. L'honnêteté, la sincérité du biographe,
dont celui-ci protestait avec une modestie un peu ostentatoire
dans sa préface 4, ne faisaient pas de doute. Mais c'était sa méthode
qui était en cause.
Dans une tradition de l'hagiographie de Benoît Labre qui
remonte à la fin du xvine siècle, Aubineau se proposait d'abord
de prouver aux yeux des « incrédules » la réalité matérielle des
faits concernant son héros. Aussi, sa « glose » consistait-elle à
rapporter ces faits dans leur minutie, n'épargnant pas à son
lecteur la moindre anecdote. Les premiers témoignages qui avaient
servi à l'instruction de la cause avaient été publiés et, après ses
prédécesseurs italiens, Aubineau les accumulait pêle-mêle, avec
un souci critique de pure forme 5. Les éditions successives de son
livre, car ce fut un succès de librairie, sont augmentées, par
exemple, de la « savante dissertation » de l'abbé Cucherat, éta
blissant « péremptoirement » que Labre a séjourné à Paray-le-
Monial en 1770 avant de se rendre en Italie. Le témoignage d'une
religieuse visitandine, qui fit sa profession le 2 novembre 1770,
a été, en effet, conservé qui déclarait que le saint n'avait pas
seulement résidé à l'hospice, mais soupe un soir au monastère
et qu'un prêtre y reçut sa confession. Quel avait bien pu être
ce prêtre ? M. Cucherat pensait qu'il pouvait s'agir du chape-
3. [J. Germain Nouveau] (dit Humilis), Les poèmes d'Humilis (Paris,
1910, deux autres éditions en 1924). Le poème Humilité, consacré à saint
Labre, est reproduit à la suite de cet article. — La béatification de Benoît
Labre fut proclamée le 15 mars 1859 et sa canonisation le 8 décembre 1881.
A cette occasion, Ver

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