Continence et virginité dans la conception clunisienne de l ordre du monde autour de l an mil - article ; n°1 ; vol.129, pg 127-146
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Continence et virginité dans la conception clunisienne de l'ordre du monde autour de l'an mil - article ; n°1 ; vol.129, pg 127-146

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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1985 - Volume 129 - Numéro 1 - Pages 127-146
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Dominique Iogna-Prat
Continence et virginité dans la conception clunisienne de l'ordre
du monde autour de l'an mil
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 129e année, N. 1, 1985. pp. 127-
146.
Citer ce document / Cite this document :
Iogna-Prat Dominique. Continence et virginité dans la conception clunisienne de l'ordre du monde autour de l'an mil. In:
Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 129e année, N. 1, 1985. pp. 127-146.
doi : 10.3406/crai.1985.14246
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1985_num_129_1_14246COMMUNICATION
CONTINENCE ET VIRGINITÉ DANS LA CONCEPTION CLUNISIENNE
DE L'ORDRE DU MONDE AUTOUR DE L'AN MIL,
PAR M. DOMINIQUE IOGNA-PRAT
La présente étude est l'aboutissement de travaux sur l'hagiogra
phie et l'historiographie clunisiennes au tournant de l'an Mil, c'est-à-
dire sous l'abbatiat d'Odilon entre 994 et 10491. Sont associés à ces
travaux un historien, un philosophe et spécialiste d'exégèse et un
philologue auxquels je tiens à rendre hommage pour commencer :
Georges Duby, Edmond Ortigues et François Dolbeau.
Je me propose d'examiner deux thèmes de l'anthropologie spiri
tuelle des Clunisiens de l'an Mil, la continence et la virginité, replacés
dans le large cadre de la conception que ces contemplatifs se font de
l'ordre du monde. Dans cette étude, je me référerai à trois textes
composés dans les années 1003-1047 : deux pièces du dossier hagio
graphique de saint Maieul — quatrième abbé de Cluny entre 954
et 994 — , la Vita sandi Maioli rédigée par Aldebald à partir d'un
travail préliminaire de Syrus2 et le Sermo de beato Maiolo, texte
anonyme et inédit ; le troisième texte est bien connu, il s'agit des
Cinq Livres des Histoires de Raoul Glaber3.
Avant de me lancer dans le vif du sujet, je voudrais faire deux
remarques préliminaires pour planter le décor.
1) Avec les Clunisiens de l'an Mil, Odilon et son entourage, nous
avons affaire à des intellectuels de haut vol dont la réflexion s'al
imente aux meilleures sources : sources scripturaires bien sûr, mais
aussi, par l'intermédiaire des maîtres de l'École carolingienne
d'Auxerre, la philosophie néo-platonicienne. Les Clunisiens de
l'an Mil sont familiers de la pensée du pseudo-Denys, de Maxime le
Confesseur et de Jean Scot (Ërigène).
1. Je me permets de renvoyer à D. Iogna-Prat, Recherches sur les sources hagio
graphiques relatives à saint Maieul de Cluny (954-994) (à paraître aux éditions
du Cerf), et surtout à E. Ortigues et D. Raoul Glaber et l'historiogra
phie clunisienne (à paraître dans les Studi Medievali), deux études dont je
reprends ici certains développements.
2. B.H.L. 5179, éd. A.A.S.S. Mai II, p. 668-684.
3. Ce texte sera cité dans l'édition de M. Prou (Collection de textes pour servir
à l'étude et à l'enseignement de l'histoire), Picard, Paris, 1886. 128 COMPTES RENDUS DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
2) La méditation des contemplatifs clunisiens est au service d'une
cause. Nous ne quitterons pas le registre des idées ; mais ces idées,
articulées en de savantes compositions comme un beau ciel étoile,
entretiennent un étroit rapport avec le quotidien clunisien de
l'an Mil. Nous sommes au moment où, comme l'a montré Georges
Duby4, se constitue la seigneurie clunisienne, où ces contemplatifs
deviennent des seigneurs ; au moment où, comme l'a souligné Jean-
François Lemarignier5, les Clunisiens s'organisent en ordre — cela
grâce aux privilèges pontificaux, mais au prix d'âpres luttes avec
l'épiscopat autour du problème de l'exemption. Ne dédaignons pas
ces luttes de terrain pour gagner le silence du cloître et l'harmonie
des belles constructions de contemplatifs. A Cluny, l'idéologie est
directement branchée sur l'actualité et ses petites mesquineries : la
dispute de terres ou la fougue indomptée de milites. D'ailleurs ce
sont souvent les mêmes frères qui, tel Aldebald, rédigent les actes de
la pratique et les textes savants.
I. La conception clunisienne de l'ordre du monde.
1. La méditation sur la Quaternité divine (schéma I)
Intéressons-nous tout d'abord au livre I des Histoires de Raoul
Glaber. Parmi les écrits clunisiens de la première moitié du xie siècle,
c'est ce texte, de composition fort élaborée6, qui livre de la façon la
plus ramassée et la plus puissante, mêlant savamment histoire et
théologie, enseignements scripturaires et tradition néo-platonicienne,
la conception que les Clunisiens de l'an Mil se font de l'ordre du
monde.
L'ouvrage de Glaber débute par une méditation sur la « Quatern
ité divine ». Dans cette méditation, il entend à la suite des « savants
pères grecs » (c'est-à-dire, comme l'a révélé P. E. Dutton7, essentie
llement Maxime le Confesseur, autorité à laquelle s'articule le De
Paradiso de saint Ambroise) traiter des rapports du monde présent
4. Georges Duby, La société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise,
S.E.P.V.E.N. Paris, 19712, p. 145 s.
5. Jean-François Lemarignier, Structures monastiques et structures politiques
dans la France de la fin du Xe et des débuts du XIe siècle, dans // Monachesimo nell'
alto Medioèvo e la formazione délia civiltà occidentale (Settimane di studio sull'alto
Medioèvo), Spoleto (1956), 1957, p. 382 s.
6. Cf. Monique-Cécile Garand, Un manuscrit d'auteur de Raoul Glaber ?, Scrip-
torium, 38, 1983, p. 5-28.
7. Paul-Edward Dutton, Raoul Glaber's ' Die diuina quaternitate ' : an unoticed
reading of Eriugena's translation of the Ambigua of Maximus the Confessor,
Médiéval Studies, 42, 1980, p. 431-453. CONTINENCE ET VIRGINITÉ SELON CLUNY DE L'AN MIL 129
Schémas.
Ccf. R.Claber, Histoires, I.chap.l. )
HUtIDUS SUTERHUS
MUNDUS INF MUS
H. B. : les chiffres (1.2. .. ) I. Méditation sur la Quaternlté
et les lettres («,b...) co les trois mondes (sensible.
rrespondent aux ordres d'expo Intellectuel, spirituel).
sition dans le texte de Cla-
ber Cl pois Z...a puis b>. COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 130
inférieur et du monde futur supérieur, ce qui est une façon typique
ment néo-platonicienne de poser en termes cosmologiques le pro
blème des rapports de la Nature et de la Grâce. A partir de cette
opposition fondamentale, on distingue, comme le montre le schéma I,
trois niveaux cosmologiques : 1) le sensible (sensibilis), niveau des
éléments, dans l'ordre d'énoncé : l'éther, l'air, l'eau, la terre ;
2) l'intellectuel (intellectualis), niveau des vertus morales : la pru
dence, la force, la tempérance, la justice ; sensible et intellectuel
qui forment le monde présent inférieur. 3) Vient enfin, au troisième
niveau, le spirituel (spiriiualis) qui est le domaine de la Grâce, du
supérieur futur venu dans le monde à l'avènement du Christ.
Ce qui intéresse Glaber, c'est la relation unissant les deux mondes :
présent inférieur /futur supérieur ou Nature/Grâce. C'est à ce point
qu'intervient le schème de la « Quaternité ». Ce schème se « réflé
chit », dit-il8, aux trois niveaux cosmologiques. Cette « réflexion »
(reflexus) atteste que la Création est régie par un principe d'homo-
logie structurelle. Aux quatre Évangiles correspondent, en effet,
terme à terme, les quatre éléments et les quatre vertus morales,
éléments et vertus auxquels l'homme est associé ; c'est un « petit
monde », un microcosme chez qui l'on distingue quatre sens : la vue
et l'ouïe (comptés ensemble), l'odorat, le goût, le toucher9. Est ainsi
signifié que l'eschatologie spirituelle du Royaume du Christ mise en
forme dans les Évangiles est bien présente.
On aura remarqué que l'énumération des termes se fait de haut en
bas pour le sensible et l'intellectuel, et de bas en haut pour le spiri
tuel. C'est une façon néo-platonicienne de montrer que la Création
va, dans un mouvement de procession puis de conversion, de Dieu à
Dieu. Glaber dit ainsi :
« Par ces évidentes combinaisons (complexibus) entre les choses»
Dieu est an

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