Corps de la république. Blessure et maladie de M. Gambetta - article ; n°1 ; vol.5, pg 160-171

Dominique Damamme

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Genèses - Année 1991 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 160-171
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Philosophie et théologie

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• Publié par: GENESES
• Publié le: 01 janvier 1991
• Nombre de lectures: 36
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

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Dominique Damamme
Corps de la république. Blessure et maladie de M. Gambetta
In: Genèses, 5, 1991. pp. 160-171.
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Damamme Dominique. Corps de la république. Blessure et maladie de M. Gambetta. In: Genèses, 5, 1991. pp. 160-171.
doi : 10.3406/genes.1991.1085
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/genes_1155-3219_1991_num_5_1_1085D О С U M N Т S
Ala différence des précédents « Docu
ments » de Genèses, « Blessure et mal
adie de M. Gambetta » dont on
présente ici quelques extraits (cf. p. 168) n'est
pas un inédit. Avant de prendre place dans
l'édition J. Reinach des discours de Gambetta, Corps
le rapport d'Odilon Lannelongue et de Victor
Cornil avait été publié dans la Gazette heb
de la République domadaire et dans le Concours médical , jour
naux médicaux liés aux républicains de
gouvernement, puis, en brochure, chez Glas-
son4. Unique en son genre depuis l'établissBlessure et maladie de M. Gambetta
ement de la démocratie parlementaire, ce texte
s'impose à l'attention par la conjonction sin
gulière d'un objet - l'agonie, «sur le vif», Dominique Damamme
d'un grand homme - et d'une forme, le journal ► ►►
de bord d'un médecin.
1. Odilon Lannelongue, Victor Cornil, « Blessure et
maladie de M. Gambetta », in J. Reinach (éd.), Dans la journée du 27 novembre 1882,
Discours et plaidoyers politiques de M. Gambetta, Léon Gambetta se blesse à la main en mani
11 vols., 1881-1885, vol. 9. pulant un revolver, point de départ du « drame
2. O. Lannelongue, professeur de pathologie à la des Jardies », sa maison de Ville-d'Avray. Il
faculté de médecine de Paris, président de mourra le 31 décembre à minuit. Quelle que l'Association générale des médecins de France, ami
soit l'origine exacte de la blessure6 (malapersonnel de Gambetta ; Victor Cornil, également
professeur à la faculté de Paris, sénateur de l'Allier, dresse ou querelle domestique qui tourne mal),
ancien préfet gambettiste.
il semble que Gambetta, dont le crédit est at
n° 4, 1883. Sur le Concours, 3. Le Concours médical, teint par l'échec du « Grand ministère », ait
cf. D. Damamme, « La jeunesse des syndicats de
immédiatement perçu les risques d'exploitamédecins ou l'enchantement du syndicalisme »,
n° 3, mars 1991, p. 31-54. tion politique et s'en soit inquiété. En tout cas, Genèses,
dans un premier temps, l'homme politique pré4. « Blessure... », Paris, Glasson, 55 p.
fère garder le silence et la confirmation offi
5. Cf. le Roman vrai de la IIIe et IVe République, cielle de la thèse de l'accident n'intervient Paris, Bouquins, 1991 ; en particulier J. Reinach, « Le
qu'une semaine plus tard, pour couper court ministère Gambetta, histoire et doctrines (14
novembre 1881-26 janvier 1882) », 1884 et E. Pillias, aux « bruits » intéressés qui se propagent dans
« Léonie Léon, amie de Gambetta », 1935. la presse (la République française, 4 décembre
6. Elle préoccupe sérieusement les médecins : « L'état 1882). Dans la conjoncture politique défavo
général du blessé demandant à être surveillé de près ; rable au gambettisme de l'année 1882, la nouson embonpoint, son genre de vie réclamant quelques
velle place les journalistes devant un précautions », O. Lannelongue, op. cit., p. 11.
dilemme : faut-il en parler ? Et comment en 7. Les journalistes soulignent sa « fougue de Gascon
parler ? Son annonce s 'étage ainsi sur plus et une franchise de gros garçon élevé un peu
sommairement », « son habileté de Génois, mâtinée de d'une semaine. Elle figure dans l'édition du
judaïsme », son éloquence « à ventre déboutonné » (le 29 novembre du Petit Parisien, mais le Petit 1er janvier 1883) ; il est resté un « vieil Figaro,
Journal n'y fait écho que le 12 décembre. Cerétudiant pertubateur », un « personnage assez mal
éduqué » (le XIXe siècle, 3 janvier 1883). La Revanche tains ignorent ostensiblement l'information :
(3 janvier 1883) voit en lui « un ventru et un ainsi le Figaro s'abstient-il de tout commentviveur », et le Constitutionnel (3 janvier 1883), une
aire entre le 1er et le 20 décembre. Jusqu'à « nature molle et sensuelle, affamée de jouissance ».
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un simple mandat de Belleville ? » (/' Intranl'ultime semaine de décembre, les journaux,
dans leur grande majorité, se contentent de r sigeant, 30 novembre 1882). Les démentis de
eprendre les communiqués de la République la République française n'y font rien ; « Les
française, l'organe de Gambetta. Cette discré journaux ayant répandu toutes sortes de bruits
tion s'explique par des raisons très diverses, sur la blessure de M. Gambetta, nous devons
caractère bénin de la blessure, silence de l'en à nos lecteurs d'entrer dans des détails précis.
tourage et des médecins, autorité mais aussi M. Gambetta s'est blessé lui-même... » {la Ré
et inversement discrédit politique de Gambett publique française, 4 décembre 1882). « Ce
a, prudence de la presse « indépendante », i bulletin mettra fin sans doute aux bruits divers
ndifférence des organes d'opposition, et erronés qu'on répand sur cet accident »
événements plus attractifs pour les feuilles po {idem, 5 décembre 1882). Même la connais
pulaires comme les inondations de la Seine, sance de la nature réelle du mal dont est atteint
le procès de l'Union générale ou les préparat Gambetta reste sans effet. « Comment une
ifs des fêtes de Noël. Évidemment, plusieurs balle, reçue dans le bras, peut-elle occasionner
quotidiens détonnent dans ce paysage hiver une maladie dans le ventre. Nous allons l'ex
nal, et d'abord Г Intransigeant de Rochefort pliquer : c'est que M. Gambetta n'a pas reçu
qui, presque journellement, se sert de la bles une, mais deux balles [...] la seconde qui est
sure comme d'une arme, avec la violence qui entrée dans l'abdomen pour sortir près de
lui est coutumière et distinctive, dans sa lutte l'aine » (« La vérité sur le cas Gambetta »,
contre le chef de l'opportunisme, tour à tour Г Intransigeant, 30 décembre 1882). Un des
qualifié de « Machiavel cadurcien » (27 no services espérés du rapport de Lannelongue
vembre 1882), d'« Ex-grand ministre », de sera de mettre définitivement fin à cette ver
« dictateur en retrait d'emploi », de « Génois sion des faits qui résiste à la mort. « Quelques
néfaste » (1er décembre 1882), de « cousin de journaux avaient affirmé que, indépendam
Mlle Claire Gambetta », une chanteuse de mus ment de la balle reçue dans le gras de la main
ic-hall qui passe au Bataclan (19 décembre droite et ressortie près du coude [...] M. Gamb
1882), ou mieux encore de « suppurant de la etta avait reçu une balle dans le ventre. Le
Ville-d'Avray » {idem) . Très vite, se répand procès-verbal d'autopsie n'en fait nullement
la rumeur d'une dispute entre Gambetta et sa
mention ; d'ailleurs cette version n'avait pas
maîtresse, « d'une violence inouïe » {l'Intran
obtenu créance, mais on n'avait pas accepté 1er décembre 1882). « M. Gambetta sigeant, le récit d'une blessure accidentelle en maniant
ne s'est pas blessé. On a tiré sur M. Gambetta.
un revolver. Tous les essais auxquels on s'est
Qui est on ? On est une femme. Mme L. X., la
livré en ont démontré l'impossibilité. Ainsi mère de l'enfant que M. Gambetta fait élever
que nous l'avons dit depuis le début, il y a eu en Allemagne sous le nom de L. Massabié »
drame. Seulement le blessé affirmant l'acci{le Gaulois, « La vérité sur l'accident de Ville-
dent, sa déclaration est la seule officielle. Ce d'Avray », 29 novembre 1882). « Ce ne serait
qui écarte d'ailleurs la pensée qu'il y ait pu y pas un accident, et ce ne serait pas par lui-
avoir crime prémédité, c'est que la personne même que M. Gambetta aurait été blessé. On
qui s'est trouvée un revolver à la main, en préfait remarquer à ce propos que l'événement a